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DEBATS AUTOUR DE LA TDC : "La politique fiscale du Burkina est inadéquate"

Publié le vendredi 18 mars 2011 à 02h01min

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L’auteur du texte ci-dessous donne son analyse sur la Taxe de développement communal (TDC) dont l’application effective, disons-le, achoppe. Dans une récente sortie, le bourgmestre de Ouagadougou avait laissé entendre que les forces de l’ordre séviront contre les citoyens qui auront fait preuve d’incivisme en ne s’exécutant pas avant le 31 mars 2011.

Le maire de l’une des villes les plus propres d’Afrique de l’Ouest, Ouagadougou, a récemment jeté un pavé dans la mare en déclarant sans ambages que passé le 31 mars 2011, les forces de l’ordre interviendront pour faire payer la Taxe de développement communal (TDC) qui passera de 1000 F à 1 500 F pour les citoyens à mobylette qui auront fait preuve d’incivisme en ne payant pas avant cette date limite. Les citoyens en automobile sont aussi concernés par la TDC à taux d’imposition et de pénalités liés à la puissance du véhicule concerné. Le maire de Ouagadougou, comme tout bon maire, a raison de vouloir promouvoir le développement de sa ville, "Ouagadougou la Belle". Mais tient-il le bon bout lorsqu’il veut faire intervenir les forces de l’ordre ? Pas si sûr.

La controverse sur la TDC

Pour les députés qui ont voté la loi sur la TDC, cet impôt a une finalité financière, c’est-à-dire qu’il constitue une ressource pour les budgets des communes. Mais comme une partie des ressources produites par la taxe sur les carburants doit être reversée par l’Etat aux budgets communaux, les syndicalistes, déjà assujettis à cet impôt, trouvent, à juste raison, qu’il y a double imposition. Mais en raison de la faiblesse du revenu par habitant et de la cherté de la vie au Faso, cette double ponction fiscale ampute dramatiquement leur pouvoir d’achat, et cela est, bien entendu, inadmissible pour eux. Mais les pouvoirs publics qui ont besoin de ressources et qui, disposant du monopole de la contrainte, n’ont pas admis la logique des travailleurs, ont fait appliquer depuis l’exercice budgétaire écoulé, la loi relative à la TDC.

Toutefois, compte tenu des conditions de vie dures pour la majorité des assujettis à la TDC et surtout de leur manque de confiance quant à la bonne gestion des produits de la TDC par les responsables, les assujettis ne se bousculent pas pour aller payer cet impôt. Aussi, les pouvoirs publics envisagent-ils de faire intervenir dès le 31 mars 2011 passé les forces de l’ordre. Du point de vue de l’analyse économique, la TDC peut être considérée comme un impôt réel puisqu’elle frappe les biens sans considération des facultés de contribution des personnes.

Il est permis de se demander s’il n’était pas fiscalement plus juste d’utiliser des impôts personnels qui frappent les revenus et les biens en tenant compte des facultés contributives des personnes. On ferait ainsi porter l’essentiel du poids du financement du développement communal par les riches. Mais là n’est pas précisément le problème. Le problème est que, après avoir fait un bilan mitigé d’un an d’application de la TDC, les pouvoirs publics envisagent de faire intervenir les forces de l’ordre. Nous ne pensons pas que l’intervention de ces forces soit la bonne solution parce que la TDC, même payée intégralement suite à une intervention des forces de l’ordre, ne représenterait qu’une goutte d’eau dans la mer du produit éventuel du régime fiscal complexe d’imposition du Burkina dont on sait qu’il est difficile que tout soit payé, sans que les pouvoirs publics s’en émeuvent outre mesure.

La TDC a été votée par l’Assemblée nationale (AN) à majorité CDP. Il faut dire que cette assemblée émane d’une élection très contestée parce que jugée ni libre, ni transparente, ni juste. En outre, au Burkina, comme ailleurs en Afrique, la démocratie est attaquée à l’intérieur du pays par la dénaturation du mandat populaire en raison de la substitution de la volonté des mandataires à celle des mandants, de la volonté des gouvernants à celle des gouvernés. Au Faso, la fraction de la population liée à la société traditionnelle est majoritaire et illettrée. Or, en régime démocratique, c’est la majorité qui détermine les orientations politique et économique. Au Faso, la majorité n’a que peu de prises sur les problèmes qui se posent dans un cadre qu’elle ignore.

Elle n’a pas de conceptions politiques à défendre au niveau national. Elle s’en remet à des hommes politiques qui sont censés traduire les aspirations de la population. C’est en définitive le bureau politique du parti qui fait approuver son choix par la majorité massive. Au-delà du financement du développement communal, le débat sur la TDC offre l’occasion de dire que la politique fiscale du Burkina, comme dans d’autres pays africains, est inadéquate et nécessite des réformes politiques et économiques profondes pour permettre à l’Etat de faire face à ses importantes interventions pour sortir le pays du sous-développement.

Pour les réformes politiques, elles tendront à mettre en place la démocratie en tant que forme de gouvernement où les gouvernants ne substituent pas leur volonté à celle des gouvernés, où la population participe activement à la vie nationale sans être confinée à l’unanimisme qui prive de la liberté de conception et d’expression ainsi que du sens de la créativité et de l’imagination, où il y a harmonie entre les objectifs des responsables et l’attitude de la population concourant à la réalisation parce que comprenant le sens. Quant aux réformes économiques, elles concernent la politique fiscale.

Celle-ci doit être réformée au niveau de l’assiette fiscale trop étroite, des taux d’imposition à relever et des structures de contrôle. S’agissant notamment de l’assiette, elle doit être redéfinie par l’Etat. En effet, il a été constaté que la ponction fiscale est forte sur les entreprises dans les pays développés et particulièrement faible en Afrique et, partant au Faso. Donc, l’Etat est obligé de renforcer l’impôt sur les revenus des personnes physiques et la fiscalité indirecte (consommation notamment). Au Faso, l’impôt sur les bénéfices peut être détourné soit légalement en obtenant l’exonération, soit en compensation de pertes, soit illégalement par la fraude. Le comportement de certaines entreprises bénéficiaires du régime favorable du Code des investissements qui menacent à la fin de ce régime d’arrêter leurs activités, avec les risques de chômage que cela comporte, si ce régime favorable n’était pas reconduit, illustre la réalité de détournements d’impôts.

La TDC a été votée par des députés qui ne connaissent pas les réalités que vit la population au nom de laquelle il n’est pas économiquement normal, ni socialement juste que ce soient ceux-là mêmes qui jouissent des facilités les plus grandes qui bénéficient du régime fiscal privilégié. Une possible collusion entre le CDP et les commerçants et opérateurs économiques peut aussi expliquer un certain laxisme fiscal. Cela explique la faiblesse du budget national et la nécessité de renforcer la ponction sur les revenus des personnes physiques et l’impôt sur la consommation. Il est donc nécessaire de repenser l’assiette fiscale de sorte qu’elle soit fondée essentiellement sur les entreprises créatrices de surplus économique. Le surplus économique doit être imposé par l’Etat pour être réinjecté dans l’économie à travers des interventions publiques. On élargit ainsi l’assiette fiscale et on favorise la création d’emplois, donc la lutte contre le chômage.

Le relèvement des taux d’imposition fait bénéficier le budget de l’élargissement de l’assiette fiscale et le renforcement des structures de contrôle permet de lutter contre la fraude. La loi sur la TDC, fait juridique, a déclenché en 2010 une grande manifestation de la population dans tout le pays. Le fait juridique est devenu par conséquent un fait politique. Une grande partie de la population a rejeté la loi sur la TDC. Le régime actuel doit gérer sereinement ce problème en tenant compte de la volonté populaire exprimée. En effet, le problème n’est plus seulement un problème juridique, il est devenu un problème politique qui ne peut, dans l’arbitraire, être règlé par la répression par les forces de l’ordre. Le règlement de ce problème doit aussi tenir compte de la paix sociale.

Toubé Clément Dakio Président de l’UDD

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 18 mars 2011 à 10:49, par Noraogo En réponse à : DEBATS AUTOUR DE LA TDC : "La politique fiscale du Burkina est inadéquate"

    Démocratie un mot qui a tout son sens lorsque les gouvernants veulent nous asservir.Mais lorsque le peuple exprime son raz le bol ou sa desapprobation face à certaines lois c’est la police qu’on met sur la route face au meme peuple.Que les Députés prennent le temps d’aller expliquer le sens des lois à l’electorat avant leur passage à l’assemblée:il y a au moins 20 ans la majorité des burkinabe ne disposait pas d’un wc pour leur mais est-ce par la force qu’ils en construisent aujourd’hui ?Prenez le temps d’ecouter le peuple allez à sa rencontre cher dirigeant pas du haut d’un perchoir ou d’un podium de meeting mais dans ses réalités profondes.

  • Le 25 mars 2011 à 21:54 En réponse à : DEBATS AUTOUR DE LA TDC : "La politique fiscale du Burkina est inadéquate"

    Si Simon veut la paix, il n’a ca oublier tout douceusement sa TDC double imposition. Ca ne marchera pas avec le vent qui souffle a ainsi.

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