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DESIRE TRAORE, COORDONNATEUR DE L’UNIR/PS DE LA BOUCLE DU : "Le ras-le-bol risque d’être une révolution des sans-culottes"

Publié le mardi 5 avril 2011 à 01h50min

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Le 27 mars 2011, Désiré Traoré, coordonnateur régional de l’UNIR/PS (Union pour la renaissance/Parti sankariste) de la Boucle du Mouhoun, nous a accordé un entretien dans lequel il a été question de la situation nationale, des élections couplées des législatives et des municipales. D’un air décontracté, le "coordo" comme l’appellent ses camarades, a laissé entendre que si on n’y prend garde, les manifestations des scolaires et des militaires sont le ras-le-bol qui risque d’être une révolution des sans culottes.

"Le Pays" : Qu’est-ce qui fait courir le coordonnateur régional de l’UNIR/PS dans son fief à un moment où les scolaires et des militaires manifestent ?

Désiré Traoré : Après avoir fait le bilan de l’élection présidentielle de novembre 2010, il nous a paru nécessaire de faire le tour pour remercier l’ensemble des camarades qui ont voté pour notre candidat maître Bénéwendé Sankara et qui ont voté aussi pour tous les candidats de l’opposition. Aussi, c’est une occasion de voir comment nous allons relancer les activités pendant cette période morte, faire le bilan et voir le fonctionnement des bureaux et un peu les perspectives. C’est cela qui nous amène à courir un peu dans la région de la Boucle du Mouhoun.

L’actualité nationale reste et demeure dominée par les manifestations de scolaires et de militaires. Quelle analyse faites-vous de ces crises qui secouent le pays des hommes intègres ?

L’actualité nationale ces derniers temps est assez dramatique. La situation de crise à laquelle nous assistons est due fortement au contexte national. C’est un ras-le-bol de la population qui se transforme en révolte. Vous n’avez pas besoin de jeter des cauris pour se convaincre que la manifestation des élèves, des étudiants et de certains militaires, qui sont rentrés dans la danse, est un ras-le- bol. Avec les réformes politiques qui ont été mal annoncées, je pense que la population est fatiguée de ce gouvernement. C’est sans doute cela qui est à l’origine des poussées de fièvre un peu partout. Dire que les Burkinabè assistent à une mal gouvernance, c’est enfoncer une porte déjà ouverte. Les actes d’impunité qui se sont multipliés au fil des années dans notre pays sont entre autres des preuves d’une mal gouvernance. Nous condamnons tout ce qui est violence, tout ce qui est casses, pillages et actes de vandalisme. Mais nous sommes convaincus que tout cela pouvait être évité.

Comment ?

Par le dialogue à la base. Dans un passé pas lointain, des gens manifestaient sans casser. S’il y a eu des casses, cette faute revient entièrement au gouvernement et à son système qu’il a mis en place.

Cette situation dont semble se réjouir l’opposition ne vous empêche certainement pas de proposer des solutions de sortie de crise…

Cela est vrai. La première solution est le dialogue. Il faut que le gouvernement établisse vite un bon dialogue avec toutes les composantes de notre société. Surtout éviter de mépriser les partis politiques de l’opposition. C’est dans le mépris que naissent les révoltes. Si le pouvoir de la IVe République ouvre bien les discussions avec toutes les composantes de la société, nous pourrons sortir de cette crise. Il faut aller véritablement sur la base de propositions concrètes et ne pas donner l’impression qu’on procède chaque fois à des flatteries qui nous amènent à retourner à la case départ. Incontestablement, cette situation oblige les gens à se faire justice eux-mêmes.

Une certaine opinion affirme que les manifestants sont manipulés. Partagez- vous le même point de vue ?

Chaque fois qu’il y a une manifestation, c’est très souvent ce qu’on dit. Cette fois, on accuse les partis d’opposition, notamment l’UNIR/PS et l’UNDD. Après le MBDHP, la nébuleuse PCRV a même été citée comme faisant partie de ceux qui manipulent les manifestants. Je pense qu’il faut que nos dirigeants arrêtent d’indexer les gens. Ce qui s’est passé à Koudougou est inacceptable. C’est dire qu’on n’a même pas besoin de manipuler. Les élèves sont sortis manifester pacifiquement et réclamer justice pour leur défunt camarade. C’est la répression qui a mis le feu aux poudres. Le premier jour, les étudiants n’étaient pas avec les manifestants. Ces étudiants ont été gazés au campus et c’est le lendemain qu’ils sont sortis. Conformément au parallélisme des formes, ils devraient avoir le courage de dire également que les soldats ont été manipulés. Je crois qu’il vaut mieux chercher à résoudre les problèmes plutôt que d’indexer les partis d’opposition ou les associations de société civile, car cela ne mène à rien. Seul le dialogue avec les étudiants, les élèves et les militaires peut décrisper la situation. Il y a eu des morts non élucidés et les étudiants en savent quelque chose avec leur camarade Dabo Boukary. Jusqu’à présent, on ne sait même pas où ce dernier a été enterré. Ce ras-le-bol, si on n’y prend garde, risque d’être une révolution des sans culottes. Si vous voyez des enfants de 10, 15 ans qui sortent et qui manipulent des fusils , des militaires qui sortent et qui n’ont même plus le sens du service public, qui tirent et pillent, c’est dire que c’est une jeunesse qui n’a plus de repère. Cela est très dramatique pour notre population.

Le 8 janvier 2010, vous affirmiez dans nos colonnes que les promesses de Blaise Compaoré n’ont pas été tenues dans la région de la Boucle du Mouhoun. Aujourd’hui, la donne a-t-elle changé ou bien elle reste en l’état ?

A part la route Dédougou/Koudougou qui est en chantier pour sa construction et son bitumage, la série de promesses faites par le président Blaise Compaoré dans la région de la Boucle du Mouhoun n’a pas été tenue. Cela est vérifiable et la société civile, qui est active, est sur la même longueur d’onde que nous. Tous sont unanimes que cette région est traitée avec mépris et ce ne sont pas les femmes qui diront le contraire avec la délocalisation de dernière minute de la commémoration officielle de la Journée internationale de la femme.

Malgré toutes ces récriminations, Blaise Compaoré a été plébiscité par ces mêmes populations qui lui ont renouvelé sa confiance le 21 novembre 2010 avec un taux de 83,15 % des suffrages. N’est-ce pas une façon pour les populations de contredire vos affirmations ?

C’est le système électoral qui a favorisé cette situation. Nous avons le système électoral le plus bancal de l’Afrique. Sinon, ce n’est pas vraiment les réalités du terrain. Prenez l’exemple des manifestations. A Ziniaré, son fief, la population a même manifesté contre certaines décisions du pouvoir. Vous avez vu ce qui s’est passé à Ouahigouya, une région où nous avons le CDP et l’ADF/RDA, les deux mastodontes qui le soutiennent. C’est dans cette localité que la violence des actes a atteint le pic. Le mécontentement de la population a été très sévère. C’est dire donc que le président n’est pas vraiment populaire. C’est le système électoral. Il a été voté avec moins d’un million cinq cent électeurs. Cela prouve réellement un manque de légitimité.

Comment inverser cette tendance à l’avenir ?

Des gens parlent de réformes, de refondation. Nous, nous parlons de révolution au bon sens du terme, c’est-à-dire un changement qualitatif de notre société. Un médecin disait que la morale agonise au Burkina. Lorsque nous parlons de révolution, il faudrait qu’on revienne sur certaines valeurs qui font que le voleur ne soit plus vu comme un héros, le fraudeur comme quelqu’un qui est plus intelligent que les services de l’Etat, etc. En un mot, il faut qu’on revienne à des valeurs cardinales de la gestion du pays. C’est la seule thérapie qui peut nous sortir du bourbier dans lequel nous sommes, sinon l’émergence tant prônée est un terme qui fait rigoler les économistes sincères. Je crois que ce terme doit être abandonné pour ne pas être la risée de tout le monde. Lorsqu’on parle d’émergence dans un pays comme le Burkina, cela est très lamentable.

2012 sera une année électorale au Burkina avec notamment le couplage des législatives et des municipales. Serait-ce enfin le bout du tunnel pour votre parti dans la région de la Boucle du Mouhoun ?

C’est cette échéance qui nous fait un peu courir. Nous pensons qu’en mettant un peu tôt en place nos structures, cela facilitera la confection des listes qui n’est pas toujours chose aisée.

Il est très difficile d’être dans l’opposition surtout dans l’UNIR/PS quand vous soutenez Me Sankara...

Nous nourrissons l’ambition de multiplier le nombre de conseillers municipaux par 10, voire 20 pour qu’on sente que l’UNIR/PS vit dans la Boucle du Mouhoun. J’en suis très confiant parce qu’il y a des camarades qui sont très déterminés, qui sont restés confiants dans la mobilisation. Ces camarades n’ont pas dévié et sont restés sincères malgré la situation difficile qu’ils vivent. Vous savez, il est très difficile d’être dans l’opposition surtout à l’UNIR/PS. Quand vous soutenez Me Sankara, c’est très difficile dans vos services et même dans la position familiale. Nous avons notre mot à dire et cela est incontestable.

La démission du président de la CENI que votre parti et tous les autres de l’opposition réclament n’est toujours pas d’actualité à moins de 13 mois des élections. Sa présence constituera-t-elle un handicap pour vous ? Cela est incontestable. Notre ennemi, c’est le temps. Plus nous avançons, plus il faut refaire toutes les listes. Nous avons vu que Moussa Michel Tapsoba a montré son incapacité à diriger cette institution qui a englouti des milliards de F CFA avec des résultats très maigres. Nous pensons qu’il devrait partir et laisser la place à des hommes sincères pour conduire les élections à venir. Comme cela tarde à venir, le chef de file de l’opposition avait préconisé un délai pour qu’on change la tête de la CENI.

Dans les prochains jours, il y aura des actions et nous demandons à nos militants d’être prêts. Les élections à venir seront des élections très difficiles au regard du couplage. Si avec ce que nous avons vu au cours des élections passées, ce sont les mêmes personnes qui vont conduire le processus, ce n’est pas la peine. Autant s’asseoir et regarder la situation comme telle. Pour conclure, je demande aux partis d’opposition d’être un peu plus soudés. Même si on n’appartient pas à la même idéologie, on peut s’entendre sur un minimum pour soutenir le chef de file de l’opposition qui est un camarade qui se bat malgré la campagne de dénigrement.

Propos recueillis par Serge COULIBALY

Le Pays

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