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FECHIBA 2011 : Ces hommes qui parlent à l’oreille des chevaux

Publié le mercredi 23 février 2011 à 01h28min

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Le cheval est à Barani ce que sont les eaux du Nil aux Egyptiens. Les 18 et 19 février 2011, cette commune rurale dans la province de Kossi (Nouna) était en fête. Les amoureux de l’art équestre s’y sont donné rendez-vous pour célébrer dans une ferveur quasi religieuse la 11e édition du FECHIBA (Festival culturel et hippique de Barani).

Du temps des royaumes, c’était une pratique culturelle traditionnelle appelée « Haaro » qui consistait en une cérémonie d’allégeance au chef, afin de saluer les efforts déployés par lui pour la paix et la stabilité sociales. Aujourd’hui, c’est devenu le FECHIBA, une rencontre qui interpelle plusieurs départements ministériels comme celui chargé de la Culture, pour ses dimensions culturelles et touristiques, le ministère en charge des Sports et Loisirs, en ce qui concerne les techniques équestres, le département en charge des Ressources animales pour la production animale (alimentation, habitat, amélioration génétique, santé) et le ministère de l’Artisanat pour le côté promotion de l’harnachement.

Et à propos de parrainage, force est de constater que FECHIBA 2011 était bien gâté. Le président de l’Assemblée nationale en était le patron ; le ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme, le président ; celui chargé du Cabinet présidentiel était le parrain, et le président directeur général de SOMIKA, le coparrain.

Le nombre de discours pendant l’ouverture du festival était tout aussi à la hauteur. Ceci explique certainement cela. Et tous les propos ont convergé sur un point : la place qu’a occupée et que continue d’occuper le cheval dans la vie des habitants de Barani en particulier et des Burkinabè en général. Et l’un des interlocuteurs, le plus applaudi, a été le ministre chargé du Cabinet présidentiel, Assimi Kouanda.

Fidèle à sa réputation d’islamologue, ce dernier a, avec de nombreuses références religieuses, emporté l’adhésion du grand public, surtout lorsqu’il a déclaré ceci : « Dans les hadiths du prophète, il est rapporté que l’argent dépensé pour les chevaux passe aux yeux de Dieu comme une offrande que l’on fait de sa propre main, et que celui qui soigne et garde un cheval sera récompensé comme l’homme qui jeûne pendant le jour et passe la nuit à prier. Chaque grain de céréale qu’on donne au cheval est inscrit dans le registre des bonnes œuvres ».

S’il y avait donc de la place pour l’institutionnel, constat aura aussi été fait de la mobilisation spontanée des fils et filles de la région. Les deux jours durant, l’on avait l’impression que toute la région s’était vidée de ses habitants pour rallier Barani, sans oublier ceux venus de contrées plus lointaines. Le Mali voisin était également présent avec une imposante délégation.

Malgré les voies d’accès assez difficiles, tout ce beau monde n’a visiblement pas voulu se laisser conter l’événement. En effet, le jeu en valait la chandelle. Un menu très varié leur a été servi : lutte traditionnelle, prestations de troupes traditionnelles et modernes, foire commerciale, sans oublier le plus important qu’étaient les activités se rattachant directement à cet animal qui imprime sa présence parmi les éléments constitutifs des armoiries nationales, le nom de l’équipe nationale de football et le symbole du premier prix du FESPACO (Festival panafricain du cinéma de Ougadougougou).

Figuraient donc en très bonne place la course hippique, le concours de la plus belle monture et l’art du dressage. Devant des spectateurs médusés, des cavaliers ont intimé l’ordre à leurs montures de prendre certaines postures. Ces dernières se sont exécutées sans rechigner. Conséquence : l’on a vu des chevaux danser au rythme des tambours, d’autres s’agenouiller ou faire le mort à la demande du maître. En somme, des exercices à faire pâlir de jalousie les dresseurs des plus célèbres chapiteaux du monde.

FESHIBA 2011, c’était également le rendez-vous de l’humour et de la parenté à plaisanterie. Ces ingrédients ont aisément henni et galopé durant les retrouvailles. Pouvait-il en être autrement, sachant que parmi les invités d’honneur et les autres visiteurs, nombreux étaient ceux qui avaient une alliance à plaisanterie avec les Peuls, ces habitants majoritaires de la zone ? Alors, il devait forcément jaillir des étincelles. Ce qui fut le cas. Ce petit fait suivant est illustratif de l’ambiance qui y régnait. Pendant la course hippique, un participant s’empara du micro et fit le constat suivant : « Quand je venais à Barani, je m’attendais à boire du lait. Ce qui ne fut pas le cas jusqu’à présent. Au contraire, ce sont plutôt des cabarets qui s’étendent à perte de vue ». Ambiances …

Issa K. Barry


Hampaatè, le palefrenier du roi : « Entretenir un cheval, c’est comme entretenir une femme »

Amadou Sidibé, appelé affectueusement Hampaatè, est le 2e fils du chef de Barani, El Hadji Amirou Sally Sidibé. C’est le docteur ès chevaux du palais. Six de ces équidés y vivent et il s’en occupe comme de la prunelle de ses yeux. Et foi d’Amadou Sidibé, les animaux dont il a la charge ont besoin d’une attention soutenue. Et c’est d’ailleurs un principe qui s’applique à toute l’espèce. « Dans l’ancien temps, pour s’assurer que vous pouviez entretenir une femme, l’on vous confie d’abord un cheval.

S’il est bien nourri, l’on se dit que vous pouvez vous occuper d’une femme », a-t-il fait remarquer dans le sourire, avant de préciser que l’étranger à qui l’on offrait le gîte mangeait sans appétit tant qu’il n’était pas rassuré que son cheval aurait de quoi se mettre sous la dent. Et le retour sur investissement semble encourageant, si l’on se fie au nombre de trophées que le cavalier Hampaatè a gagnés, avec notamment un des chevaux qui lui a permis de remporter plusieurs fois de suite la course hippique annuelle.

Aujourd’hui, l’animal qui semble né avec des ailes ne participe plus aux compétitions, sur ordre du roi. L’alimentation de la plus belle conquête de l’homme obéit également à un certain rituel, a tenu à préciser notre interlocuteur. Ses équidés sont exclusivement nourris la nuit, une habitude dont l’explication remonterait loin, du temps des guerres entre royaumes.

« Le cheval qui est nourri de jour et de nuit n’est pas efficace en temps de guerre. Si par contre, il est habitué à être alimenté seulement la nuit, le jour l’animal accomplit aisément ses missions. Nous avons d’ailleurs fait ce constat pendant le défilé du cinquantenaire. Les chevaux de nos voisins maliens avaient eu quelques difficultés parce qu’on les gavait beaucoup et sans discontinuer ».

Chez le roi de Barani, les animaux ont une alimentation à base de petit mil ou de sorgho. Malgré tout, force est de constater que le nombre de ces mammifères dans notre pays va décroissant. Et le coût étant une question d’équilibre entre l’offre et la demande, il va de soi que l’acquisition d’un cheval mérite bien un petit sacrifice financier.

C’est aussi le point de vue de ce palefrenier du roi. « Je viens d’acquérir un jeune cheval (entre cinq et six ans d’âge) et la proposition de prix était de 550 000 FCFA. Nous avons longuement débattu et le propriétaire me l’a cédé à 375 000 FCFA. J’ai récemment acheté un autre à 400 000 FCFA ». Mais ne dit-on pas que la passion n’a pas de prix ?

Issa K. Barry

L’Observateur Paalga

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