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TUNISIE-EGYPTE : Le peuple veille sur sa révolution

Publié le mercredi 23 février 2011 à 01h27min

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Après avoir fait « leur » révolution, les peuples tunisien et égyptien donnent de la voix de temps à autre comme pour signifier qu’ils n’ont pas souffert pour rien. Une vigilance de tous les instants qui tend à montrer aux opportunistes de tous poils que le sang des martyrs n’a pas été versé pour des réformettes à la petite semaine. Il faut de véritables changements assortis de transformations sociales conséquentes.

La rue arabe qui a triomphé de la peur et a pris ses responsabilités n’ignore pas que le moindre signe de mollesse profitera à l’adversaire. Celui-ci reste en effet embusqué dans un système qui date de Mathusalem, et qui ne se démantèle pas du jour au lendemain. A Tunis comme au Caire, des suppôts des régimes défaits existent toujours, et il faut travailler à les déloger progressivement. Un travail de longue haleine mais dont on ne peut faire l’économie. Jour après jour, on tire des leçons de ces soulèvements populaires de Tunisie et d’Egypte.

Par exemple, jusqu’à preuve du contraire, les révolutions à la tunisienne ou à l’égyptienne ne semblent pas avoir été initiées et encadrées par des organisations d’avant-garde structurées au sens où on l’entend généralement. Sans doute, des organisations à la base ont-elles fait œuvre utile à un moment ou un autre du processus insurrectionnel. Il reste que pour l’instant, aucune ne semble vouloir revendiquer une quelconque paternité du changement soudain intervenu dans ces pays. Cela, en raison même de la diversité des composantes du corps social, et bien entendu du système en place dans ces pays.

On se souviendra à ce propos, qu’autant les organisations des travailleurs que celles des religieux ont eu du mal à canaliser les mouvements ou en tout cas à les diriger à leur guise. Cela est singulier. De quoi faire réfléchir les politologues et autres analystes des mouvements socio-politiques. La preuve est faite que le pouvoir n’appartient réellement qu’au peuple. Il lui faut seulement décider de prendre son destin en main à un moment où à un autre. Pas de se laisser continuellement gérer par des intrigants et des délinquants à cols blancs.

Par ailleurs, Tunisiens et Egyptiens ont, dans l’ensemble, fait montre d’une discipline à toute épreuve. Il y aura eu, tout compte fait, moins de dégâts comparativement à des événements survenus ailleurs. On se rappelle encore ces vols d’objets de l’Egypte des pharaons, rapidement restitués après les rappels à l’ordre. Comme si ces objets avaient été dérobés pour se venger du régime Moubarak, et qu’ensuite, voleurs et receleurs étaient rapidement revenus à la raison. Pour ne pas « salir » la révolution, ou subir les foudres des révolutionnaires dont la discipline et le sens des responsabilités sont élevés. C’est la révolution pacifique de deux peuples qui savent bien ce qu’ils veulent.

Ailleurs, on aurait vite basculé dans le bain de sang. Ils ont maintenu le cap et jamais les choses n’ont dégénéré. Du moins pour l’instant. Cette forme de changement séduit. En outre, Tunisiens et Egyptiens se montrent déterminés et vigilants jusqu’au bout. Par exemple, en Tunisie, plus d’un mois après, on continue de suivre les faits, gestes et propos des tenants du pouvoir en transition, allant même jusqu’à exiger et obtenir la démission de certains ministres ou responsables douteux ou complaisants. Jamais la mobilisation n’a baissé. Les nouveaux systèmes qui se mettent en place sont sous surveillance et cela est édifiant. En Egypte, le clan Moubarak est lui aussi traqué et ses biens sont en ligne de mire tout comme ceux des proches de Ben Ali, l’ancien "maître à vie" de Tunisie.

La rue arabe a le contrôle du changement et elle s’organise pour désigner ses représentants dans les structures qui se mettent progressivement en place. Ceux qui sont à l’origine du mouvement ne sont pas au niveau de l’exécution. Tant et si bien qu’il se dégage la nette impression que les régimes qui sortiront des urnes, dans les mois à venir, devront se le rappeler. Ils devront prendre les dispositions pour ne pas retomber dans les mêmes excès car cela ne s’acceptera pas tout simplement. On n’entend pas laisser récupérer le mouvement, encore moins mettre en péril les acquis de la révolution.

D’ici les élections à venir, il est clair que la rue va continuer d’exercer son droit de regard et contrôler la gestion de la situation. Ces deux peuples connaissent bien leurs aspirations et ils ne se laisseront certainement pas faire. Par ailleurs, au pouvoir depuis plusieurs décennies en Tunisie et en Egypte, l’année a fini par se fissurer. C’est que dans les dictatures déguisées, tous les hommes en uniforme ne sont pas traités de la même façon. Or, si « la discipline fait la force principale des armées… », un jour ou l’autre, les insatisfaits de la Grande Muette et ceux qui sont porteurs de la demande sociale finissent bien par joindre leurs efforts pour démanteler le système qui les opprime.

Une armée méprisée ou victime de ségrégation finit, tôt ou tard, par se fissurer. Se désolidarisant alors de ses dirigeants sclérosés à force de partager le butin avec le système, elle rejoindra alors le flot des mécontents. Comme on l’a vu dans les deux cas, ces soldats s’abstiennent toujours de tirer sur des manifestants désarmés. Comprenant qu’ils défendent les mêmes causes profondément ancrées dans la justice sociale, ils font défection au moment le plus inattendu, précipitant inévitablement de ce fait la chute du colosse aux abois, suite aux assauts répétés du peuple déterminé.

Les révolutions tunisienne et égyptienne n’ont pas fait que montrer la détermination du peuple longtemps spolié de ses droits. Elles ont fourni la preuve que certaines armées africaines ont commencé à intégrer l’esprit républicain dans leur vécu quotidien. Cela mérite d’être souligné et salué, surtout que pour se maintenir au pouvoir et continuer à sucer le sang des peuples, les régimes dictatoriaux ne reculent devant rien : l’argent circule autant que les balles sifflent, pour la survie du système. Jusqu’au jour où, comme en Tunisie et en Egypte, le peuple aura vaincu sa peur et retrouvé ses moyens.

"Le Pays"

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