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SOCIETE : IMMERSION DANS LE MONDE DES TAXIMEN !

Publié le mardi 15 février 2011 à 01h02min

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Il y a manque de stationnement taxi dans la ville de Ouaga et cela cause d’innombrables problèmes

Le métier de taximan est un métier très difficile à pratiquer au Burkina Faso. Cependant, les professionnels du métier n’entendent pas baisser les bras. Particulier en son genre, il n’est pas forcément besoin d’être instruit pour le pratiquer, il suffit d’avoir le permis et les documents de la voiture en règle, et de régler bien sûr les taxes dues. Au fil du temps, ce métier s’est beaucoup généralisé et permet à plusieurs personnes d’assurer les besoins quotidiens de la famille. Pour mieux comprendre les difficultés auxquelles sont confrontés ces hommes qui passent la majeure partie de leur vie au volant, nous sommes allés à leur rencontre le jeudi 10 février 2011 dans une de leur aire de stationnement, il s’agit de la gare Est du grand marché, Rood Wooko.

L’histoire du taxi est par « essence » liée à l’automobile mais l’origine du taxi remonte au fiacre (voiture hippomobile) et plus loin encore aux chaises à porteurs.

La naissance de l’automobile coïncide avec l’essor de l’ère industrielle de la fin du 19éme siècle. A cette époque, il y avait un foisonnement d’idées, de technologies nouvelles, de perspectives différentes et dans ce bouillonnement technique mais aussi social le monde du taxi s’esquisse petit à petit, embryonnaire, voire incertain de son avenir…

Les premiers taxis sont électriques (le pétrole étant relégué au second plan !), on croise donc des « fiacres électriques » à Paris en 1898. Qu’en est-il du monde des taxis en Burkina en 2011 ? On résumerait le topo en situations souvent pénibles, altercations désastreuses avec la police, désaccords avec certains citoyens...

Une structuration pour coordonner les activités

Pour mieux comprendre ce qui se passe, nous sommes allés au siège du Syndicat des taximen. Il n’y avait pas foule et pour cause ! Le secrétaire nous dira que les responsables sont en séminaire. Dans le local qui fait office de siège du syndicat, coté Est du square Naaba Koom, on trouve plein d’objets oubliés par des usagers que les taximen ont rapportés. Nous avons eu droit à un accueil chaleureux mais il n’y avait personne pour répondre à nos questions. La seule note de satisfaction, c’était de constater que les objets et autres colis oubliés dans les taxis pouvaient être retrouvés au syndicat : donc, contrairement à la mauvaise réputation qu’on fait des taximen, on relève qu’ils sont nombreux à être honnêtes. Il nous fallait donc trouver le moyen d’avoir des réponses. Nous nous sommes déportés alors sur l’aire de stationnement des taxis côté Est de l’espace Zaka au centre ville.

Dabré Abraham le responsable des taximen de la gare

Le responsable des taximen Dabré Abraham, avec une lucidité exemplaire, répondra à nos questions entouré de quelques taximen qui attendaient leur tour dans la file d’attente. Pour ce monsieur qui manie assez bien la langue de Molière, la situation est la suivante : « Le marché du taxi n’est pas très florissant actuellement, nous avons peu de clients par jour, sans compter que nous faisons des distances assez longues à des prix très dérisoires. Le prix pour un déplacement fait normalement 200 fcfa par personne et 1000 fcfa ou plus si la destination du client n’est pas sur notre ligne (NDLR : à Ouaga les taxis se sont organisés comme les bus de la SOTRACO.

Ils desservent la capitale par ligne. A Bobo, c’est tout à fait différent parce que vous pouvez aller où vous voulez moyennant 300 FCFA). Et très souvent les problèmes viennent de là entre le taximan et le client. Ce dernier n’est pas en mesure de comprendre l’augmentation par rapport à la destination voulue. Le prix de la course étant de 200 FCFA par personne, les clients refusent de payer plus si l’on change de ligne. Pourtant, nous n’avons pas le choix, le prix du carburant a considérablement augmenté et il nous est interdit de faire de la surcharge pour boucher la manque à gagner à travers la fixation du prix. Quand nous prenons quatre personnes à l’arrière de la voiture, nous sommes arrêtés par la police ».

Taximan, un métier difficile

Awa Zongo, la femme qui avait oublié ses bagages dans un taxi et qui les a retrouvé une semaine après

Dabré Abraham est convaincu que la surcharge a des risques mais il trouve que ça pénalise les taximen : « Il n’est pas permis de prendre plus de 5 passagers en une seule fois pour la même ligne, c’est vraiment déconcertant. Ce n’est pas un métier qui permet de s’enrichir ; on le fait juste pour subvenir aux besoins minimums car nous n’avons pas autre métier ». Pendant qu’il se confiait à nous, les autres taximen acquiesçaient tous. Il nous sera expliqué par ailleurs qu’il y a beaucoup de violences verbales de la part de certains usagers de la route ou de quelques passagers. D’aucuns les accusent d’être des mauvais conducteurs et d’être à la base des multitudes accidents de la circulation. Pour les taximen, les accidents occasionnés ne sont pas forcément pas de leurs fautes mais plutôt de celles de clients qui ne savent pas
exactement à quel moment signaler aux taximen un changement de voie ce qui ne leur permet pas de clignoter à temps ; ou alors, des clients demandent brusquent un arrêt ; cela comporte des risques de bousculer les autres usagers de la route.

Les clients devraient aussi signaler leur volonté d’emprunter le taxi à au moins 50 ou 100 m ; quand ce n’est pas le cas c’est très difficile de ralentir et de se garer sans perturber la circulation. « Il faut aussi que les usagers de la route comprennent que le taxi est une voiture qui s’arrête à tout moment, d’ailleurs, nous payons des taxes pour cela, ils doivent donc maintenir une certaine distance entre eux et les taximen et être très vigilants face à nos signaux ou aux clignotants », ajoutera Dabré le responsable des taximen de l’aire de stationnement des taxis.

Cependant, il reconnaît aussi la responsabilité de certains conducteurs de taxi, qui ne font vraiment pas attention aux autres avant de s’arrêter net à la sollicitation d’un client. Ceux-ci sont pressés de se garer pour ne pas se faire devancer par quelqu’un d’autre. Il faut reconnaître que tout cela est aussi dû à la pauvreté. A la question de savoir pourquoi certains taximen se transforment en délinquant et commettent des vols et des viols, Dabré et son collègue Compaoré Joseph s’en défendront vaillamment : « Il y a des gens qui deviennent taximen dans le seul but de mieux arnaquer la population. En réalité, ils salissent le nom de ceux qui en ont fait en réalité leur métier. Tout comme les autres métiers, il faut être passionné et vouloir vraiment rendre service à la population. Quand un jeune embrasse ce métier par contrainte, ce n’est pas très surprenant de le voir utiliser son statut pour faire du mal.

C’est pour cela d’ailleurs que nous exhortons les autorités, la police ou la gendarmerie de bien vérifier tout les papiers du véhicule ainsi que du conducteur une fois interpellé, afin de s’assurer que tout est en ordre et que ce dernier est vraiment taximan. Normalement, tout conducteur de taxi doit avoir une carte de membre qui prouve qu’il est taximan. Et pourtant le contrôle avec la police n’est pas souvent fait correctement. Il suffit qu’un taximan leur propose 1000 ou 2000 fcfa et leur promette de se mettre à jour vis-à-vis des documents et on le laisse passer ». C’est ce contrôle qui devrait permettre de faire la différence entre le vrai et le faux taximan. Il n’y a pas de raison qu’un bon taximan ne remplisse pas toutes ces conditions, c’est-à-dire être muni d’une assurance, d’un permis de conduire, des papiers de la visite technique et de sa carte de taximan.

L’exemple venu de Sya

Pour eux, si le problème de faux taximan se pose, c’est parce qu’il n’y a pas de loi qui interdit à quelqu’un d’exercer le métier. Chacun est libre de se lancer dans le métier sans passer par le syndicat des taximen. En tout cas, c’est le cas à Ouagadougou. Quelqu’un peut se lever un beau jour peindre sa voiture en couleur verte et se faire passer pour un taximan comme par magie. Par contre, à Bobo, ce n’est pas le cas. Pour intégrer la profession dans la ville de Sya, il faut absolument l’accord du syndicat qui met à la disposition du propriétaire du véhicule tous les documents et même souvent le chauffeur.

Concernant les objets oubliés dans les taxis, Mr Compaoré Joseph laissera entendre que pour les récupérer, il faut se rendre au siège de leur syndicat. Il nous fera savoir que beaucoup de clients oublient des colis dans les taxis mais ils finissent par les retrouver parce que les taximen sont honnêtes. Et comme pour confirmer ces dires, deux clientes ont bien voulu en témoigner. Il s’agit de Awa Dalla et de Awa Zongo qui ont oublié quelques des bagages dans le coffre d’un taxi depuis deux semaines. Et grâce à l’honnêteté du taximan qui les avait convoyées à leur destination, les deux dames sont rentrées en possession de leur bien. Toutes joyeuses, elles n’ont pas manqué de remercier le taximan pour son honnêteté.

Dans le registre des recommandations

Ces taximen, qui sont convaincus qu’ils font œuvre d’utilité publique, ne comprennent pas pourquoi souvent les autorités ne les aident pas. Ils souhaitent vivement un grand changement dans l’exercice de leur métier. Ils invitent les autorités à bien vouloir rendre facile l’exercice de leur travail en leur octroyant des aires de stationnement pour taxis. Celles qui existent déjà sont très insuffisantes. Mais surtout, il faut que la taxe de développement communal (TDC) soit revue à la baisse pour leur permettre de gagner mieux leurs vies.

Par ailleurs, ils dénoncent la brutalité et la barbarie de la Police quand un des leurs est mis aux arrêts pour un délit quelconque. Souvent des innocents se font tabasser par la police pour des actes qu’ils n’ont pas commis. Ces derniers ne prennent pas le temps de bien mener leurs enquêtes. Beaucoup de taximen se sont fait tuer à cause de cette négligence et à travers des bavures. Il faut savoir que tous les vols commis dans les taxis ne sont pas fait par le taximan lui-même, souvent c’est entre clients. Mais par contre les taximen sont unanime quand il s’agit de la gendarmerie. Pour ceux-ci les gendarmes savent respecter les droits des citoyens, et Dabré de dire : « Quand c’est à la gendarmerie, nous nous sentons comme chez nous. Les gendarmes s’occupent de nous avec respect et ils prennent leur temps pour enquêter. Ils posent des questions et ils nous traitent bien. Voyez ! Dans ces conditions, ils obtiennent ce qu’ils veulent rapidement parce que le taximan est rassuré et bien traité. La police surtout celle de Wemtenga est très brutale. Avant même de faire des enquêtes, elle frappe, torture alors que souvent le taximan n’a rien fait. »

Pour mettre en confiance les autorités et la clientèle, le syndicat est en discussion avec la mairie afin de mettre à jour des tickets numérotés qui seront mis en évidence sur les taxis. Comme ça disent-ils, les clients pourront relever le numéro du taxi s’il y a un problème quelconque. Ces tickets numérotés devraient être collés sur le pare-brise. Une belle initiative si le projet voit le jour.

Rama D.A.O

San Finna

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