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REGLEMENT DES CRISES EN AFRIQUE : Honnie soit l’UA !

Publié le mercredi 23 mars 2011 à 03h51min

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L’Union africaine (UA) est censée défendre les intérêts du continent. Mais, jour après jour, les Africains se sentent humiliés et abandonnés par cette organisation qui avait pourtant esquissé de nobles ambitions en prenant la succession de la défunte Organisation de l’unité africaine (OUA). A la faveur des crises récentes, l’UA n’a pas pu s’assumer ; elle s’est même fait damer le pion dans sa propre zone d’influence par les forces coalisées, lesquelles ont fini par ignorer son existence. A quoi donc sert-elle ? A plusieurs reprises, les experts, les ministres, les chefs d’Etat de l’UA se sont réunis autour des mêmes problématiques sans grands résultats.

Il est aujourd’hui plus facile d’énumérer les succès que les échecs de l’organisation. Comment expliquer cette déchéance de ce commun patrimoine continental ? L’UA est en fait l’émanation d’un syndicat de chefs d’Etat solidaires, prompts à défendre leur pair en mauvaise posture. Venus par des voies multiformes, la plupart ne sont pas des références en matière de démocratie. Allergiques à la moindre critique, ils sont farouchement hostiles à toute idée d’alternance. A l’image de nombreux acteurs politiques africains, et avec le temps, les chefs d’Etat sont devenus insensibles à la demande sociale, peu regardants sur les droits humains et peu crédibles.

La direction de l’UA n’est que la pâle copie de la structure dirigeante des Etats africains. Voilà peut-être pourquoi les Occidentaux se sont vite passés de l’UA pour tenter de résoudre la crise libyenne à leur façon : en face, il n’y avait personne. Eux, étaient obnubilés par la défense de leurs intérêts. Où était donc l’UA au tout début, lorsque Kadhafi massacrait son peuple ? La Ligue arabe, elle, a donné son accord pour la zone d’exclusion, tout en faisant preuve de modération. Elle n’ignore pas que la situation peut dégénérer. L’UA est à l’image de nombre d’institutions publiques africaines : de véritables coquilles vides.

Par exemple, les parlements africains sont devenus des caisses de résonance des pouvoirs, des déambulatoires pour élites fatiguées, égarées ou en manque d’argent. Bien payés, des élus ne se gênent même plus de voter des lois liberticides, et des mesures qui aident des groupes mafieux à se partager le butin, après avoir ignominieusement dépouillé de leurs biens l’Etat et les citoyens dont un grand nombre d’analphabètes. Les institutions africaines sont si fragiles et sans autorité qu’il ne faut point s’étonner du manque de discipline qui a aujourd’hui investi l’ensemble du corps social. L’UA dispose de peu de ressources car les cotisations peinent à rentrer. On en vient à solliciter les organisations internationales, les puissances d’argent et les anciens colonisateurs.

Ces derniers se pourlèchent alors les babines, car, de façon consciente, l’Afrique se livre pieds et mains liés. L’inféodation aux anciennes puissances coloniales est une réalité. Elle se ressent davantage lorsque surviennent des troubles et des situations difficiles à gérer dans un pays membre, la Côte d’Ivoire par exemple. L’organisation panafricaine imprime difficilement sa marque. Au mépris des principes et de leurs engagements, les Etats étalent alors au grand jour leurs divergences, affaiblissant au passage les organisations sous-régionales pourtant plus dynamiques et audacieuses. On l’a vu avec les événements survenus en Côte d’Ivoire.

La CEDEAO, qui faisait de grands pas vers la résolution de la crise, a été soudainement clouée au pilori par l’UA dont les panels se sont révélés par la suite inféconds. Comment un individu, Gbagbo le président sortant, peut-il oser tenir tête à une organisation censée représenter tous les Africains ? Du fait de son assujettissement aux puissances extérieures, l’UA ne parvient pas à préserver les intérêts du continent. On l’a vu avec les plans d’ajustement structurel (PAS) lorsque, sur des bases discutables, des conditions draconiennes ont été imposées aux populations africaines. Pourtant, une décision appropriée et unanime du sommet des chefs d’Etat aurait bien pu soustraire les Africains du calvaire consécutif à la prise de décisions qu’on semble regretter aujourd’hui.

Les sempiternels accords ACP-UE montrent aussi que les Africains ne savent toujours pas accorder leurs violons, et parler d’une seule voix dans l’intérêt du continent. L’organisation panafricaine a amorcé une nouvelle orientation au départ de l’ancien chef d’Etat malien, Alpha Oumar Konaré, et à l’avènement du Gabonais Jean Ping. L’accent a été mis sur la diplomatie, ce qui suppose plus de négociation. Cela se traduit sur le terrain par du temps mis à agir, la langue de bois, et parfois un manque de fermeté. Une différence de style qui a imprimé à l’UA une tout autre personnalité. Par ricochet, des difficultés ont surgi et ont contribué à obscurcir le travail colossal fourni par de nombreux experts dont on ne semble pas mettre à profit les recommandations. De quoi en être frustré.

On en vient à regretter le sens de l’honneur, de la dignité et de la responsabilité mais aussi de la répartie du devancier de Jean Ping à la présidence de l’UA, Alpha Konaré, ce "héros solitaire" qui savait en effet oser prendre les devants et faire bouger les chefs d’Etat. Venu au pouvoir par le biais des élections, il était à l’aise devant ses anciens pairs, pour avoir fait l’expérience de l’alternance démocratique. Ping a son style : il cherche à ménager la chèvre et le chou. Mais les tergiversations de l’Union africaine, sa lenteur à agir et son inefficacité, sont devenues exaspérantes à travers un continent qui voit émerger une véritable prise de conscience, une opinion africaine vraie. Car il est réel, large et profond, ce fossé entre les peuples, l’UA et ses chefs d’Etat.

Et vu les échecs répétés, les incohérences et les fuites en avant au plan de la gouvernance locale, peut-on encore attendre du concret de l’UA au bénéfice des populations ? Que faire face aux inconséquences d’une organisation qui fait aujourd’hui la honte du continent ? Une des réponses serait de bâtir des Etats de droit reposant sur des institutions fortes, avec des responsables qui respectent la démocratie républicaine autant qu’ils ont le souci de l’alternance. Parallèlement, les Africains devraient poursuivre l’UA pour déni de responsabilité. Que celle-ci ne s’assume point constitue en soi une catastrophe !

A quoi donc aura servi la métamorphose de l’OUA en UA ? Aux organisations de la société civile d’intenter des procès contre l’UA pour incapacité à défendre les intérêts du continent, à assister les peuples africains face aux dictatures qui les asservissent, et aux délinquants à col blanc qui prospèrent du fait de l’impunité qui perdure. Honnie soit l’UA, cette nébuleuse à bout de ressources, mais qui sait multiplier les opérations infructueuses et organiser des rencontres sans queue ni tête !

"Le Pays"

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