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MILICES AU BURKINA : Il faut quitter dans ça !

Publié le vendredi 15 avril 2011 à 03h14min

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Un jour, arpentant comme d’habitude les ruelles de la ville de Ouagadougou, la sébile au flanc, la tête baissée mais l’oreille attentive et indiscrète, j’entendis, lorsque je m’affalai devant deux gourous qui sirotaient tranquillement leur bière : "La meilleure façon, disait un de ces deux gourous, de dissuader les manifestants qui pullulent partout, est de se doter d’une milice". Souriant allègrement, je compris aussitôt que ce gourou, en parlant de manifestants, faisait beaucoup plus cas des scolaires et non de ces croquants qui, la canonnière en pointe, pillent et vandalisent tous azimuts commerces et autres échoppes.

Eh bien ! Grande était ma surprise et je tombai à la renverse, moi qui croyais qu’après les années de braise, la culture de la milice avait disparu au pays des Hommes intègres, ces valeureux et dignes fils qui ont pu, à toute épreuve, surmonter les aléas de la vie. Et je suis d’autant plus gai, que malgré mon statut, je me dis aussi que je suis un homme intègre. De cette conversation, je compris malheureusement que la prolifération des milices est en train de s’enraciner dans notre vécu puisqu’elle apparaît désormais pour nos gourous comme la solution à tous leurs problèmes.

D’aucuns me demanderont pourquoi je ne parle que des gourous, ceux-là qui, à force de se soumettre à l’exercice des trois "b", ont poussé des ventres et ne veulent jamais, du fond de leur douillet salon, se sentir inquiets. Mais comme on le sait, il faut être un gourou pour pouvoir entretenir une milice, lui trouver "un armement lourd" comme des gourdins, des machettes, des fusils, des coutelas, et tutti quanti. Permettez-moi de dire, le coeur serré, que c’est la culture de la milice qui est à l’origine de certains maux comme le sectarisme, le divisionnisme ethnique, le tribalisme et le régionalisme. Donc, arrêtons de jouer avec le feu, si l’on ne veut pas un jour, les doigts entre les dents, susurrer, le coeur meurtri : "si on savait".

Comme le disent nos amis de l’autre côté de la lagune Ebrié, "il faut quitter dans ça" pendant qu’il est temps. Assurer la sécurité des personnes et de leurs biens relève, jusqu’à preuve du contraire, dans un Etat de droit (et ça même les fous le savent), des prérogatives des forces de défense et de sécurité. Tout acte contraire est l’aveu d’un échec ou d’une faiblesse de l’autorité publique, et dénote d’une anarchie. Ne sont-ce pas ces milices recrutées à la pelle sous le nez et la barbe des autorités, si elles-mêmes ne sont pas souvent complices, qui ont contraint, naguère, lors de la crise de 1998, certains élèves ou fonctionnaires à quitter, sous l’emprise de la vindicte, une localité pour la simple et puérile raison qu’ils sont des étrangers ? Et on l’a vu encore récemment à Yako, à Boussé et à Ouagadougou où des chefs d’établissement distribuent à l’aveuglette des armes aux enfants pour qu’ils se "rentrent dedans".

Où allons-nous, braves gens, si dans un Etat de droit, tout doit désormais se résoudre par l’argument de la force et non l’argument du droit ? Je peux encore comprendre que des responsables d’établissements se livrent à cette pratique mais quand j’apprends que même des services administratifs comme des gouvernorats, des hauts-commissariats et des mairies, par-ci, par-là, sont à longueur de jour et de nuit gardés par une milice bien concoctée, je tombe des nues. Car je comprends que l’autorité publique est en train de légitimer la pratique des milices. La déchéance d’une nation commence toujours par l’affaiblissement ou la négligence de ses institutions. En tout cas, moi, j’aurai eu le mérite, malgré ma folie, de tirer la sonnette d’alarme face à une gangrène sociale en incubation. Et je repète que pour notre sécurité à tous, on doit quitter dans ça.

Le Fou

Le Pays

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