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"COMPLOTITE" EN AFRIQUE : Une arme de répression massive

Publié le jeudi 24 mars 2011 à 01h03min

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Ceux qui, malgré la désillusion que nous ont servie les premiers dirigeants de l’Afrique indépendante, s’efforçaient de croire à un possible changement positif de mentalité des chefs d’Etat du berceau de l’humanité doivent vite déchanter. N’en déplaise aux partisans de la démocratie made in USA, le constat amer est établi que le penchant le plus commun aux présidents africains a toujours été celui d’user de tous les moyens pour se garantir le règne le plus long possible. Et alors que l’on croyait un certain nombre de pratiques révolues, des processus démocratiques étant amorcés çà et là, bien qu’encore balbutiants, bien des pouvoirs africains se font le triste devoir de nous les rappeler à leur bon souvenir.

Ainsi, la stratégie des coups d’Etat inventés, autrefois utilisée par les leaders de partis au pouvoir pour emprisonner ou éliminer physiquement leurs opposants, refait-elle surface. Sans doute la tempête du mouvement de révolte populaire qui souffle et fait tomber des pouvoirs dans la partie nord de l’Afrique inspire-t-elle aux présidents mal élus ou pas très adoubés par leur peuple un tel réflexe belliqueux. Ainsi font-ils leur le légitime principe qui veut que la meilleure défense soit l’attaque. Encore faut-il que cette offensive soit justifiable et respecte les règles en vigueur, en l’occurrence celles consacrées par la constitution en ce qui concerne les régimes démocratiques.

Ce qui est loin d’être toujours le cas, car la plupart des accusations de tentative de coup d’Etat, d’atteinte à la sûreté de l’Etat et autres charges extrêmes, n’ont jamais été accompagnées de preuves irréfutables, comme l’exige le principe du droit. Elles ressemblent beaucoup plus à de purs produits raffinés de l’imaginaire humain qui ont pour dessein soit de légitimer l’élimination physique d’un sérieux opposant, soit de l’isoler derrière les barreaux, soit de le discréditer moralement. Toutes choses qui visent à affaiblir politiquement l’adversaire ou à museler subtilement les populations assoiffées de changement. Cela n’est ni plus ni moins que de la triche qui a pour conséquences de piper les dés du jeu politique et d’induire une bonne frange de la population en erreur, les preuves accablantes du trucage des faits réels étant toujours sans traces.

La "complotite" devient alors une arme de répression massive dont usent et abusent ces dirigeants allergiques à toute critique. Les exemples les plus récents viennent du Sénégal et du Burkina Faso à quelques différences et nuances près. Au pays de la Téranga, accusé de vouloir renverser le régime, le secrétaire général du fan-club du groupe de presse Walfadjri, qui a été interpellé en même temps que quatre autres personnes, ne comprend toujours pas le bien-fondé d’une telle accusation. De son côté, cherchant un bouc émissaire dans la grogne sociale dont le feu ne s’est pas totalement éteint au pays des Hommes intègres, le parti au pouvoir n’a pas hésité à pointer un doigt accusateur sur les opposants qui bénéficieraient, selon lui, de soutiens extérieurs.

C’est clair, aucune complicité avec toute tentative de déstabilisation d’un ordre ou d’un pouvoir légalement constitué ne saurait être cautionnée de la part de ces forces sociopolitiques. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue l’une des raisons d’être de l’opposition politique, à savoir conquérir le pouvoir d’Etat et permettre ainsi l’avènement de l’alternance, gage d’une gestion participative. Elle ne saurait, pour ce faire, cracher sur un morceau comme profiter d’une fronde sociale pour marquer des points. Et elle serait du reste dans son vrai rôle tant qu’elle ne cédera pas à la tentation de prendre la courte échelle en se rendant comptable d’actes et de propos subversifs et répréhensibles.

L’esprit de bonne gouvernance est tout autant incompatible avec les coups de force irréguliers qu’avec la stratégie qui consiste à toujours casser de l’opposant ou à exhiber des menaces et intimidations comme un épouvantail dans le but de dissuader ou d’émousser toute velléité de contestations légitimes. Que les têtes couronnées africaines se rappellent ce qui arriva au héros de "En attendant le vote des bêtes sauvages". A force d’inventer de faux complots par le biais desquels il envoyait les comploteurs imaginaires désignés ad patres, le sanguinaire Koyaga finit par être victime d’un vrai attentat. Un gouvernant démocrate digne de ce nom devra préférer à ce stratagème qui ne vole que trop bas, une analyse profonde des causes du mécontentement de son peuple en vue d’apporter des réponses appropriées à ses revendications.

"Le Pays"

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