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Assomption Frédéric Korsaga nommé conseiller à la présidence du Faso : Un œil d’expert sur la situation délicate de la zone UEMOA

Publié le lundi 21 février 2011 à 23h40min

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C’est à l’occasion du conseil des ministres du 18 février 2011 que Assomption Frédéric Korsaga, « économiste-gestionnaire », a été nommé conseiller à la présidence du Faso. C’est le retour sur le devant de la scène politico-économique burkinabè d’une personnalité qui avait marqué les années de la « Révolution » et de la « Rectification ».

Né le 14 août 1951, à Koudougou, Korsaga a fait ses études primaires à Abidjan (école Saint-Jean Bosco) et à Ouagadougou ; c’est encore à Abidjan (au LMT, le Lycée moderne de Treichville) qu’il fera ses études secondaires avant de rejoindre l’université de Dakar (1973-1975) puis l’université de Montpellier (1975-1978). Titulaire d’une maîtrise ès sciences économiques et d’un DES de gestion des entreprises, il va s’orienter vers la finance via un séjour à l’Institut technique de banque (ITB). C’est au sein de la Banque nationale de développement (BND) qu’il débutera sa carrière : chargé d’études, chef de service crédit, sous-directeur du crédit, du recouvrement et du contentieux, directeur régional adjoint à Bobo-Dioulasso.

A 31 ans, il va se retrouver ministre pour la première fois. Il obtient le portefeuille des Transports, de l’Environnement et du Tourisme dans le gouvernement mis en place le 26 novembre 1982 par le médecin-commandant Jean-Baptiste Ouédraogo, président du Conseil du salut du peuple (CSP), qui a pris le pouvoir le 7 novembre précédent, renversant le colonel Saye Zerbo. Période politique confuse en Haute-Volta. Le capitaine Thomas Sankara va occuper le poste de Premier ministre du 19 janvier 1983 au 17 mai 1983 (coup d‘Etat du colonel Yorian Gabriel Somé). Le 4 juin 1983, un nouveau gouvernement est formé ; Korsaga n’en fait plus partie. Deux mois plus tard, le 4 août 1983, Sankara et ses amis s’emparent du pouvoir.

Au lendemain de l’instauration du Conseil national de la Révolution (CNR), Korsaga sera nommé à… Abidjan comme ambassadeur pour la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la Mauritanie, la Guinée, le Mali et le Niger (30 décembre 1983-30 avril 1986). Il aura pour ministre des Affaires étrangères Hama Arba Diallo, un militant venu de l’extrême gauche (PAI-LIPAD), numéro trois (derrière Blaise Compaoré et Jean-Baptiste Lingani) du premier gouvernement formé par Sankara en tant que président du CNR. Arba Diallo (candidat à la présidentielle 2010) cédera la place à Basile Laëtare Guissou, lui aussi un militant venu de l’extrême gauche (ULC), nommé le 31 août 1984 ministre des Relations extérieures et de la Coopération, la Haute-Volta ayant pris la suite du Burkina Faso (Guissou, restera en place jusqu’au 29 août 1986).

Les relations entre Abidjan (où le « Vieux » déteste les « communistes » et craint plus que tout l’expansionnisme libyen de Mouammar Kadhafi) et Ouagadougou sont difficiles et marquées par de nombreux incidents que Korsaga, qui connaît le pays et y possède des connexions familiales, devra atténuer.

De retour à Ouaga, Korsaga sera nommé directeur général de la Caisse nationale de crédit et d’investissements (CNDI) le 2 mars 1987. Peu de temps : le 15 octobre 1987, Compaoré prend le pouvoir et instaure le Front populaire. Dans son premier gouvernement, formé le 31 octobre 1987, il nommera Korsaga ministre du Commerce et de l’Approvisionnement du peuple.

Au lendemain de la « Rectification », Korsaga - que l’on dira proche du Groupe des démocrates et patriotes (GDP) animé par Issa Tiendrébéogo (« soutenir et populariser toutes les actions et décisions du Front populaire contribuant à consolider et à approfondir notre révolution ») - sera en charge de la mise en œuvre de la nouvelle politique commerciale : rassurer les producteurs et garantir à la majorité de la population des prix bas pour tous les produits de première nécessité (riz, hydrocarbures). On doit à Korsaga, également, la tenue effective du premier SIAO, en février 1988. Le 10 septembre 1990, Korsaga passera au Plan et à la Coopération (où il prenait la suite de Pascal Zagré) et le 16 juin 1991 il fera un bond dans l’organigramme : au portefeuille des Finances et du Plan, il est le premier des ministres (Roch-Marc-Christian Kaboré étant promu ministre d’Etat).

« L’ouverture » du gouvernement le 26 juillet 1991 (Hermann Yaméogo y fait son entrée) le repousse quelque peu dans la hiérarchie mais il conserve son portefeuille qu’il abandonnera à Kaboré (avec le titre de ministre d’Etat) le 20 juin 1992. Aux Finances et au Plan, Korsaga aura eu en charge la mise en œuvre du Programme d’ajustement structurel (PAS), finalisé en mars 1991 (le dossier ayant été préparé pendant des années par Zagré), dans toutes ses composantes : déréglementation de l’économie ; réforme fiscale ; réforme des entreprises publiques ; restructuration du secteur bancaire, etc.

Après un bref passage à la présidence du Conseil économique et social (CES), Korsaga sera nommé ambassadeur à Paris (il prend la suite de Serge Théophile Balima) : il présentera ses lettres de créance le 3 février 1993. Dans la capitale française (il a en charge également l’Unesco, le Vatican, l’Espagne, le Portugal…), il va devoir gérer la mort de Félix Houphouët-Boigny qui change la donne sous-régionale, la dévaluation du franc CFA, l’arrivée à l’Elysée de Jacques Chirac, la préparation du Sommet France-Afrique de Ouagadougou, « l’affaire des expulsés algériens de Folembray » (accueillis au Burkina Faso), la reprise des relations diplomatiques avec Taïwan. Il va y promouvoir une « diplomatie de développement » avant de céder l’ambassade à Filippe Savadogo.

En 1996, il quittera Paris pour l’UEMOA, dont le siège est à Ouaga, en tant que commissaire chargé des politiques économiques. Un job sur mesures pour cet économiste qui a eu a mettre en œuvre le PAS burkinabé. L’UEMOA vient alors d’être créée (10 janvier 1994) et la première réunion de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement s’est tenue à Ouaga le 10 mai 1996.

En 1997, la Guinée Bissau rejoint l’ensemble sous-régional dont les priorités sont alors l’adoption du Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité et l’entrée en vigueur du tarif extérieur commun avant que la Côte d’Ivoire, la « locomotive » régionale, ne déraille : coup d’Etat de 1999 ; élection « calamiteuse » de Laurent Gbagbo en 2000 ; tentative de coup d’Etat « foireux » en 2002... Il faudra gérer, aussi, les négociations concernant le gouverneur de la BCEAO dès lors que Charles Konan Banny était nommé premier ministre à Abidjan et la signature, par la Côte d’Ivoire, d’un accord d’étape avec l’Union européenne dans le cadre des APE dont les autres Etats ne veulent pas.

Au sein de la Commission, Korsaga semble faire l’unanimité : « chaleur, originalité, sens critique, bonne humeur, souplesse, fair-play, vivacité, humour, jovialité », seront les qualités qu’attribuera le Malien Soumaïla Cissé, son président, à « Fred », dit aussi « Le Boss ». Mais après dix années passées au sein de l’UEMOA, Korsaga va changer d’horizon. Le 16 mai 2007, il sera le premier Burkinabè à être nommé administrateur de la Banque africaine de développement (BAD). Il quittera Ouaga pour Tunis où il retrouvera une autre « grosse pointure », l’ancien premier ministre Youssouf Ouédraogo.

Le retour de Korsaga à Ouagadougou aux côtés de Compaoré est (pour moi) une surprise. Sauf à penser qu’il serait en « réserve » de la République pour des « missions » top-niveau au titre de l’UEMOA dont le président sortant est partant. Une UEMOA qui se porterait beaucoup mieux si la Côte d’Ivoire se portait moins mal. Or Korsaga maîtrise tout à la fois le continental (BAD), le régional (UEMOA) et le local (Côte d’Ivoire et Burkina Faso) ! Et il n’a que 60 ans.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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