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TUNISIE - EGYPTE : Ces armées à l’écoute des peuples

Publié le lundi 14 février 2011 à 01h16min

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Après Ben Ali de Tunisie, le "pharaon" Moubarak a, lui aussi, fini par fuir son palais du Caire en confiant le pouvoir aux militaires. Espérons donc que ces derniers tiennent parole, tout comme ils ont su s’aligner derrière le peuple dans ses légitimes revendications. Cette conduite de la "Grande Muette", est en soi une révolution dans une Afrique où, les oligarchies militaires dictent toujours leur loi. De manière ouverte ou discrète.

C’est peu dire que l’armée a joué un rôle déterminant dans les soulèvements populaires ayant conduit à la déconfiture puis à la chute des régimes tunisien et égyptien. Force est de reconnaître aux deux armées, le mérite d’avoir contribué à l’évolution du processus devant conduire à plus de liberté, de démocratie et de justice sociale. L’armée n’est pas, et ne peut évoluer en dehors du peuple. Encore moins contre le peuple. Elle doit en être l’émanation. Aussi, ces hommes en uniforme qui, quotidiennement, brutalisent leurs propres concitoyens, violent femmes et jeunes filles, tirent à balles réelles sur des foules désarmées, seront identifiés et dénoncés par voie d’Internet.

Incarcérés tôt ou tard, ils pourraient répondre de leurs actes devant la justice internationale, pour n’avoir pas compris les cris de détresse de leurs frères et soeurs assoiffés et affamés par des pouvoirs tyranniques. En Tunisie et en Egypte, les hommes en uniforme ont longtemps été associés au pouvoir qui a tôt fait de les caresser dans le sens du poil. Ces derniers temps, face aux excès de toutes natures, le choix était devenu clair pour tous.

Il leur fallait faire le choix d’une véritable armée républicaine : prendre fait et cause pour le peuple qui exprime son ras-le-bol au monde entier. Dans ce sens et sans chercher à faire l’apologie de l’irruption de l’armée sur la scène politique, il faut saluer le pacifisme et la droiture de ces militaires tunisiens et égyptiens. Ils ont honoré leur uniforme, ennobli les couleurs nationales, et réhabilité les principes républicains en répondant présents à l’appel du peuple excédé.

L’Afrique sub-saharienne a connu une sortie plus ou moins semblable lorsque l’armée nigérienne a donné une impulsion nouvelle au mouvement démocratique en libérant le pays du joug de Tandja et de ses sbires du Tazartché. Aujourd’hui, le Niger paraît en bien meilleure posture. On ne le clamera jamais assez : l’Afrique sub-saharienne est fatiguée de ces régnants à vie, incapables de compassion, spécialistes de tours de passe - passe constitutionnels qui consacrent le pillage éhonté de la richesse nationale. Qu’ils soient militaires ou civils, financiers ou autres, les oligarques qui se partagent le butin sur le continent, n’ont aucunement pitié des autres.

La frugalité avec laquelle ils dévorent les deniers publics, les pousse continuellement à fermer les yeux sur la misère des peuples. Bien souvent, dans le silence coupable des…partenaires techniques et financiers. Mais, de plus en plus, les consciences se libèrent en Occident. Les pouvoirs en place qui s’acoquinent avec les dictatures des républiques bananières, sont ouvertement décriés. Des procès s’ouvrent, car la société civile a appris à s’organiser et à se battre à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières, parfois, avec l’appui de la diaspora. Le mouvement entamé à Tunis et reproduit au Caire, s’arrêtera-t-il ? Pas si sûr ! Les monarchies du Golfe devront elles aussi revoir leurs copies.

Les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, l’Afrique sub-saharienne devra s’attendre à vivre ses révolutions. Car, en luttant comme ils l’ont fait, les peuples tunisien et égyptien ont enrichi la méthodologie des luttes populaires. Ils ont confirmé que rien ne peut arrêter la détermination d’un peuple résolu à prendre son destin en main.

Sur le continent, les ingrédients de la révolte sont partout présents : dégradation de la situation socio-économique, vie chère, compressions abusives suite à des privatisations sauvages et scandaleuses, chômage endémique surtout au niveau des jeunes, concurrence déloyale sur fond de clientélisme, corruption généralisée, enrichissement illicite, répression, absence de liberté, d’alternance et de perspective sur tous les plans. Le continent est malade. Dans la plupart des cas, les dirigeants africains sont parvenus à contourner les engagements de La Baule. En effet, la mauvaise foi de certaines élites les aura conduits à tourner le dos aux principes élémentaires de la gouvernance démocratique. Aussi ne faudra-t-il pas s’étonner de voir les despotes africains tenter de résister à la bourrasque !

C’est que, dans plusieurs pays africains, la justice et les armées sont aux ordres. Le péril ethnique et l’analphabétisme aidant, des unités spéciales ont été créées rien que pour servir de rempart aux dirigeants. Sauf que les points faibles se situent toujours aux endroits les plus insoupçonnés ! D’où la nécessité de toujours garder le cap sur les intérêts du peuple, et de ne jamais se satisfaire de la réponse qu’on donne à la demande sociale. Petite leçon à tirer de la conduite des Occidentaux : ils ont laissé faire jusqu’à ce que les peuples tunisien et égyptien décident eux-mêmes de sceller le sort de ceux qui les opprimaient.

Les Français, toujours à contre-courant, ont tenté de faire le double jeu. S’étant ravisés trop tard, ils en paieront le prix. L’Amérique d’Obama, elle, a su prendre les devants en faveur des peuples en révolte. Elle en récoltera des dividendes à l’heure de la reconstruction. Hier héros, Moubarak aura donc connu une fin inattendue. Il paie pour avoir ignoré l’alternance au pouvoir. Un déshonneur qui attend tous ceux qui s’accrochent au pouvoir, insatiables au point d’en perdre la raison et cela, à force de compter sur l’armée. Or, comme d’autres composantes du corps social, les armées africaines sont en mutation. Et autant, il y a une aspiration universelle à la démocratie, autant les soldats africains rechignent progressivement à servir de faire-valoir à des dictatures qui ne disent pas leur nom.

"Le Pays"

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