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CRISE IVOIRIENNE : Cessez-le-feu ou ruse de guerre ?

Publié le mercredi 6 avril 2011 à 02h37min

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Qui peut bien prendre le risque de faire à nouveau confiance à Laurent Gbagbo ? Les FRCI ont étendu leur contrôle sur la ville d’Abidjan, en raison des exactions commises par les milices pro-Gbagbo. Ils entendent reprendre l’offensive ce mercredi matin si Gbagbo persiste dans son entêtement à ne pas quitter le pouvoir. Jusque-là, le boulanger devenu boucher a refusé toutes les propositions qui lui ont été faites. Après avoir tenu tête à la communauté internationale quatre mois durant à Abidjan, Gbagbo sollicite à présent une révision des conditions judiciaires le concernant, et des garanties pour sa sécurité.

L’ONU et la France exigent sa démission et une déclaration écrite de reconnaissance de la victoire d’Alassane Dramane Ouattara (ADO), et donc sa défaite aux élections de novembre dernier en Côte d’Ivoire. Le président Obama des Etats-Unis exige aussi son départ. Si Gbagbo cherche à sortir du bois, c’est parce qu’il a chaud devant l’épreuve du feu qui s’intensifie. Fort attendue depuis les exactions exercées sur les populations civiles, l’intervention des forces impartiales au palais d’Abidjan aura finalement été déterminante dans sa décision de se plier aux exigences de la communauté internationale.

Acculé entre les forces internationales et les hommes de Guillaume Soro, le président sortant cherche à fuir le "gban gban" qu’il a lui-même créé. Comme en Libye, en Côte d’Ivoire, il fallait anéantir les canons et autres engins blindés qui crachaient la mort partout, créant la désolation parmi les populations civiles d’Abidjan. Pour ce faire, il y avait besoin de s’adosser à la légalité. L’adoption de la résolution 1975 des Nations unies aura été à cet égard un tournant décisif. Elle légitime à la fois les opérations de protection des forces onusiennes et des populations civiles en danger. Cela, longtemps après les provocations répétées des partisans de Gbagbo et les appels au secours d’une population victime des excès d’un pouvoir fascisant. Des raisons, Gbagbo et ses partisans en ont suffisamment donné : pillages, attaques, harcèlements, rafles, bombardements, etc. Cibles favorites : les civils des quartiers susceptibles d’abriter les partisans d’ADO, mais aussi les forces impartiales (ONUCI et soldats français de La Licorne).

L’opération était devenue nécessaire pour libérer la Côte d’Ivoire des griffes de prétendus « nationalistes ». Ceux-ci auront fait la preuve de leurs limites sur tous les plans. Les effets induits de cette intervention ? Elle a favorisé la percée des forces républicaines de Guillaume Soro. La grande offensive menée par ces dernières jusqu’aux portes du palais d’Abidjan méritait bien un coup de main, en raison même du grand déséquilibre des forces. Gbagbo préparait la guerre tout en prônant la paix. Il s’était réarmé très sérieusement aux dépens du contribuable affamé, assoiffé et apeuré. La communauté internationale a dû répondre au cri du cœur des Ivoiriens lassés d’un régime aux visages multiples et avide de sang. Il fallait intervenir pour ne pas devenir complice d’une hécatombe.

En effet, la Côte d’Ivoire était devenue un véritable concentré du Libéria, de la Sierra Leone et du Rwanda. Des combats au corps à corps, une idéologie proche du nazisme parce que faisant pratiquement l’apologie du génocide, avaient pris le dessus sur le débat démocratique républicain. A l’évidence, les "socialistes" du Front populaire ivoirien (FPI) avaient oublié leur "cahier de charges". Des individus en avaient sûrement soustrait la demande sociale, occupés qu’ils étaient à accumuler les billets de banque. On avait vraiment du mal à raisonner ces élites au pouvoir qui portaient pourtant les espoirs du peuple ivoirien. L’ère Gbagbo s’est révélée un précédent très dangereux dans la gestion de la démocratie sur le continent. Elle aura en effet permis de découvrir des intellectuels corrompus et rendus apatrides à force de se laisser endoctriner par des illuminés, des individus assoiffés de pouvoirs mysthiques car englués dans des sectes et réseaux mafieux.

La dérive religieuse aura finalement perdu Gbagbo. Plutôt que de s’en prendre à l’électeur ivoirien et aux houphouëtistes, il ne devra s’en prendre qu’à lui-même, aux sociétés secrètes qui l’embaumaient, et à son entourage fait de démagogues et de profiteurs de toutes sortes. Gbagbo fait aujourd’hui les frais de sa mauvaise foi et de son entêtement. Son éventuelle reddition pourrait tout aussi bien être une autre ruse. En 11 ans de règne, le FPI s’est montré similaire au Front national (FN) qui symbolise en France le parti du racisme et de l’exclusion. Sauf que le FN n’a jamais exercé le pouvoir, ni manipulé les armes. Du moins pour l’instant. Puissent les démocrates sincères militant au sein du FPI travailler à réhabiliter leur parti, en extirpant de ses rangs les faucons et autres individus qui aiment à louvoyer jusqu’à sacrifier la cause des peuples pour des desseins inavoués. La crise ivoirienne aura aussi permis aux Africains de mieux découvrir l’Union africaine (UA).

Celle-ci, pour avoir cherché à ménager un individu sans scrupule, aura subi une véritable déculottée. Des années durant, Gbagbo a fait de véritables entorses à la démocratie. Après avoir tout fait pour empêcher ADO de se porter candidat à la magistrature suprême, il aura encore tout fait pour l’empêcher d’accéder au palais et de gouverner. Une extrême méchanceté, à moins que ce ne soit une… jalousie maladive, ce refus de laisser un autre jouir du choix des électeurs. Seule la certification aura donc permis de sauver la démocratie en Côte d’Ivoire. Avec ces tristes expériences, le mythe Gbagbo prendra un coup sérieux en Côte d’Ivoire. D’autant que, ô ironie du sort, après avoir abondamment critiqué les pouvoirs français et hurlé leur nationalisme, Gbagbo et ses partisans cherchent à présent la protection de l’Hexagone.

Ainsi, toute honte bue, son chef de la diplomatie, Alcide Djédjé, grand démagogue devant l’Eternel, a choisi de se réfugier à l’ambassade de France à Abidjan. Rien d’étonnant en soi puisque c’est en France, au sein de la droite comme de la gauche, que les gens du FPI puisent la majorité de leurs amis, leurs partenaires en affaires, leurs conseillers et avocats défenseurs. Comme quoi, ceux qui embouchaient, il y a peu de temps, la trompette de la lutte héroïque contre l’impérialisme international et le néo-colonialisme français, n’ont pas peur du ridicule. Après l’intervention salutaire des forces onusiennes et françaises, de plus en plus se profilent l’occupation du palais par ADO et l’installation du nouveau pouvoir houphouëtiste.

Il faut espérer que tout se passe bien et que, bientôt, la guerre civile, avec son cortège de cadavres, de blessés et de familles divisées ou séparées, ne sera que souvenir d’un passé amer. Aux Ivoiriens d’œuvrer de concert pour le désarmement des loubards et des miliciens pro-Gbagbo, et l’avènement d’une Côte d’Ivoire de paix, de justice et de réconciliation. Tout en prenant toujours garde à Gbagbo, car le cessez-le-feu, que lui et ses partisans ont négocié, peut tout aussi bien être une autre ruse de guerre.

"Le Pays"

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