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Avocats burkinabè en conflit : Pensez à l’avenir de votre corporation !

Publié le lundi 21 février 2011 à 00h03min

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Traitée, dans un passé relativement récent, de tous les noms d’oiseaux (corrompue, aux ordres, etc.), la justice burkinabè, malgré les réformes et la construction de quelques établissements ces dernières années, est encore loin d’avoir redoré son blason dans l’opinion nationale. Dans un tel contexte de méfiance réelle des populations vis-à-vis de l’appareil judiciaire, la présente guéguerre entre les auxiliaires de justice, notamment les avocats, ne peut que contribuer à empirer la situation.

A commencer d’abord par celle de la profession des avocats, épargnés jusque-là dans une moindre mesure des critiques du public, du fait essentiellement du bon comportement de certains d’entre eux sur des dossiers politiquement sensibles comme celui de David Ouédraogo ou de la tentative de putsch dans lequel étaient impliqués Ouali et Naon. Ces affaires ont révélé au grand public burkinabè un certain nombre d’avocats, dont Me Bénéwendé Stanislas Sankara, actuel chef de file de l’opposition politique nationale.

Mais, aujourd’hui, avec ce qui se passe dans la famille des hommes en robe noire, c’est peu de dire que tout le crédit de la profession est sérieusement mis à mal. Ce n’est plus un secret pour personne, la mésentente étant portée sur la place publique : les anciens bâtonniers et une coalition de plusieurs dizaines d’avocats exigent à coups de déclaration dans la presse la démission de l’actuel bâtonnier, Issouf Baadhio. Accusé de violation des « principes cardinaux de la profession d’avocat » pendant les festivités marquant les 20 ans du barreau burkinabè, Me Baadhio se voit alors sommé de tenir une assemblée générale avant le 27 février 2011. Faut-il, pour autant parler de crise au sein du barreau burkinabè ?

« Non. Pas de crise, mais juste de fausses querelles », avance l’actuel bâtonnier à sa conférence de presse du 17 février dernier. Soit. Peut-être, que l’on peut, tout au plus, voir dans cette sortie pour la moins étonnante, une volonté de ne pas trop exagérer l’ampleur du blocage. Mais, de là à dire qu’il n’y a pas crise, c’est tout de même nier l’évidence. Parce que l’on ne peut dire que le barreau a toujours fonctionné dans cet environnement délétère. Et si les relations entre les membres du barreau sont devenues exécrables au point que beaucoup réclament la tête du premier responsable, l’on ne peut pas dire que les choses fonctionnent normalement. Il y a donc bel et bien crise.

Mais, là n’est pas le problème parce que les crises jalonnent toujours la vie des organisations qui évoluent, progressent, se développent. La crise, pour les hommes comme les institutions, constitue toujours une opportunité à saisir pour repartir d’un bon pied.
Pour ce faire, il faut commencer par reconnaître la réalité du problème qui survient. En cela, Me Baadhio a quelque peu raté le coche. Bien sûr, admettre l’existence d’une situation fâcheuse ne signifie nullement que l’on en soit seul responsable.

Il est clair que dans un conflit, il est rare, sinon impossible d’avoir raison à 100%, tant est que l’on veut y trouver une solution à l’amiable. Les accusations à l’encontre du bâtonnier sont peut-être fausses, mais il doit savoir raison garder, ne serait-ce que pour pouvoir exercer son mandat dans un environnement apaisé. La vérité en pareilles circonstances, n’est pas une fin en soi. Elle doit être constructive, au service de la profession. Et dans la situation actuelle au sein du barreau, il paraît plus facile pour Me Baadhio de faire profil bas par rapport aux avocats frondeurs, visiblement indignés. Etant en exercice, c’est à lui qu’il revient de savoir se mettre à l’écoute des désidératas de ses collaborateurs.

Bien inspiré, il aurait dû faire l’économie de cette réplique à ses détracteurs qui ne ferait qu’ajouter de l’huile sur le feu : « Le barreau n’est pas une association de quartier ». Dans une réunion à huit clos, une telle déclaration fracassante est admissible. Mais, devant la presse, c’est très imprudent. Dans toute structure sérieuse, il y a toujours des textes régissant le fonctionnement, mais il faut savoir parfois les oublier. Manifestement, le bâtonnier gagnerait, vu les enjeux liés à la réussite de son mandat, à se ressaisir et à rétablir au plus vite les ponts d’avec les confrères plaignants. Parce que si la crise n’est pas résorbée rapidement, il risque bien de ne plus pouvoir travailler sereinement, même s’il réussit à se maintenir à la tête du barreau. Avec ça, quel héritage va-t-il léguer à la postérité ? En tout cas, pas une crise sans fin.

C’est pourquoi, au-delà du bâtonnier et de ses soutiens, tous les membres du barreau doivent œuvrer à la sauvegarde de l’unité entre avocats. On ne le dira jamais assez, la paix n’est jamais l’affaire d’une seule personne. Chacun doit donc savoir mettre du sien en se départissant, au tant que faire se peut, de ses états d’âme et en ne privilégiant que l’intérêt général. De l’Homme on dit généralement qu’il est la raison, mais bien souvent, c’est le sentiment qui le guide. D’où la nécessité, en pareilles circonstances, pour nos défenseurs de la veuve et de l’orphelin, de savoir faire ce difficile travail sur soi et de ne voir que l’avenir de leur profession, indispensable à l’appareil judiciaire et à l’approfondissement de la démocratie burkinabè.

Grégoire B. BAZIE

Lefaso.net

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