Moi, je peux en parler aisément parce que j’ai une bibliothèque honorable (des gens ont même dit que ces bouquins m’ont rendu fou ; ils ne savent pas). Quand leur professeur de français leur donne un exposé, ils défilent chez moi pour négocier les romans africains. Après, c’est fini. Tu les vois entassés dans les cybercafés en train de chercher des amis sur des sites de rencontres quand ils ne sont pas branchés sur les consoles électroniques.

Et leurs parents qui se désolent ? Ce sont eux qui sont les champions des 3 B (la bière, les brochettes et la b…) et c’est dans les maquis qu’ils se cultivent. Comment voulez-vous que vos rejetons puissent aimer les livres s’ils ne vous voient jamais tenir un document, ne serait-ce qu’un journal ? Mais, je n’ai pas dit ça à mes voisins. Ils m’auraient juré que les modes d’apprentissage ont évolué et qu’il ne faut pas négliger la portée d’Internet, de la radio et de la télévision. Bon ! C’est vrai que les bibliothèques manquent cruellement dans les quartiers, que les maisons d’édition se meurent et que les centres de lecture en province se ferment.

Peut-être que le gouvernement peut tenter de résoudre tous ces problèmes. Mais lui sera-t-il possible de redonner le goût de la lecture aux plus jeunes sans le concours de leurs parents ? Ouais ! Il ne faut pas demander ça à l’Etat. Tout se tient dans cette affaire en fait. Chez nos ancêtres les Gaulois, de nombreux livres sortent chaque année parce que les Français lisent beaucoup aussi. Ne cherchez pas loin pour vous en rendre compte. Dans le métro, tout le monde lit un bouquin ou un "canard" pour passer le temps. Nous, pour prendre de l’air, les grins de thé ou les buvettes sont les endroits les plus indiqués, comme mes voisins qui étaient à leur troisième bouteille. Ne vous étonnez donc pas qu’on ait pu dire que "pour cacher quelque chose à un Noir, il faut le mettre dans un livre".

Ouais ! les gens ne lisent pas au Burkina. Or, c’est la base de la culture et du progrès. Si vous fermez la porte au livre, vous vous fermez la porte de plusieurs disciplines. En y réfléchissant, je me disais que si l’un de mes voisins était un prof de maths, il m’aurait appuyé. C’est vrai que les maths et moi, on n’était pas ami-ami. Mais, en histoire – géographie, j’étais fort au lycée. Et je me souviens que toutes les révolutions industrielle, économique et politique sont parties d’idées exposées dans des livres. Donc, les livres ne sont pas l’apanage des ringards et des gars qui ont du temps à perdre. Pendant qu’on y est, au lieu de donner un gadget à votre enfant pour son anniversaire, pourquoi ne pas lui offrir un joli livre bien illustré qu’il gardera en souvenir ?

Le Fou

Le Pays