Pire, à peine les quatre mandatés de l’Union africaine ont-ils tourné le dos qu’un quartier d’Abidjan s’embrasa : mardi dernier à Abobo, des affrontements d’une rare violence ont opposé des éléments des Forces de défense et de sécurité restés loyaux à Laurent Gbagbo, à une armée invisible, mais visiblement bien structurée, qui semble avoir pris le contrôle de la commune.

Les communiqués de guerre se contredisent sur l’étendue des dégâts ; cependant une chose est sûre, il y a de très nombreux morts. Cette escalade nous rappelle le 1er tour de la présidentielle en Côte d’Ivoire. Dans le taxi qui l’amenait à l’hôtel du Golf, un journaliste plaisantait à la vue du relief pittoresque de la ville :« Je suis au regret de constater qu’avec ses collines, sa végétation et ses échangeurs qui serpentent, Abidjan offre un cadre favorable à une guérilla urbaine ».

Aujourd’hui, c’est certainement un avant-goût de cette pratique tant redoutée des populations que nous servent les belligérants. Si cette bataille s’inscrit dans la durée, cela donnerait raison aux membres du clan Gbagbo qui prédisaient une guerre civile dans le pays. C’est vrai que leur prophétie à eux n’était pas parfaite, d’autant plus qu’ils appréhendaient cette situation dans le cas d’une intervention militaire.

Une fois de plus, c’est échec et mat du côté de la CEDEAO et de l’Union africaine. L’on peut aller plus loin en se demandant à quoi servent finalement ces organisations africaines. Il n’est pas conseillé d’avoir une position manichéenne, mais les faits sont têtus. Si ces deux structures n’agissent pas en solitaires, elles se sont toujours opposées dans les modes opératoires. Et la grande spécialité des chargés de missions qui y travaillent, c’est d’être toujours entre deux avions ou deux grands hôtels.

Un seul haut fait de l’Union africaine ? Peut-être la libération de l’île d’Anjouan (Comores) des mains du colonel Bacar, qui a occupé le fauteuil présidentiel par suite d’un coup d’Etat. Mais avouons que c’est maigre comme trophée de guerre. C’est un truisme de dire que, dans le cas ivoirien en tout cas, l’Union africaine et la CEDEAO ont montré leurs limites. Alors quoi faire ?

Beaucoup se sont résolus à penser que le seul grand ennemi de Gbagbo demeure les sanctions économiques. Sinon en face, il y a rien ; « c’est maïs », peut-on annoncer en paraphrasant le locataire du palais de Cocody, doué pour les formules-chocs. La stratégie du boa peut-elle se révéler payante pour les adoâtres ? Oui, mais dans le long terme. C’est vrai que l’asphyxie économique commence à prendre.

Des banques et des entreprises ferment, le port d’Abidjan est au plus mal, etc. Le Général Economie pourrait avoir donc le dernier mot, mais ce ne sera malheureusement pas sans un grand dégât collatéral : la souffrance de la population. Aux dernières nouvelles, des tirs à l’arme lourde ont repris hier jeudi en fin d’après-midi dans le quartier d’Abobo qui se vide de ses habitants. En somme des lendemains de plus en plus incertains pour la Côte d’Ivoire.

Issaka K Barry

L’Observateur Paalga