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Dominique Ouattara, première dame d’affaires

Publié le vendredi 15 avril 2011 à 16h10min

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Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo ont un point commun : ils ont tous deux épousé, en secondes noces, une forte personnalité. Bien avant Laurent, Simone Gbagbo a mené une carrière politique musclée qui l’a conduite à créer le Front populaire ivoirien (FPI). Indépendamment d’Alassane, Dominique Ouattara a su se faire un nom. Ou plutôt trois : Nouvian, son patronyme de naissance, Folloroux, celui de son premier mari, et Ouattara, celui qui lui permet d’accéder aujourd’hui au statut de première dame de Côte d’Ivoire.

Dominique Nouvian naît Française en décembre 1953 à Constantine, en Algérie. Elle épouse le professeur Folloroux en 1973. Le nouveau marié est enseignant au lycée technique d’Abidjan et sa dulcinée débarque en Côte d’Ivoire en 1975. Elle obtient un poste à la représentation locale de l’Organisation des Nations unies. Dès 1979, elle devient Président-directeur général de l’Agence internationale de commercialisation immobilière (AICI). Elle conquiert la Côte d’Ivoire dans le sens inverse des troupes soutenant aujourd’hui son actuel mari. Partie d’Abidjan, elle étend le réseau de l’entreprise aux provinces ivoiriennes, notamment Yamoussoukro, Bouaké, San Pedro et Jacqueville.

En 1989, l’ambitieuse femme d’affaires implante AICI en France : antenne parisienne dans le XVIe arrondissement, puis lancement, en 1991, d’une agence à Cannes. En 1993, la compagnie s’enrichit d’un cabinet de gestion de syndic de copropriété, Malesherbes Gestion, qui gère plus de deux cents immeubles à Paris. Puis le groupe reprend son expansion sur le continent africain. Il s’installe au Gabon en 2001 et au Burkina Faso en 2006. Il emploie aujourd’hui plus de 250 personnes.

Parallèlement, en 1996, Dominique devenue madame Ouattara est nommée présidente et Chief Executive Officer de la société EJD Inc. Par ce biais, elle acquiert, en 1998, les franchises du coiffeur Jacques Dessange aux Etats-Unis. Le brushing toujours impeccable, elle devient alors président-directeur général du salon French Beauty Services à Washington. Elle est également propriétaire de la marque Nostalgie Afrique. En 2000, à Venise, le prix The Leading Women Entrepreneurs of the World la classe parmi les quarante femmes d’affaires les plus influentes de la planète.

La rencontre avec « ADO »

La businesswoman Dominique épouse le banquier Alassane Dramane Ouattara (ADO) en 1990. Leurs carrières internationales respectives font des deux tourtereaux un couple riche. Ils possèdent des villas à la Riviera Golf d’Abidjan, à Neuilly ou à Mougins dans le Sud de la France. Ils fréquentent le gotha économique ou politique international. De manière générale, la richesse personnelle d’un nouveau président de la République rassure les populations africaines. Celui qui est repu n’aura pas besoin de se goinfrer du budget national. Mais l’appartenance à la jet set pourrait garder les époux à l’écart du peuple « d’en bas ». Dominique semble l’avoir compris. Elle se dédouane de sa fortune en s’investissant dans l’incontournable caritatif.

Dès 1998, elle crée la fondation Children of Africa. Elle combine une pincée de gentry allemande et une louche de bons sentiments : la princesse Ira de Fürstenberg est la marraine de la fondation et l’objectif est le « bien-être des enfants du continent en leur apportant assistance, écoute et affection ». Fauteuils roulants, lots de médicaments, tables d’accouchement et câlins : à s’y méprendre un programme de première dame.

Si Dominique Ouattara ne s’implique pas directement dans la politique, elle séduit tout de même les cercles du pouvoir. Feutrée, d’apparence timide et discrète, elle accepte d’entrer dans la lumière en devenant, en 1989, présidente d’honneur de la Chambre syndicale des syndicats immobiliers de Côte d’Ivoire. Ses détracteurs voient en elle une courtisane, une femme fatale, une Pompadour de la cour du président ivoirien Félix Houphouët-Boigny. Introduite dans le sérail présidentiel, elle gérera les propriétés du père de la Nation ivoirienne, mais aussi celles de son homologue gabonais Omar Bongo. Elle aurait déployé un lobbying appuyé pour que son futur mari, Alassane Ouattara, accède, en 1988, au poste de gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). ADO deviendra le Premier ministre du vieil Houphouët en 1990.

Dame de fer et atout cœur

Dominique Ouattara sera-t-elle un atout ou un handicap pour le président élu de Côte d’Ivoire ? Les débats dans les maquis ivoiriens pourraient s’arrêter sur sa vie privée, ses origines, sa confession religieuse ou son élitisme.

L’Afrique de l’Ouest, encore pudibonde, n’est friande de familles recomposées que dans le monde du show-biz. Mais si le couple Ouattara a eu quatre enfants de premiers lits, Dominique n’est pas divorcée. Elle fut veuve à l’âge de 30 ans. Et c’est aussi en secondes noces que la « moralisatrice » Simone épousa Laurent Gbagbo.

La question des origines ne devrait plus être un sujet de débat depuis que la compatriote française de Dominique Ouattara, Viviane Wade, est première dame du Sénégal. Mais Alassane Ouattara fut étiqueté allochtone par les tenants de l’ivoirité, et plus encore qualifié, pendant la campagne électorale, de « candidat de l’étranger ». Habile, le 27 décembre 2010, l’épouse Ouattara commençait ses vœux de fin d’année par « à mes frères et sœurs ivoiriens ». Comme la blonde première dame sénégalaise, Dominique ne dédaigne pas s’habiller en pagnes bigarrés, au risque, parfois, d’avoir l’air d’être costumée. Et Gbagbo, lui-même, n’avait-il pas épousé une Française, Jacqueline Chaynes, qui lui donna son fils Michel ?

Sur la question de la religion que certains politiciens mal intentionnés tentaient d’instrumentaliser, la nouvelle Première dame démine le soupçon de prosélytisme musulman. Elle est d’origine juive sépharade, réputée proche des milieux israéliens. Elle est de confession catholique. Elle est même parfois surnommée « Fanta » par les supporters musulmans de son époux. Œcuménisme au sommet de l’Etat ?

Face aux universitaires Gbagbo, le couple Ouattara incarne la modernité de carrières mondialisées et d’une communication multimédia. Gare à l’élitisme qui pourrait le déconnecter des quartiers « poto poto » (boueux).

« S’il en est un qui jubile aujourd’hui de voir le couple Ouattara aux palais présidentiel ivoirien, c’est le président français Nicolas Sarkozy. Depuis l’élection ivoirienne, il a transpiré maladroitement sur un dossier qu’il ne comprenait pas. Il ne peut que se réjouir qu’un couple de marxistes populistes cède la place à deux libéraux pur jus, aux carrières brillantes dans la sphère économique. Dominique et Alassane sont francophiles et se sont même mariés à la mairie du XVIe arrondissement de Paris. La nouvelle première dame de Côte d’Ivoire se lia d’amitié avec l’ex-première dame de France Cécilia. Et l’amitié avec Sarkozy finit de se nouer via Martin Bouygues. Pourvu que l’état de grâce des Ouattara ne soit pas d’aussi courte durée que celui de leur ami Sarko. »

Damien Glez

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