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Colère des militaires et des commerçants : Ouagadougou dans l’œil du cyclone

Publié le lundi 18 avril 2011 à 01h17min

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Pour la 3e fois consécutive en l’espace d’un mois, les militaires ont encore manifesté à coups de fusil dans la capitale, Ouagadougou. Ce coup-ci, c’est même le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) qui a fait en premier parler les armes pour une affaire d’indemnités. S’en suivront des destructions de biens publics et autres actes de vandalisme.

La réponse du chef de l’Etat interviendra par le biais de la dissolution du gouvernement et des changements opérés au niveau de la hiérarchie militaire. Un mouvement de colère éclatera également au sein des commerçants, qui s’en prendront, entre autres, à l’Assemblée nationale et au siège du CDP.

Une situation qui a entraîné la pénurie de certains produits comme le carburant, dont le prix du litre a plus que doublé, atteignant 1500 F CFA à la date d’hier.

Acte I : La genèse. Jeudi 14 avril 2011. Des coups de feu éclatent du côté du palais présidentiel de Kosyam aux environs de 21 h, soit quelques heures à peine après le départ des Gardes de sécurité pénitentiaire, dernier groupe des corps paramilitaires à être reçus par le Président du Faso dans le cadre des concertations entreprises avec les différentes couches socioprofessionnelles.

Des tirs nourris à l’arme légère et à l’arme lourde se font entendre et « voir » (NDLR : des témoins parlent de traces rouges montant dans le ciel telles des feux d’artifice).

On apprend aux alentours de 22h que le chef de l’Etat a été exfiltré d’abord vers son ancien palais de Koulouba puis vers Ziniaré. La raison de cette nouvelle poussée de fièvre kakie ?

La colère des éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) après le non-paiement d’indemnités de logement (les choses se seraient embrasées après que les bidasses ont constaté l’absence de ces indemnités sur leurs bulletins de salaire le jeudi 14 avril, jour de paie). Les autres camps de la ville entrent dans le carnaval des armes.

Sur le coup de minuit, la soldatesque prend d’assaut les artères de la capitale en tirant en l’air. S’en suivront des actes de vandalisme, pires que les précédents qui semblent avoir été de simples entraînements.

Acte II : Le constat. Vendredi 15 avril 2011. Après une nuit des plus tourmentées, Ouagadougou se réveille dans la psychose. Pour bien de commerçants, c’est la désolation, leurs commerces ayant été vandalisés dans la nuit : supermarchés, caves, boutiques de matériels électroniques dont Marina market Patte-d’Oie et Gounghin, Bessel équipements, Diacfa automobiles, Burkina Pas cher, Kastouprix, le maquis Ouaga- Lyon, la Grande Cave,

l’hôtel Splendide, la SONACOF, pour ne citer que ceux-là, semblent avoir été la prédilection des casseurs.. Le domicile du chef d’état-major particulier de la Présidence du Faso, le Général de brigade Gilbert Diendéré, a été incendié. Sans doute, instruits par les précédentes « descentes », plusieurs responsables se sont terrés hors de leur domicile habituel et d’ autres ont même convoyé leur famille au village.

La radio Savane FM a été également « visitée ». Selon Pascal Tabo, l’un des vigiles, vers 2 h du matin des militaires, une vingtaine, seraient arrivés à bord d’un véhicule muni de gyrophares : « Deux d’entre eux ont enjambé le mur et m’ont forcé à ouvrir le portail.

Mon collègue a réussi à s’enfuir. Ils m’ont amené avec eux à l’étage en me donnant des coups de pied et des gifles. Ils m’ont demandé ce qu’il y avait dans la salle.

J’ai répondu que ce n’était que des machines et que je n’en avais pas la clé. Ils m’ont dit de ne pas bouger de là et ils sont descendus forcer la porte du rez-de-chaussée ».

A l’intérieur, les bidasses tomberont sur Ahmed Yaméogo, un technicien qui, comme qui dirait, se trouvait au mauvais moment au mauvais endroit : « Dès qu’ils sont entrés, ils ont commencé à me frapper et m’ont dit d’aller ouvrir la porte de l’émetteur qui se trouve en haut.

Comme je leur ai répondu que je n’en avais pas la clé, ils m’ont tabassé et ont commencé à tout casser et ils sont partis avec mon portable et ma moto ».

Deux ordinateurs seront également emportés. Rédaction, studio, secrétariat, salle de production, bureaux du directeur général (DG) et du président-directeur général (PDG), toutes les pièces ont été visitées.

Cartouches de balle éparpillées un peu partout, empreintes de Rangers (chaussures militaires) sur des portes, et même à certains endroits des tâches de sang démontrent la violence des visiteurs. Deux chargeurs ont été abandonnés dans leur furia.

Chez le DG de la radio, Charlemagne Abissi, c’est l’incompréhension : « On ne comprend vraiment pas. On se demande pourquoi et en même temps on se dit que c’est dommage. On se demande s’ils savent ce qu’ils font. C’est vraiment dommage ».

Fort heureusement, l’émetteur n’ayant pas été touché, les agents n’attendaient plus que les constats de la Gendarmerie, d’huissier de justice et des assurances avant de reprendre service alors qu’il était 10 h ce vendredi. Pendant ce temps, les militaires, eux, « patrouillaient » dans les quartiers. Plusieurs véhicules civils seront « arraisonnés ». Un groupe mettra le cap sur l’avenue de la Nation à la recherche de véhicules « fonds rouges » dans les ministères qui s’y trouvent.

La ronde de la soldatesque va semer la panique, donnant lieu à un sauve-qui-peut général en certains endroits comme aux alentours de Rood Woko. Les casses vont continuer avec la participation de la population. Le guichet cash power de la SONABEL a été touché.

Acte III : Les décrets (1re partie). Dans l’après-midi du vendredi, alors que selon nos informations, les éléments du RSP auraient commencé à recevoir leurs primes, le président du Faso, comme pour montrer qu’il est toujours aux commandes, reçoit en audience plusieurs personnalités au nombre desquelles le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en Côte d’Ivoire, Choi Yun-Ji.

Dans la soirée, trois décrets présidentiels tombent : le gouvernement est dissous, le colonel-major Nabéré Honoré Traoré (ancien commandant du Groupement central des armées) est nommé chef d’état-major général des armées (CEMGA) en remplacement du général de division Dominique Djindjéré, et le colonel Boureima Kéré, jusque-là chef du cabinet militaire du président du Faso, est le nouveau chef de corps du RSP en lieu et place du colonel Omer Bationo dit « bon ballon » et non du Général de brigade Gilbert Diendéré (comme ont pu penser certains), toujours à son poste de chef d’état-major particulier du chef de l’Etat. En dépit de ces changements, les pillages se sont poursuivis de plus belle dans la nuit de vendredi à samedi

Acte IV : La réplique. Au réveil, sans doute excédés par cette énième attaque de leurs commerces après celle de la nuit du 22 au 23 mars, des commerçants expriment leur colère : les sièges du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti au pouvoir, et de la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (FEDAP-BC) sont incendiés.

Les frondeurs vont également s’en prendre à l’Assemblée nationale, où trois véhicules seront brûlés et une vingtaine caillassés tandis que le bâtiment sera arrosé de pierres. Ils se heurteront aux forces de sécurité au niveau de l’hôtel de Ville.

L’avenue Yennenga, elle, présentait un visage de champ de ruine. Les petits commerçants tenant des boutiques environnantes n’avaient que leurs yeux pour pleurer. De leurs commerces ne restaient que des morceaux de cartons. Bouteilles de gaz, foyers, glacières, groupes électrogènes, pousse-pousse, …, tout a été emporté. Ibrahim Sam, une des victimes, n’en croyait pas ses yeux. « Je suis là depuis 12 ans, je paie convenablement mes impôts, pourquoi c’est nous qui devons subir la colère des militaires ? » se demande-t-il avant de nous confier qu’il a perdu des articles d’une valeur de 930 000 F CFA et 110 000 F CFA de liquidité.

Le responsable de l’Association des petits commerçants pour la lutte contre la pauvreté, Salif Traoré, s’employait à lister les victimes de sa structure et n’avait pas assez de mots pour qualifier la situation. « Si on ne fait rien pour arrêter ça, nous ne resterons pas les bras croisés », prévient-il.

A une centaine de mètres de là, le spectacle est tout aussi désolant au niveau du laboratoire Lotte photo. Selon le directeur technique et commercial, Christophe Moyenga, 10 ordinateurs, 20 appareils numériques professionnels, des cartes-mémoires, des documents administratifs ainsi que la caisse ont été emportés. « On n’a plus rien !

Il nous faut un nouvel investissement pour redémarrer », conclut-il. Sur la même avenue, le bureau de change de Grace-telecom aurait perdu plus de 4 millions de F CFA et des cartes de recharge téléphonique d’une valeur de 2 400 000 F CFA. Les pertes se chiffreraient chez Ouelaf-electronique, un voisin, à près de 21 millions de F CFA.

Avec une détresse digne de naufragés en pleine mer, les employés de l’établissement Ouédraogo Noufou et frères (ETOF) sur l’avenue Houari Boumédienne étaient face à des magasins vides : 90 motos de 30 marques différentes se seraient volatilisées. « Ils sont venus accompagnés de civils qui les ont aidés à forcer la porte en notre présence autour de 1h du matin. Les motos ont été chargées dans des 4 x 4 et même dans une ambulance. Chaque civil est reparti avec une moto. Tout l’argent entreposé dans le coffre a été emporté », témoigne l’un d’eux.

Une dizaine des motos volées a été récupérée par des jeunes du quartier Saint-Léon. « Nous voyions des jeunes passer avec les motos et nous en avons retirées 17. Les soldats, informés de cela, sont venus pour les retirer mais un frère militaire du quartier s’y est farouchement opposé.

La Gendarmerie est venue faire le constat et les commerçants, documents à l’appui, ont pu récupérer leurs motos. Cela a été notre contribution en faveur des commerçants du quartier », raconte l’un des héros. Les commerçants se sont employés à mettre le reste des marchandises en lieu sûr. Mais y a-t-il encore un « lieu sûr » au Burkina ?

On fait cas de viol de femmes et de jeunes filles. « J’en suis malade, révoltée, perdue. Où on va ? Nous sommes tous en danger », nous a confié une dame qui, pour des raisons évidentes, a préféré garder l’anonymat.

Acte V : Le couvre-feu et les décrets présidentiels (2e partie). Dans l’après-midi de samedi, un communiqué émanant du Secrétariat général du ministère de la Sécurité annonce un couvre-feu sur toute l’étendue du territoire communal de 19h à 6h pour compter du 16 avril 2011.

Un autre communiqué, signé lui, du Secrétariat général chargé de l’expédition des affaires courantes du ministère chargé de la Fonction publique, reporte à une date ultérieure les concours prévus pour se dérouler le dimanche 17 avril.

Dans la foulée, de nouveaux décrets présidentiels tombent : le nouveau patron de l’armée est élevé au rang de Général de brigade ; de nouveaux chefs d’état-major par intérim de l’Armée de Terre, de la Gendarmerie nationale, de l’Armée de l’Air et le commandant par intérim du Groupement central des armées (GCA) sont nommés ; et le Général de brigade Brice Bayala est désigné chef du cabinet militaire de la Présidence du Faso.

Jusque dans la nuit de samedi, des tirs sporadiques se font entendre. Le bilan humain de ces exactions ? On parle d’une cinquantaine de blessés. D’aucuns parlent même de mort sans qu’on ait pu vérifier l’information (lire aussi page 9).

Acte VI : La pénurie. Avec la fermeture des stations d’essence depuis le vendredi matin, les Ouagalais ont du mal à se procurer le liquide précieux. De petits malins postés à plusieurs carrefours de la ville en revendent. Le prix du litre d’essence (super 91) monte parfois jusqu’à 1 500 F CFA contre 700 F CFA en temps normal.

Les clients ne manquent pas, mais prient tous les dieux de la mécanique que ce ne soit pas des urines ou tout autre liquide impropre aux moteurs qui leur a été fourgué. Les quelques stations qui ouvrent sont prises d’assaut par les citoyens. Des queues interminables se créent et tout le monde redoute la panne sèche si la situation devait perdurer.

Acte VII : Un calme précaire. Avec le couvre-feu et les nombreuses décisions, un calme même précaire semblait revenu sans qu’on pût véritablement dire s’il était définitif. Cela, d’autant plus que, hier dans la matinée, des tirs nourris ont été également entendus à Pô, le « foyer incandescent de la Révolution », comme on l’appelait jadis. On annonçait même le départ pour cette ville d’éléments partis de Ouaga. Pour quoi faire ? Telle était la grande question.

Siège du CDP cramé

Le 16 avril 2011, le siège du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) a été incendié par des manifestants en colère. Pratiquement un remake du 16 décembre 1998 suite à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo. Les raisons de cette ire incendiaire : le saccage et pillage la veille, de plusieurs magasins et boutiques de commerçants par des militaires, eux aussi visiblement remontés contre la hiérarchie.

Il était environ 9 h 30 donc ce jour-là quand un groupe de marcheurs, en furie, a fait irruption dans la cour du CDP, et a commencé à tout casser, injuriant le pouvoir en place. 6 ou 7 engins qui étaient parqués dans l’enceinte du Q.G du CDP ont été sortis et amassés sur le goudron, à quelques jets de pierre de là en face de la Banque de l’habitat. Ces engins seront arrosés d’essence et incendiés.

Puis ce sera la bâtisse même qui sera mise à feu par les manifestants qui saccageront pratiquement tout à l’intérieur. Un des manifestants qui a voulu emporter un ordinateur écran plat a été prié par les autres de le remettre car, “nous ne sommes pas des voleurs”, a-t-on entendu dire. En quelques minutes, le 11.46, de l’Avenue Kwamé N’Krumah est devenu un brasier incandescent. Les sapeurs-pompiers y arriveront plus tard pour éteindre ce qui n’était plus que décombres.

Presque 45 mn après, Alain Yoda, membre de la haute hiérarchie du CDP, et ministre des Affaires étrangères, fera un tour mais, vu l’atmosphère surchauffée, rebroussera chemin sans entrer dans l’enceinte. Après lui, c’est le président du CDP, himself, Roch Marc Christian Kaboré, qui viendra sur les lieux pour constater les dégâts.

Après le siège du CDP, les manifestants sont allés au siège de la FEDAP/BC pour accomplir le même forfait. Là-bas aussi, le quartier général de cette structure associative, (mitoyenne avec la maternité de Yennenga), qui supporte Blaise Compaoré a été également détruit.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 18 avril 2011 à 02:05, par le patriote En réponse à : Colère des militaires et des commerçants : Ouagadougou dans l’œil du cyclone

    svp !que chacun dise au juste ce qu’il veut ! ordinateur portable, téléphone portable, appareil photo numérique, carte mémoire ! chose bozarre que ce sont ces articles qui sont le plus prisés des pilleurs ! on joue à un jeu fratricide !réveillons nous !arrêtons de boir et de fumer n’importe quoi !si je pille le boulanger demain je mourrai certainement de fain !

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