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Situation nationale : Y a-t-il une justice au Burkina Faso ?

Publié le mercredi 30 mars 2011 à 02h41min

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Au Pays des hommes intègres, constate un lecteur, la justice n’existe pas. Exemples à l’appui, il tente de nous convaincre de l’absence de justice au Burkina Faso.

En écoutant la rue, les conversations diverses sur la question, les plaintes de beaucoup de justiciables et en lisant les journaux et les rapports d’associations, on répond à cette question par un « NON ». On entend dire depuis un certain temps, voire depuis l’arrivée au pouvoir du CDP avec le « touk guili » :

• il n’y a plus de justice au Burkina Faso... ;

• la justice au Burkina Faso, c’est pour les petits ;

• la justice pour ceux qui ne sont pas avec le pouvoir. La justice au BF est aux ordres ;

• un ministre ose dire pour défendre un haut fonctionnaire pris la main dans le sac « Monsieur untel n’est pas n’importe qui ». D’après Monsieur le Ministre, « les menottes, c’est pour les autres et la justice c’est pour les n’importe qui ».

• La conclusion d’une des fables de La Fontaine n’apporte pas moins une réponse négative à la question fondamentale. "Selon que vous êtes grand, ou petit la justice vous rendra blanc ou noir".

Il n’y a donc pas de justice au Burkina Faso, pas plus qu’ailleurs, surtout pas en Afrique. Les faits quotidiens justifient cette vérité affichée :

- Il suffit qu’un citoyen ou une citoyenne ait un parent, un ami, un concubin "bien placé" ou simplement "placé" à la Police, à la Gendarmerie, pour avoir le droit de convoquer à l’occasion d’un banal différend un autre citoyen. Le citoyen ainsi convoqué est toujours présumé coupable et les sévices commencent sans explication du condamné.

Il y a toujours des victimes innocentes qui payent. Les bavures sont souvent constatées ; les morts de Balporé et de Pièla proviennent de la sauvagerie de certains agents de l’Etat. Cette façon de faire est suicidaire pour un régime qui se veut et se dit populaire. Il faut l’arrêter pendant qu’il est temps. Je peux remplir des pages de ces exemples malheureux que j’ai observés durant mes 3 mandats de Député.

- Certains juges, certains avocats, certains huissiers souffrent de cette maladie grave et travaillent pour des parents et des amis. C’est aussi très grave ; j’ai été personnellement victime de cette manière sauvage de gérer nos affaires judiciaires.

Un jeune homme sans caractère me traquait par le cabinet d’huissier d’une tante ou d’une nièce... Le tribunal me donna raison mais j’avais déjà été contraint par l’huissière de payer 4 000 000 de francs ; beaucoup de citoyens sont victimes comme moi sans pouvoir s’exprimer.

Il faut que l’on réfléchisse sur ces dérives du pouvoir qui menacent la paix et troublent l’ordre public, mine de rien. Dans nos écoles de formation de policiers, de gendarmes, de magistrats il faut faire comprendre aux jeunes apprenants que le titre, la tenue, l’arme qu’ils porteront ne sont ni pour eux seuls ni pour les amis et les parents, ni pour assassiner ou intimider gratuitement les autres Burkinabè. C’est pour le peuple qui regroupe tous les citoyens.

L’instituteur mal payé dans sa classe de 100 élèves ou plus, le soldat, le gendarme, le policier qui peuvent se faire trouer la peau pour raison de service ici, au Darfour ou ailleurs, ne meurent pas pour les parents mais au nom du peuple qu’il faut respecter pas seulement dans les discours de propagande mais par les faits et gestes quotidiens.

• Autant nous devons respecter la vie de l’homme de tenue ou en tenue, autant ce dernier doit éviter d’avoir la gâchette facile et savoir qu’en dehors des condamnés en justice aucun ordre pour ôter la vie n’est valable, surtout pas pour protéger la mauvaise gouvernance reconnue par tous et qui dure indéfiniment.

Les hommes de tenue doivent savoir que quand ils quitteront leur tenue pour être admis à la retraite, ils seront nus comme nous autres et répondront de leurs mauvais actes. Beaucoup de militaires l’ont compris ces temps-ci dans d’autres pays.

Personne ne pouvait penser que J.P Bemba, Charles Taylor et autres criminels d’Afrique traîneront pendant des années devant le Tribunal pénal international loin des honneurs et des délices du pouvoir d’Etat. L’erreur de nos dirigeants est de croire et de faire croire que les mauvaises aventures n’arrivent qu’aux autres.

Personne ne doit se faire complice d’un pouvoir en perte de vitesse qui cherche par tous les moyens à rester au pouvoir, et l’on se souvient des méthodes d’un Sékou Touré qui consistait à créer des troubles et à inventer des complots pour pouvoir accuser et liquider les opposants vrais ou supposés.

Chez nous, c’est connu et prouvé que certains hommes du pouvoir achètent et distribuent des gourdins à des jeunes pour infiltrer les manifestants sincères et casser les feux tricolores pour ensuite accuser les manifestants. N’est-ce pas là une manipulation ? A Ouagadougou, tout se sait ou finit par se savoir.

Monsieur Nana Tibo peut développer mieux ce que je dis, lui qui s’est retrouvé derrière les barreaux sans avoir rien cassé ni ordonné de casser. Le mensonge est devenu structurel pour gouverner en Afrique. Tous les responsables de l’Etat à Koudougou se sont entendus pour mentir en chœur : l’élève Justin Zongo est mort d’une méningite. Ce n’est pas sérieux et ce n’est pas responsable.

Dans un pays où les dirigeants gérants et garants des intérêts du peuple ne protègent pas la justice, ne respectent pas la justice, il n’y a pas de justice dans ce pays. Dans un pays ou l’on permet les créations d’associations, de partis politiques tout en redoutant leur vitalité et leur implantation, il n’y a pas de liberté d’association et d’opinion dans un tel pays.

On cherche des boucs émissaires dans les mouvements et les partis qui font signe de vie et défendent leurs droits. Il est plus facile d’accuser autrui que de chercher objectivement les causes d’un mal social.

Les partis politiques (CDS, PAI, PAREN, CNPB, FFS, FM etc..) et le MBDHP ont des militants dans tout le Burkina Faso, et tous partagent les peines et les joies du peuple en communion avec les petits militants du CDP aussi. Les mouvements sociaux justes rassemblent tous les jeunes de toute provenance et de toute sensibilité.

Personne ne peut dire que la réaction des commerçants de Rood-Woko le mercredi 15/03/2011 qui a exigé et obtenu séance tenante la libération du jeune homme arbitrairement retenu à la Gendarmerie était du MBDHP ou d’un parti syndical :

- Le but était la recherche de la vérité et le droit d’exister et de regarder quand on veut, où l’on veut, ce que l’on veut regarder sans être inquiété par quoi que ce soit. C’est un minimum exigé par les honnêtes et sincères militants CDP aussi qui ploient sous le même fardeau de l’injustice.

Comme à Koudougou, à Ouagadougou, à Zorgho, à Ouahigouya ... les commerçants de Rood-Woko ont réagi contre l’injustice, l’impunité, l’abus du pouvoir, la privatisation d’un service public comme la Gendarmerie.

Peut-on seulement imaginer, en France, en Italie, en Belgique, en Allemagne qu’un responsable syndical ou politique soit interpellé le lendemain d’une manifestation de rue avec ou sans dégâts matériel ?

NON. Si tel était le cas, les responsables CGT, FO, PS... passeraient tout leur temps dans les couloirs de la Police et de la Gendarmerie. On parle rarement de manipulation et personne n’est interpellé.

La frilosité de nos dirigeants devant les mouvements de revendication autorisés par nos textes est un aveu de culpabilité et de manque de culture démocratique. La plupart de ces dirigeants qui signent chacun 15, 20, 30 40 ans de règne sans partage ne sont plus populaires même avec 80,90% des voix.

Ils sont devenus des despotes meurtriers antidémocrates, sourds aux plaintes de leur peuple et entourés d’une carapace de courtisans qui souhaitent que le festin dure indéfiniment.

Ouagadougou le 22/03/2011

Alfred Kaboré

L’Observateur Paalga

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