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PRESIDENTIELLES BURKINABE ET IVOIRIENNE : Regard croisé de Harouna Dicko

Publié le lundi 21 février 2011 à 23h38min

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Harouna Dicko

Le président du RPN, Harouna Dicko, donne ici sa lecture des élections présidentielles qui ont eu lieu en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso.

A l’ouverture de l’atelier d’information que le RPN a organisé à l’issue des législatives de 2007, nous avions fait une réflexion pour montrer que les Burkinabè dans leur grande majorité se désintéressent du jeu politique national sous la 4e République beaucoup plus que sous la 3e République où le président sortant avait été mis en ballottage. En effet, le 21 novembre 2010, sur une population en âge de voter de 7 139 252 habitants, seulement 1 772 404 Burkinabè se sont rendus à l’urne.

Ce qui correspond à un taux de participation citoyenne de 24, 82%. Si cette faible participation est imputable à l’ensemble de la classe politique et à l’ensemble des organisations dites de la société civile, la part du pouvoir de la 4e République est plus grande. Après 23 ans de règne sans partage, malgré le soutien de 38 partis politiques et des milliers d’autres associations et, malgré des centaines de millions de francs CFA dépensés dans la campagne électorale, le président du Faso a été réélu le 21 novembre 2010 par seulement 1 375 315 citoyens contre 1 660 148 citoyens en 2005.

Cela ne constitue que 19, 26% de popularité réelle au lieu de 80, 15% de taux de popularité supposée. La démocratie a des exigences et la principale exigence de l’enracinement et de la prospérité de la démocratie est la crédibilité sociale et politique des mécanismes démocratiques que sont la Constitution, la loi électorale, le mode de scrutin, l’organisation et la validation des élections, etc. Aujourd’hui, ces mécanismes démocratiques sont décrédibilisés au Burkina Faso par la succession rapide des textes législatifs incohérents et par les insuffisances dans l’organisation des élections.

Néanmoins, le président Blaise Compaoré a été proclamé élu et investi par le Conseil constitutionnel qui est la seule institution compétente pour valider les candidatures à l’élection présidentielle (article 130 du Code électoral), pour juger le contentieux électoral et proclamer les résultats définitifs (article 152 de la Constitution), et pour investir le président du Faso (article 44 de la Constitution). Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles (article 159 de la Constitution). Comme nous l’avions prévu depuis le 18 février 2010, cette élection de 2010 a été sans enjeux majeurs.

Il reste maintenant la formalité de la modification de l’article 37 de la Constitution pour permettre au président Blaise Compaoré d’être candidat en 2015. Le président a le droit et les moyens pour faire modifier cet article, mais pas assez de légitimité populaire. Cependant, il a déjà pris l’initiative en créant un ministère d’Etat pour cela. Nous estimons qu’il doit tirer une leçon des départs précipités des présidents Ben Ali et Moubarak, pour définitivement abandonner cette idée. Sous la 4e République, aucune élection n’a pu enregistrer 2 500 000 votants.

Mais, les Burkinabè semblent s’intéresser à l’élection présidentielle de novembre 2010 de la Côte d’Ivoire beaucoup plus qu’à l’élection du président du Faso de novembre 2010. Il est donc de notre devoir de nous prononcer sur ce cas ivoirien.

"Les mécanismes démocratiques décrédibilisés en Côte d’Ivoire"

Ce qui nous anime, c’est la recherche d’une paix durable par le débat sans passion basé sur l’information saine dans ce pays voisin. A l’analyse sans passion de la crise ivoirienne, nous pensons que l’élection présidentielle de 2010 qui était censée ramener la paix en Côte d’Ivoire a plutôt accentué la fracture socio-politique et militaire dans ce pays. En effet, par la Résolution 1 721 (2006) paragraphe 22, le Conseil de sécurité de l’ONU a renouvelé le mandat donné par la Résolution 1 603 (2005) à son Haut Représentant pour les élections en Côte d’Ivoire, et a décidé par conséquent qu’en plus de ce mandat :
- le Haut Représentant pour les élections était la seule autorité habilitée à rendre les arbitrages nécessaires en vue de prévenir ou de résoudre toute difficulté ou contentieux lié au processus électoral en liaison avec le médiateur ;
- le Haut Représentant pour les élections devait certifier que tous les stades du processus électoral y compris les opérations d’identification de la population, d’établissement des listes électorales et la délivrance de cartes d’électeur, allaient fournir toutes les garanties nécessaires pour la tenue d’élection présidentielle et législatives ouvertes, libres, régulières et transparentes conformément aux normes internationales. Mais, après avoir entériné l’accord politique de Ouagadougou, le Conseil de sécurité de l’ONU, par la Résolution 1 765 (2007) a mis un terme au mandat du Haut Représentant M. 

Gérard Stoudmann, et a réparti les rôles qui lui étaient dévolus entre le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies et le président Blaise Compaoré, facilitateur des Accords de Ouagadougou. Ainsi :
- le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies a été chargé de certifier que tous les stades du processus électoral allaient fournir toutes les garanties nécessaires pour la tenue d’élection présidentielle et législative ouvertes, libres, justes et transparentes conformément aux normes internationales (paragraphe 6).
- le facilitateur, le président Blaise Compaoré, a été chargé du rôle de l’arbitrage, avec l’assistance de l’ONUCI en tant que de besoin et à sa demande (paragraphe 10). C’est pourquoi nous estimons que :

1. Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies n’a pas joué son rôle, en laissant cette élection présidentielle se tenir dans un pays nettement divisé entre deux forces armées,

2. Ce même Représentant spécial a induit toute la communauté internationale en erreur pour avoir joué le rôle exclusif dévolu au facilitateur, le président Blaise Compaoré, en rendant l’arbitrage d’un différend sans en avoir la compétence ;

3. Le Conseil constitutionnel, après avoir constaté des irrégularités qui ont affecté le résultat d’ensemble, au lieu de proclamer un élu, devrait plutôt prononcer l’annulation de l’élection et le notifier à la Commission électorale indépendante (CEI), qui allait informer le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies et le Représentant spécial du Facilitateur à toutes fins utiles (article 64 nouveau de l’ordonnance n°2008-133 du 14 avril 2008 portant ajustements au Code électoral pour les élections de sortie de crise) ;

4. Aujourd’hui, les mécanismes démocratiques étant décrédibilisés en Côte d’Ivoire, les protagonistes de la crise peuvent être fondés à contester l’indépendance et l’impartialité du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies ou du Conseil constitutionnel selon leur camp. Néanmoins, le président Gbagbo a été inveti par le Conseil constitutionnel qui est la seule institution compétente pour statuer sur l’éligibilité des candidats et les contestations relatives à la présidentielle et pour proclamer les résultats définitifs (article 94 de la Constitution). C’est aussi devant le Conseil constitutionnel réuni en audience solennelle que le président de la République prête serment (article 39 de la Constitution). Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs public, à toute autorité administrative juridictionnelle, militaire et à toute personne physique ou morale (article 98 de la Constitution). Il est à noter que même en France, les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours et elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles (article 62 de la Constitution française).

5. Il appartient à la communauté internationale de se ressaisir en se conformant aux dispositions pertinentes de la charte des Nations unies, de l’Acte constitutif de l’Union africaine, du Traité de la CEDEAO et du Traité de l’UEMOA pour chercher à ramener la paix durable en Côte d’Ivoire. Pour notre part, une solution pacifique de la crise ivoirienne est à portée de main. En 2004 déjà, nous avions adressé une lettre au président du Comité de suivi des accords de Marcoussis pour soutenir une proposition faite par le président Abdoulaye Wade. En cette nouvelle année 2011, nous formulons le voeu que Dieu accorde la paix du coeur et de l’esprit à tous les habitants du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire. Intégrité-Paix-Progrès !

Ouagadougou, le 15 février 2011

Harouna Dicko Président du RPN

Le Pays

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