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PHILIPPE OUEDRAOGO SG DU PAI : "Soumane Touré ne peut plus se présenter comme SG du PAI"

Publié le jeudi 10 mars 2011 à 00h39min

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Le Conseil d’état a rendu son verdict le 11 janvier 2011, dans l’affaire PAI (Parti africain de l’indépendance) qui opposait Soumane Touré et Philippe Ouédraogo car chacun se prévalait du titre de secrétaire général (SG) dudit parti. Rendu en faveur de Philippe Ouédraogo, ce verdict annule le récépissé de 2001 par lequel le ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation (MATD) reconnaissait Soumane Touré comme SG du PAI. A travers cette interview, Philippe Ouédraogo apprécie la décision du Conseil d’état et affirme que les choses sont maintenant claires, car pour lui, Soumane Touré ne peut plus se présenter comme le SG du PAI.

"Le Pays" : Quelle appréciation faites-vous du dernier jugement du Conseil d’état sur l’affaire PAI ?

Philippe Ouédraogo : C’est un jugement qui a eu lieu le 11 janvier 2011 devant un parterre d’hommes de médias au cours duquel il est manifestement apparu que le Conseil d’état a confirmé le jugement rendu 6 ans au paravent précisément le 30 juin 2005, par le Tribunal administratif et qui concluait à l’annulation de l’arrêté dont jouissait le groupe de Soumane Touré et qui faisait de façon abusive de lui même, le SG du PAI. C’est une vieille affaire qui date de l’année 2000 dont les fondements remontent en 1998.

100 jours de règne

Il faut savoir que Soumane Touré qui a assumé pendant environ 100 jours le poste du SG du PAI en 1998, a été contraint à la démission. Il a rendu le tablier le 12 septembre 1998 avec tout son bureau et le comité central qui siégeait ce jour là, a désigné les membres d’honneur pour assumer la direction provisoire du parti jusqu’à la convocation d’un congrès extraordinaire pour mettre en place un nouveau bureau exécutif central (BEC). Mais avant que les membres d’honneur ne convoquent ce congrès extraordinaire dont ils avaient mandat, Soumane Touré s’est permis alors qu’il était devenu un simple militant, d’une part, d’adresser à tous les membres des documents qui falsifient la vérité et qui en plus, injuriaient non seulement les membres d’honneur mais aussi la direction provisoire qui avait été instituée.

Il s’est par la suite permis, alors qu’il n’avait plus que la qualité de simple militant, de convoquer un congrès extraordinaire auquel d’ailleurs aucune fédération provinciale du PAI n’a assisté. Il y a invité des gens qui n’étaient ni des responsables ni même des militants du parti et il a ensuite présenté une liste au ministère de l’administration territoriale qui lui a délivré le 31 janvier 2000 un 1er récépissé reconnaissant cette liste comme celle du nouveau bureau du PAI. Il y avait manifestement complicité entre lui et le pouvoir pour façonner une nouvelle direction du PAI. Nous avons donc attaqué en février 2000 l’arrêté portant récépissé de reconnaissance que le MATD a accordé à Soumane Touré.

Le tribunal administratif nous a donné raison et a annulé en juillet 2000 cet arrêté. Ce que Soumane Touré et le MATD n’ont pas accepté. Ils sont allés en appel et quand l’appel rendu en 2001 a confirmé le jugement du tribunal administratif, eh bien, le ministre de l’administration territorial n’a rien trouvé de mieux que d’inviter Soumane Touré à convoquer un second congrès. Ce qu’il a fait afin d’obtenir un 2e récépissé. Nous avons donc attaqué devant le tribunal ce 2e arrêté dont l’annulation a été prononcée le 30 juin 2005. Comme à leur habitude, ils ont fait appel du jugement dès juillet 2005, par des requêtes déposées et pour le compte du MATD et pour le compte de Soumane Touré par leur avocat commun.

Cet appel n’a finalement été tranché qu’en janvier 2011, soit 6 ans après. Donc, aujourd’hui, je crois que tout est clair. Depuis le premier jugement, le tribunal administratif dit que Soumane Touré ayant démissionné de son poste de secrétaire général en 1998, et devenu un simple militant, n’a aucune qualité pour convoquer un congrès et par conséquent, pour se faire attribuer la responsabilité de SG du PAI. C’est cela qui a été confirmé par les différents jugements. Je crois que le ministère lui-même, depuis 2008, s’est désisté de tous les appels dans lesquels son avocat l’avait engagé. Et la conclusion, c’est celle du jugement rendu le 11 janvier dernier par le Conseil d’état.

Le PAI peut à nouveau repartir du bon pied

Aujourd’hui, je crois que la clarification a été faite et par conséquent, le PAI peut à nouveau repartir du bon pied.

D’aucuns estiment qu’on est revenu à la case départ puisque même si le récépissé de 2001 a été annulé, Soumane Touré a régulièrement organisé des congrès. Que répondez-vous à ces derniers ?

Soumane Touré a démissionné de son poste de SG en 1998. Tous les congrès qu’il convoque depuis sont parfaitement irréguliers. Aucun de ces congrès n’est régulièrement organisé puisqu’il n’a pas la qualité pour les convoquer. Ce qu’il appelle congrès sont des prétendus congrès, ou des congrès d’autres choses, mais pas des congrès du PAI puis qu’il n’a aucune qualité pour convoquer un congrès du PAI. Il a reconnu devant le MATD et devant le juge qu’il a démissionné en 1998. Or on ne peut pas être un simple militant et convoquer un congrès. Il n’y a rien qui puisse l’autoriser à le faire. Aujourd’hui il préfère ne pas évoquer cette démission, mais non seulement elle existe, mais il l’a aussi notifiée et par écrit au MATD, et devant le tribunal administratif en 2000.

Les statuts du PAI sont clairs

Les statuts du PAI sont clairs à ce sujet, c’est le BEC qui convoque les congrès soit à sa propre initiative, soit à la demande préalable des 2/3 des fédérations notifiée au BEC. Les congrès organisés par Soumane n’étaient pas valides. Tout homme de bon sens le comprend. Malheureusement, le MATD a pris toutes sortes de prétextes pour refuser de l’admettre, pour des raisons certainement politiques. Donc, on n’est pas revenu à la case départ. Pour ce qui nous concerne, le PAI peut repartir du bon pied car le terrain est clarifié aujourd’hui, Soumane Touré ne peut plus prétendre convoquer un congrès et à fortiori, se présenter comme SG du PAI. Il peut toujours s’autoproclamer SG puisque finalement, chacun peut dire ce qu’il veut, se donner le titre qu’il veut.

Il y est habitué d’ailleurs mais la réalité, que tout le monde connait maintenant, c’est qu’on ne peut plus le reconnaître comme ayant le droit de convoquer un congrès du PAI ou d’être le SG du PAI. Voilà la vérité ! Ce problème étant réglé, le PAI peut convoquer son congrès et mettre en place un nouveau bureau. Je vous fais remarquer d’ailleurs que dans l’intervalle, moi même, en tant que SG légitime mais non reconnu parce que je n’avais pas un récépissé de reconnaissance de la part du ministère chargé des libertés publiques, j’ai convoqué aussi plusieurs congrès. Quand ensuite je présentais le bureau mis en place à l’issue de ces congrès, le ministère refusait de les reconnaître, et pourtant ils émanaient de congrès réguliers du PAI. Tenir des congrès ne suffit pas.

Il faut aussi que ces congrès soient légitimes, c’est-à-dire, qu’ils soient conformes aux statuts du PAI ou aux décisions de ses instances. Ce qui n’était pas le cas de Soumane Touré. Alors que ceux que j’ai organisés en tant que membre d’honneur ou en tant que SG élu par les congrès convoqués par les membres d’honneur, étaient légitimes du point de vue du parti car ils étaient conformes aux statuts du parti et au mandat donné aux membres d’honneur. Mais cela ne suffisait pas à me faire reconnaître comme SG du PAI par le MATD, même si les juges me donnaient raison sur le fait que les congrès de Soumane n’étaient pas valides.

Ce que Soumane Touré s’obstine à appeler PAI est en réalité un autre parti, qui n’a pratiquement plus rien à voir avec le PAI qu’il a en réalité quitté avec une poignée de ses amis en 1998. Le vrai PAI c’est celui dont nous demandons la reconnaissance des droits depuis l’année 2000, celui des membres d’honneur, celui des fédérations de 1998, celui des vieux militants, celui qui est inscrit dans l’histoire politique du pays. La justice l’a indirectement maintes fois confirmé, même lors des jugements liés aux appels systématiquement déposés par le MATD et Soumane Touré.

Vous avez dit que le PAI peut maintenant convoquer un congrès. Peut-on savoir à quand celui-ci aura-t-il lieu ?

Nous allons tenir un comité central dans les tous prochains jours et celui-ci va arrêter la date de ce congrès. Il s’agira pour ce comité central d’examiner la situation actuelle du PAI, et de voir à quel moment le congrès sera convoqué.

Concrètement, que comptez vous faire après ce procès ?

La décision de justice du 11 janvier, ouvre la voie à un congrès du PAI dans des conditions normales. Ce congrès doit permettre la rénovation et le renforcement du PAI. Je pense que le rajeunissement du parti, sa restructuration, la consolidation de son implantation dans les provinces qui sont des préoccupations auxquelles il était difficile de trouver des solutions du fait que nous n’avions pas la reconnaissance officielle du pouvoir exécutif, pourront maintenant avoir des réponses adéquates

Pensez vous qu’avec cette décision du conseil d’état vous aurez enfin le récépissé de reconnaissance après votre congrès ?

Sur ce point, je pense qu’il n’y a pas raison d’avoir des craintes. Comme vous le savez, il y a eu des changements d’hommes au niveau des ministères. Et donc aussi des changements sur la bonne compréhension de la façon de respecter et d’exercer les libertés publiques. Il s’est trouvé en particulier que depuis Août 2008, le ministère de l’administration territoriale avait fait savoir publiquement devant le juge qu’il se désistait des appels déposés dans l’affaire PAI. Par conséquent, ça veut dire qu’il acceptait désormais de mettre en oeuvre les décisions de justice prononcées dans ce cadre. C’est pour cela que je n’ai pas de crainte particulière.

Avec le temps qui est passé, je pense que les gens ont compris qu’il n’était pas possible de continuer à brimer le PAI, de nier ses droits et qu’il vaut mieux si l’on veut être respectueux des principes de la Constitution et des droits des organisations démocratiques, accepter les décisions de justice et les mettre en oeuvre. C’est pour cela aussi que je n’ai pas de crainte. Je pense qu’après le congrès, le MATD va constater que les choses sont faites régulièrement et qu’il n’y a aucune raison de refuser le récépissé de reconnaissance à la nouvelle direction du PAI.

Un mot pour clore ce chapitre d’affaire PAI !

Je voudrais dire qu’après cette longue bataille de 11 ans, le PAI peut finalement retrouver ses droits. Je voudrais profiter de votre micro, pour remercier la presse qui a toujours été à nos côtés pas parce qu’elle chérit tel ou tel membre du PAI, mais parce qu’elle sait distinguer entre ce qui est vrai et ce qui est faux. Cela est à son honneur et renforce sa crédibilité aux yeux des lecteurs. Je voudrais aussi exprimer ma reconnaissance aux partis politiques de l’opposition qui ont été solidaires de notre combat qu’ils considéraient comme un combat pour leur propre liberté. Je voudrais aussi remercier les différents avocats dont ceux du cabinet Tou et Somé, Me Barthélémy Kéré, Me Bénéwendé Stanislas Sankara, Me Gilbert Noël Ouédraogo qui nous ont défendu tout au long de ces 11 ans, même si certains ont été à un moment donné, empêchés de poursuivre la défense par leurs responsabilités. Je le dis d’autant plus qu’ils l’ont fait sans réclamer des honoraires.

Je dis également merci à toutes les personnes qui, à une occasion ou à une autre, nous ont exprimé leur encouragement ou leur soutien et leur refus de l’injustice. Car ils voyaient bien que ce refus de reconnaissance du PAI légitime n’était qu’une manipulation politique par des gens qui essayaient de faire passer des vessies pour des lanternes.

En tant que homme politique, quelle analyse faites-vous des mouvements d’insurrection au Maghreb notamment en Tunisie, Egypte et en Libye ?

Je pense qu’il faut remarquer que la fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle sont des périodes historiques durant lesquelles les droits des peuples à la liberté, à la démocratie et le droit des peuples à se faire gouverner par des gens qu’ils ont librement choisis, s’imposent de plus en plus et sont reconnus par tout le monde comme une chose normale, allant de soit. Donc, ce qui se passe dans le monde arabe, qui a été initié par les événements de Tunisie, est une chose qui s’inscrit dans la période historique actuelle et c’est une bonne chose. Beaucoup de pays sont sous la férule de dictateurs. Les dictateurs veulent justifier leur dictature, et la répression qu’ils exercent sur les gens, notamment ceux qui luttent contre leur politique dictatorial, par la présentation de soit disant progrès économiques, etc.

Les progrès économiques sont possibles dans différentes conditions

Mais c’est oublier que les progrès économiques sont possibles dans différentes conditions. La dictature n’est pas une condition nécessaire du progrès économiques, au contraire. Le progrès économique peut aussi bien exister dans la liberté, et le peuple veut la liberté. Eh bien, il la conquiert par les moyens qu’il peut se donner ! On remarque toujours que cette conquête de la liberté se fait dans la douleur c’est dire que les dictateurs ne lâchent pas du coup et il faut vraiment les acculer. Il faut aux peuples surmonter la peur ou le chagrin que suscitent la répression et les morts dans les rangs de ceux qui revendiquent leur liberté. Que ce soit en Tunisie ou en Egypte ou encore en Libye, les morts se comptent en centaines. Je pense que ce sont des mouvements qui s’inscrivent dans le cadre des revendications historiques normales des peuples aujourd’hui.

Les dictateurs qui s’éternisent au pouvoir et se croient indispensables doivent en tirer des leçons. Cela est valable aussi pour le Burkina. Nous avons un président qui est là depuis 23 ans et vient d’avoir un mandant de 5 ans qui lui permettra de totaliser 28 ans au pouvoir et ses supporters les plus zélés veulent lui donner le droit de se présenter indéfiniment et de conquérir indéfiniment le pouvoir. Je pense que ce sont des pièges qu’ils lui tendent. Et que c’est avoir une mauvaise lecture de la réalité politique burkinabè et de la réalité internationale que de s’obstiner à rester coûte que coûte au pouvoir.

Que chacun en tire des leçons

Il faut que chacun en tire des leçons. Même si aujourd’hui on a les capacités de réprimer les manifestations, les peuples veulent que la démocratie soit une réalité, exercée dans la plus grande transparence et en faveur des intérêts des peuples d’abord. Il faut comprendre que la dictature ne peut pas être le seul mode de gouvernance indéfinie. Tôt ou tard, le peuple va réclamer que sa liberté de choix d’expérimenter d’autres hommes et d’autres politiques lui soit reconnue.

Propos recueillis par Dabadi ZOUMBARA

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 10 mars 2011 à 09:39, par Ludovic En réponse à : PHILIPPE OUEDRAOGO SG DU PAI : "Soumane Touré ne peut plus se présenter comme SG du PAI"

    Bravo, Philippe ! Le droit a été dit et bien dit. Soumane et sa clique doivent maintenant s’incliner...s’ils sont démocrates comme ils le prétendent ! Qu’ils aillent rejoindre la "mère patrie" qu’est le CDP ; ils ne l’ont jamais vraiment quittée !

    • Le 13 mars 2011 à 13:03 En réponse à : PHILIPPE OUEDRAOGO SG DU PAI : "Soumane Touré ne peut plus se présenter comme SG du PAI"

      Pourquoi rejoindre le CDP ? Faut peut-être souhaiter que Soumane TOURE et ses amis rejoignent maintenant le légal PAI nouveau.
      Ensuite, faire sauter le verrou de l’article 37 ne signifie pas que Philippe OUEDRAODO ne sera pas élu en 2015. C’est aussi simple que ça car un candidat unique de l’opposition peut battre le Président Blaise COMPAORE en 2015. Il suffit de savoir s’organiser. A se focaliser sur l’article 37, on risque de se perdre dans les méandres de l’histoire démocratique du peuple burkinabé. Faut ouvrir l’oeil, et le bon.

    • Le 18 mars 2011 à 12:35 En réponse à : PHILIPPE OUEDRAOGO SG DU PAI : "Soumane Touré ne peut plus se présenter comme SG du PAI"

      ce n’est pas parce que philippe ete sa clique ont été créés par blaise pour tuer le pai que tout le monde doit se soumettre au cdp. cette division du pai n’est qu’une manoeuvre de destruction du pai savamment orchestrée avec la complicité de philippe sur des bases purement tribalistes et non politiques

  • Le 21 mars 2011 à 11:35 En réponse à : PHILIPPE OUEDRAOGO SG DU PAI : "Soumane Touré ne peut plus se présenter comme SG du PAI"

    Soumane Toure n a cesser d etre trouble- fete depuis le lycee Ouezzin Coulibaly a Bobo-Dioulasso.Les greves sous couvert politique qui a couter la vie de nos vaillants citoyens.Un ainee qui etait aimer par son courage d affronter løes dirigents d antan.Les kango et CO.Jeg crois que Toure est fini politiquement,ayant trop semer la pagaille pour ses propres fins politiques.Le resultat tout le monde le sait,la division du parti et illusion perdue du maitre.

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