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Cameroun : Peu d’inscrits et encore moins d’électeurs pour la présidentielle

Publié le jeudi 23 septembre 2004 à 06h36min

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A moins d’un mois des présidentielles, près d’un Camerounais sur deux n’est pas inscrit sur les listes et personne n’a encore reçu de carte électorale. Des conditions qui, d’après les observateurs des précédents scrutins, sont de nature à fausser les résultats.

L’élection présidentielle camerounaise aura lieu le 11 octobre prochain. La nouvelle a été annoncée le 11 septembre par décret présidentiel. Le sentiment général qui prévaut au sein des partis politiques de l’opposition, des observateurs nationaux indépendants et d’une large frange de la population est celui d’une impréparation. La convocation des électeurs met fin aux inscriptions sur les listes électorales alors que, début septembre, l’Observatoire national des élections (Onel) estimait à seulement 4,3 millions le nombre de Camerounais inscrits soit la moitié de l’électorat potentiel. Dans le meilleur des cas, les personnes inscrites ne recevront leur carte d’électeur qu’à 15 jours du scrutin. Il sera alors trop tard pour d’éventuelles contestations.

En début d’année, le gouvernement avait décidé de refondre les listes électorales et d’annuler les anciennes cartes. Pour voter, toute personne âgée d’au moins 20 ans devait s’inscrire sur la nouvelle liste. Mais, les Camerounais ont pour la plupart traîné, malgré les rappels des partis politiques et du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation (Minatd), organisateur des élections. Anicet Ekané, opposant et candidat déclaré à la prochaine présidentielle, explique cette attitude : "Si les électeurs ne sont pas motivés à aller s’inscrire, la faute en incombe au pouvoir qui depuis 1990 a décrédibilisé le processus électoral et les résultats des élections par des fraudes massives".

Dans son rapport présenté après les élections législatives et municipales de juin 2002, l’Onel, une structure dont les membres sont nommés par le chef de l’Etat pour superviser et contrôler les élections, relevait que les électeurs considèrent les autorités administratives comme partisanes (....) et que certains fonctionnaires carriéristes sont convaincus que leur salut passe par la manipulation des résultats dans leur circonscription". Il dénonçait également les diverses pressions de certaines élites sur les populations locales pour fausser le processus électoral.

Un électorat démobilisé

Maître Jean de Dieu Momo, avocat à Douala et responsable d’une ONG de défense des Droits de l’homme, est de ceux que les précédents scrutins ont découragés : "Je ne suis pas inscrit, simplement parce que j’estime que nous ne sommes pas dans un pays qui respecte les principes démocratiques. Alors, pourquoi me déranger pour une élection dont le résultat est connu d’avance ?" Dans son rapport sur les élections de 2002, Transparency international-Cameroun pointe elle aussi plusieurs défaillances : les inscriptions multiples sur les listes électorales, la délivrance de plusieurs cartes d’électeurs à certains citoyens et, dans certains cas, des inscriptions sélectives avec en prime l’exclusion des militants et sympathisants - vrais ou supposés - de l’opposition".

Pour cette ONG, ’’l’exclusion de millions de citoyens en âge de voter par des artifices divers (...), la très forte mainmise de l’administration sur le processus électoral et l’existence d’un cadre électoral non susceptible de garantir l’équité" ont conduit à la "démobilisation de l’électorat devenu fortement suspicieux et ne croyant plus aux élections comme moyen d’alternance et de pacification du jeu politique". Pour le prochain scrutin, aucun récépissé n’ayant été remis aux électeurs, lors de leur inscription, Anicet Ekané prévoit au moment de la distribution "un désordre qui est la porte ouverte à la fraude".

Dans son rapport d’observation des élections de 2002, l’ONG catholique Service "Justice et paix" suggérait déjà que les cartes électorales soient établies au fur et à mesure des inscriptions et remises progressivement à leurs titulaires. Cela pour éviter que cette fois encore de nombreux électeurs ne puissent voter faute de carte " il y a deux ans, dans certaines circonscriptions, le nombre de personnes inscrites n’ayant pas reçu leur carte s’était élevé à 60 %’’.

Transparence des urnes

Transparency-Cameroun, l’Onel et des organisations de la société civile avaient également suggéré l’informatisation des listes électorales. Une mesure réclamée au cours des mois derniers par la coalition des partis politiques de l’opposition lors des marches de protestation presque toujours réprimées par la police Il y a quelques années, l’Organisation des Nations unies avait promis de financer l’informatisation du fichier électoral si l’Etat camerounais en faisait la demande.

Estimant qu’une telle opération demande beaucoup de temps et de moyens, le gouvernement a promis d’y donner suite, mais après l’élection présidentielle. Le gouvernement n’a finalement cédé que sur une seule revendication de l’opposition et des observateurs : l’utilisation d’urnes transparentes, dons du Japon, de la Grande-Bretagne et du Canada. D’autant plus que le président Biya, au pouvoir depuis 1982, est candidat à sa propre réelection.

Charles Nforgang et Etienne Tassé
(SYFIA)
Sidwaya

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