LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Syndrome tunisien : Attention à la démocratie de la rue !

Publié le lundi 21 février 2011 à 23h39min

PARTAGER :                          

L’un des pays dont le peuple était le mieux contrôlé et maîtrisé à l’ère des démocraties dites libérales, c’est le peuple tunisien. Après avoir déposé en douceur Habib Bourguiba, Ben Ali avait rigoureusement appliqué et renforcé le système policier de son célèbre prédécesseur, au point que le peuple avait semblé longtemps être résigné.

Mais les tenailles étaient si fortes que ce peuple, bravant le péril du sacrifice de sa vie auquel l’exposait toute velléité de révolte, est parvenu à mettre en déroute un régime qui ne semblait avoir de « légitimité » que dans ses succès économiques.

La Tunisie a en effet engrangé depuis Bourguiba et sous Ben Ali des succès économiques admirables. L’on n’est pas loin de citer, à côté de quelques rares pays africains, le modèle tunisien. Mais l’aisance sans la liberté est une autre problématique, comme l’avait jeté feu le président Sékou Touré au général de Gaulle : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage ».

A la suite de la Tunisie, c’est l’Egypte qui a été touchée par le syndrome tunisien. Cet homme galant - Hosni Moubarak- s’est révélé un « monstre froid » qui semblait avoir soumis son peuple et réussi à maîtriser le mouvement islamiste. Comme on le sait, Hosni Moubarak a, à son tour, pris la poudre d’escampette.

Et comme il n’y a jamais deux sans trois, les mêmes velléités se manifestent en Algérie, en Jordanie, au Yemen, etc. De toute évidence et à l’analyse, la transition démocratique sera difficile dans le monde arabe. Comment concilier en effet cette propension des peuples arabes à vivre dans des régimes islamistes où est appliqué la charia et leurs aspirations aux idéaux de liberté ?

Ces remises en cause des systèmes dirigistes, longtemps tolérés par les Occidentaux parce qu’ils ont réussi à bloquer l’islamisme (le cas du FIS en Algérie et des Frères musulmans en Egypte), ne feront-elles pas le lit du totalitarisme religieux ?

Ou devons-nous penser que les Arabes sauront trouver le juste milieu entre l’aspiration de la majorité à l’islamisme et le rêve de liberté ? Comment envisager une telle hypothèse en Afghanistan et en Iran ? L’équation est complexe.

Que des peuples, fatigués des excès et des arrogances de leurs dirigeants, manifestent une brusque prise de conscience et qu’ils veuillent, par la rue, exprimer leur mécontentement pour appeler à une meilleure gouvernance, c’est là l’essence même de la démocratie.

Mais que ces manifestations conduisent toujours au départ des dirigeants en dehors de la voie des urnes, il faut en craindre un cycle infernal d’alternances imposées par la rue, et donc d’insécurité politique chronique qui risquerait de constituer une entrave majeure au développement.

En France, l’on a assisté à de grandes manifestations de la rue lorsqu’il s’est agi de porter l’âge de la retraite à 67 ans sans qu’aucun ait pensé un seul instant à une démission de Nicolas Sarkozy. Certes, il s’agit de contextes où l’alternance joue pleinement, mais rien n’empêchait, pour le cas de l’Egypte, de laisser Hosni Moubarak achever son mandat en juillet.

Certains analystes en sont maintenant à se demander si l’Afrique au Sud du Sahara ne va pas s’inscrire dans cette dynamique de la démocratie amenée par la rue. Les Noirs, comme on le sait, aiment imiter, mais quand ils veulent imiter, ils imitent mal.

Si cette tradition s’ancre dans la démocratie africaine, nul dirigeant, même démocratiquement élu, ne sera à l’abri des pronunciamientos de la rue. Il suffirait d’une simple mauvaise humeur du peuple pour que tout soit remis en cause.

Tenez ! Après le départ de Moubarak, fusent de tous les corps professionnels des revendications salariales. Un président qui viendrait à être élu après ce mouvement de la rue aurait-il les moyens, au nom des contraintes budgétaires et des impératifs du développement, d’accéder à tant de revendications ? Résisterait-il dans ce cas à un autre mouvement de la rue étant donné que la volonté des peuples a parfois des retours inattendus ?

Au demeurant, les leçons à tirer de ce que l’on désigne déjà comme la chute du « petit mur de Berlin » sont au moins à trois niveaux :
- premièrement : les peuples sont devenus de plus en plus exigeants à l’égard de leurs dirigeants. Cela correspond à une phase des processus historiques de leur maturation ;

- deuxièmement : la direction des Etats est devenue une tâche périlleuse, et c’est à chaque dirigeant d’être sensible aux aspirations de son peuple ;
- troisièmement : l’ère des potentats qui, pour assurer leur sécurité d’après-pouvoir, préparent – comme Hosni Moubarak et Wade- leur fils pour leur succéder est à jamais révolue.

Pour autant, attention à la démocratie de la rue ! Elle peut être une source d’instabilité politique chronique et annihiler subséquemment tous les efforts de développement économique du continent africain.

Justin K. Tionon Administrateur des Postes, Chargé de mission au Conseil supérieur de la Communication

L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 22 février 2011 à 10:34, par make True En réponse à : Syndrome tunisien : Attention à la démocratie de la rue !

    Ce article me parait ambiguë à plus d’un titre :
    *les arabes n’ont ’ils pas le droit de vouloir la forme de gouvernance à laquelle ils aspirent ?
    *le modèle démocratique occidental n’a t’il pas souvent été r par ces remis en cause par ces mêmes dictateurs lorsque cela servait leur dessein ?
    *sommes nous toujours à l’époque de la pensée unique du maître à penser ?

    Ainsi donc les peuples arabes comme n’importe quel autre peuple doit avoir le choix de son mode de gouvernance, qu’il soit charia, anarchie, monarchie, islamisme modéré tant que cela répond aux aspiration du peuple.

    Toutes les nations du monde n’ont pas vocation à être les meilleurs élèves du PNUD ou de la Banque Mondiale au détriment de leur peuple.

    Par ailleurs, le modèle démocratique occidental à montrer ses limites car elle est devenue purement et simplement une promotion de la débauche humaine (homosexualité, pédophilie etc.). Ce comportement ne peut qu’amener les vertueux à vouloir se replier sur eux même. Qu’on le veuille ou non plus rien ne sera plus comme avant pour les peuples qui ont décidé de prendre en main leur propre destin car fatigué de servir de laboratoire d’essai sur la tragédie humaine.

  • Le 22 février 2011 à 14:29, par koutou En réponse à : Syndrome tunisien : Attention à la démocratie de la rue !

    Parlant de l’éventuel effet de contagion de la révolte qui secoue le monde arabe et le Proche-Orient, M. Justin K. Tionon affirme sans sourciller que « Les Noirs, comme on le sait, aiment imiter, mais quand ils veulent imiter, ils imitent mal ». Je suis resté sans voix face à ces graves affirmations péjoratives venant en plus d’un « Chargé de mission au Conseil supérieur de la Communication ». Je demande à M. Tionon de s’excuser publiquement dans les colonnes de L’Obs et même au CSC de prendre des mesures disciplinaires à son encontre. Avec de telles idées, comment pouvons-nous nous plaindre d’être mal considérés par les autres ? De grâce, la liberté d’expression d’accord, mais la réflexion profonde d’abord.

  • Le 22 février 2011 à 14:32, par AROSS En réponse à : Syndrome tunisien : Attention à la démocratie de la rue !

    Ces remises en cause des systèmes dirigistes, longtemps tolérés par les Occidentaux parce qu’ils ont réussi à bloquer l’islamisme (le cas du FIS en Algérie et des Frères musulmans en Egypte), ne feront-elles pas le lit du totalitarisme religieux ?

    Je ne partage pas cette manière de faire allusion à l’Occident pour leur imputer une partie de notre laxisme face à des dirigeants véreux. On n’a pas à attendre que ces dirigeants finissent d’être tolérés par l’Occident avant de les mettre out. Puisque l’Occident autant que ceux-ci sont tot sauf en faveur du peuple

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Sénégal / Diomaye Faye président ! : La nouvelle espérance
Burkina : De la maîtrise des dépenses énergétiques des Etats
Burkina Faso : Combien y a-t-il de langues ?