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Editorial de Sidwaya : Et la morale dans la politique de Laurent Koudou Gbagbo ?

Publié le lundi 4 avril 2011 à 01h08min

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Nous vivons, sans doute, le dénouement catastrophique d’un problème aussi vieux que le monde, et d’une souveraine importance pour tous les êtres humains, celui du rapport entre la morale et la politique tel qu’il a été voulu et vécu sous le régime de l’ex-président de Côte d’Ivoire, Laurent Koudou Gbagbo. Il y en a qui quittent la scène politique, escortés par les anges de Dieu, d’autres, en traversant le brouhaha des hommes, d’autres enfin, en se bouchant les oreilles aux bourdonnements des mouches qui les pourchassent. La règle d’or de toutes les cultures est la suivante : « Ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, ne le fais pas à autrui. »

Monsieur le Professeur d’histoire-président Laurent Gbagbo, et maintenant, à vous quatre : vos propres yeux pour pleurer vos actes, la porte de discorde pour quitter la scène politique, le déshonneur pour pérenniser votre mémoire et votre œuvre, la poubelle de l’histoire pour le repos de votre nom.

John Locke (1632 – 1704), philosophe anglais, mais aussi commissaire royal au commerce et aux colonies, a victorieusement combattu les pratiques de son époque qui consistaient à juger l’action politique à l’aune de la morale. Les rois avaient encore des comptes à rendre aux autorités religieuses. La « mondialisation » naissante voulait courir vite aux choses sérieuses en coupant les ponts d’avec les considérations morales et ecclésiastiques de l’époque. Un peu plus tard, Jean-Jacques Rousseau a soutenu que la politique et la morale doivent être pensées ensemble, tenues ensemble, car la politique, si elle n’a rien à voir avec la vertu, ne saurait servir durablement l’homme. Il n’a sans doute pas tort de penser que la politique est aussi un service social de grande envergure et de longue durée, qu’elle est faite par quelques citoyens au service exclusif de leurs semblables et non pas dans un quelconque but d’enrichissement personnel… .

Aujourd’hui, l’accélération de toutes les formes de concurrence, l’exacerbation des tensions au sein des relations internationales et la course à l’hégémonie dans la mondialisation, entre autres, ont fini par donner raison à Locke contre Rousseau.

Ce n’est pas au nom de la morale que l’Irak a été mise sens dessus sens dessous, et ce n’est pas pour la vertu que Kadhafi vit le cauchemar de bombardements inédits. La politique internationale n’est pas un service religieux, mais elle a tout de même des règles, des garde-fous qui, bien que flexibles selon que l’on est fort ou faible, nous empêchent tous de tomber dans le règne et la cruauté des animaux. Par l’expression, en particulier, de « crime contre l’humanité », la politique contemporaine renoue avec la morale par delà les hypocrisies évidentes du formalisme ou du légalisme.

Dans l’expression « crime contre l’humanité », nous réprouvons, en tant que communauté planétaire, ce qui heurte la conscience de notre genre. Il n’y a rien qui puisse nous autoriser à mentir tant, à tuer massivement des communautés ethniques, à exciter des populations à se tuer, à armer des enfants pour qu’ils règlent leurs problèmes d’enfants avec le feu de la mort, à faire tirer sur des femmes

qui protestent courageusement... On n’oubliera jamais que Laurent Gbagbo, seul civil à avoir fait des coups d’Etat en se servant de la rue, aura été le seul à tuer des femmes qui s’exprimaient par la rue. Le faisant, Laurent Gbagbo et son régime, même acculés, montrent ce qu’ils ont toujours été, « des politiques » n’ayant rien à voir avec aucun principe moral. Et ces actes posés montrent avec la plus grande autorité que « Gbagbo n’a jamais aimé la Côte-d’Ivoire », qu’elle n’a servi qu’à nourrir son délire égocentrique, qu’il s’est toujours aimé à travers un certain discours et une certaine image qu’il se faisait de son terrain de jeu favori.

Au-delà de la personne de Laurent Gbagbo, aujourd’hui sourd à tout appel, il faut interroger les rapports qu’il entretient avec ses camarades et compagnons de lutte ; ceux qui peuvent et doivent lui faire entendre raison car, si sa vie lui appartient, le Front populaire ivoirien, ne saurait se saborder avec son leader. C’est pourquoi tous ses « frères d’armes » doivent maintenant, dans cette « relative opacité, découvrir leur destin, la réussir ou la trahir » comme le disait l’écrivain, médecin psychiatre et militant anti-colonialiste Frantz Fanon.

Vont-ils rester fidèles à Gbagbo ou veulent-ils toujours exister politiquement et certainement laisser leurs noms gravés dans les livres d’histoire ivoiriens ?

Ce que l’humanité a aimé et aime toujours de ses véritables héros - Mahatma Gandhi, Martin Luther King, John Kennedy, Nelson Mandela – c’est qu’ils lui ont révélé sa propre grandeur. Pas seulement révélé, mais donné à vivre.

Personne ne doutera que ces hommes ont eu pour souci de tenir ensemble, quelle que fût la difficulté de la chose, l’unité de la politique et de la morale. Dirigeants de demain, prenez-en note !

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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