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GOUVERNANCE EN AFRIQUE : "La démocratie est un combat permanent contre tout abus de pouvoir"

Publié le lundi 11 avril 2011 à 02h33min

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L’auteur de l’analyse ci-dessous se demande pourquoi les chefs d’Etat africains sont si attachés au pouvoir qu’ils n’entendent jamais raison. En partant d’exemples concrèts de chefs d’Etat qu’il considère comme l’incarnation type de la tyrannie en Afrique, l’auteur reconnaît que l’espoir est tout de même permis avec l’avènement de certains "esprits éclairés".

Je n’ai jamais compris pourquoi la plupart des présidents africains ont cette fâcheuse tendance à vouloir s’éterniser au pouvoir au mépris de leur peuple.

L’histoire vient une fois de plus de balbutier dans notre chère Afrique. La Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo fait la une des médias après son refus obsessionnel de quitter le pouvoir suite aux élections de novembre 2010. Lorsque Chirac disait que la démocratie est un luxe pour l’Afrique, certains ont gesticulé et sont allés au plus profond de notre histoire pour y puiser les preuves tangibles de la pratique démocratique dans nos mœurs sociopolitiques. Pour moi, il ne s’agit pas de gesticuler mais d’en apporter la preuve contraire.

Ayons le courage de reconnaître que la quasi-totalité des pouvoirs africains sont pires en répression, confiscation de liberté d’expression, de presse, en terreur militaire que le plus vil des régimes staliniens ; en témoignent les tueries dont sont victimes les populations civiles en Côte d’ivoire, en Libye et dans d’autres pays.

Y a-t-il un autre vocable que celui de tyrans, d’antidémocrates pour nommer les Gbagbo, Kadhafi, Ben Ali, Tandja, Moubarrak, Biya, Mobutu, Hissein Habré et j’en passe ? Leurs dénominateurs communs : la défense de leurs intérêts égoïstes, ceux de leur famille, la défense de la corruption, du copinage, du népotisme et le tripatouillage de la constitution (article 37 dans notre cas) pour rester au pouvoir ad vitam aeternam. Ces comportements rétrogrades de nos chefs d’Etat, dignes de l’époque de l’obscurantisme, annihilent toute assise démocratique et du coup, tout effort de développement au mépris du bonheur du peuple. Toute démocratie digne de ce nom s’élabore dans la matrice d’un Etat de droit qui en appelle à la liberté d’expression, de presse, d’association, à un contre- pouvoir véritable, à des débats d’idées véritablement contradictoires et à la répartition équitable des revenus (au Burkina, plus de 40% de la population vit dans l’extrême pauvreté malgré un fallacieux cadre stratégique de lutte contre la pauvreté).

Les dictatures démocratiques dont souffre le continent constituent un frein pour le développement social, économique et politique. Comment comprendre aujourd’hui que l’Afrique qui avait une conception raisonnée, altruiste et humaine de l’exercice du pouvoir ait brusquement basculé dans la phase bestiale, psycho-maniaco-dépressive et hystériforme du pouvoir ?

Au regard du chaos généralisé sur le continent africain, une question me taraude l’esprit : ces présidents souffriraient-ils du syndrome d’hubris, cette maladie du pouvoir qui se caractérise par la perte du sens des réalités, l’intolérance à la contradiction, l’obsession de sa propre image et l’abus du pouvoir ? Ce sont là en effet quelques-uns des symptômes d’une maladie mentale qui se développerait durant l’exercice du pouvoir. L’exercice du pouvoir a-t-il le don d’inoculer un agent pathogène dans le corps des chefs d’Etat africains ? Pourquoi l’ivresse du pouvoir leur fait perdre la raison ? La détention du pouvoir engendrerait–elle une anomalie, une déviation, une corruption de la raison chez nos chefs d’Etat ?

Devant les cris et les pleurs des peuples africains, les chefs d’Etat semblent n’avoir qu’un seul souci : mourir au pouvoir au péril de leur vie (c’est le cas de Gbagbo présentement) et au mépris de la misère ambiante et de la vie des autres. Le philosophe Emmanuel Kant disait déjà au XVIIIe siècle que : "La possession du pouvoir corrompt inévitablement la raison." Comment comprendre l’intransigeance de Laurent Koudou Gbagbo à s’accrocher au pouvoir malgré des élections libres et transparentes qui l’ont désigné perdant ? La réponse se trouverait dans sa personnalité perverse et sadique ou dans cette sentence de Lord Acton : « Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument. » Que nos gouvernants revoient leurs copies en ne mettant pas le pouvoir à leur seul profit mais au profit des gouvernés. Comment comprendre cette folie, cette soûlerie délirante de nos dirigeants face au pouvoir ?

Les Paul Biya, Idriss Déby Itno, Laurent Gbagbo, Robert Mugabé, Bokassa, Kadhafi, Lassana Conté, Sékou Touré, Abdoulaye Wade… qui sont l’incarnation type de la démence, ont fait de l’exercice du pouvoir des fétiches personnels. Face à ce tableau lugubre, le silence des intellectuels ne serait que l’expression d’une complicité coupable face à cette démence inacceptable vis-à-vis de l’exercice du pouvoir. Pire, ce silence s’assimilerait à une non- assistance à des peuples en danger de misère, de malnutrition, de manque d’éducation, de santé, de souffrance et de mort.

En dépit des dispositifs institutionnels mis en place comme garde-fou pour éviter les dérives des fous du pouvoir, notre vigilance associée à notre capacité de refus impulsif à accepter les décisions politiques arbitraires, l’information et la formation des masses populaires demeurent la plus sûre des garanties. La démocratie est un combat permanent contre tout abus de pouvoir et toutes les formes de déviance que l’exercice du pouvoir peut emprunter. Restons donc vigilants car « tout peuple qui s’endort en liberté, se réveille en servitude », disait Alain dans ‘’Le Politique’’. Pourquoi en Afrique, le passage de relais du pouvoir s’apparenterait-il aux douze travaux d’Hercule ? Il a fallu à Hercule dix années pour terminer ses travaux ; combien en faudrait–il à nos chefs d’Etat pour réaliser que le pouvoir s’acquiert et se transmet, qu’il ne saurait être la chasse gardée de quiconque, fût-il éclairé ou dément ?

Cependant, l’espoir est permis avec des esprits éclairés comme Nelson Mandela, Amadou T. Touré (sans doute), Alpha Omar Konaré, Abdou Diouf, John J. Rawlings, Mathieu Kérékou…, et nous démontre que curieusement tous les pouvoirs ne sont pas forcément abusifs, corrupteurs, déraisonnés et tyranniques. Je dépose ma plume ici et laisse ceci à méditer pour nos dirigeants : "Tout homme est le fruit de l’environnement qu’il crée, un homme qui s’entoure de violence, de crimes, de meurtres, de misère, de corruption devient prisonnier de cet environnement avant d’en être victime." A vous de juger.

Lassane OUEDRAOGO ouedlas2004@yahoo.fr

Le Pays

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