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Pouvoir à vie : Si les réformes n’étaient qu’un faux-rhum ?!

Publié le vendredi 11 février 2011 à 01h10min

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Lorsque le dernier cabinet du pasteur Testicus a accouché d’un ministère d’Etat chargé des réformes politiques, des langues qualifiées de trop pendantes ont vite fait d’y voir la clé destinée à déverrouiller la limitation du mandat présidentiel telle que dispose la Loi fondamentale en vigueur. Le Bobognessan barbu à qui a échu le maroquin a vite été taxé de médecin chargé d’administrer la pilule de l’article 37. En guise de réponse à cette levée de boucliers que le Premier ministre considérait comme prématurée, celui-ci a même qualifié l’attitude des frondeurs de « courte vue de l’esprit ».

Mais les effluves de jasmin qui inondent le Maghreb de son parfum de révolution et de révolte n’ont-elles pas rendu les réformes dégoûtantes face à la colère de la rue ? Des réformes peuvent-elles lifter un régime déjà vieux de près de 25 ans ? Telle est la gymnastique politique à laquelle le gouvernement semble vouloir s’essayer tout en voulant « faire du Burkina Faso un pays émergent ». La trouvaille ne manque pas de charme. Du moins, tant qu’on reste dans le cadre étriqué d’un processus de développement sociopolitique qui évite soigneusement de parler d’alternance au sommet de l’Etat.

Or, c’est justement l’enfermement dans ce schéma de pensée et d’action politique qui est susceptible d’apporter de l’eau au moulin qui a mis la rue en une ébullition renversante en Tunisie, en Egypte, en Algérie, pour ne s’arrêter qu’aux pays d’Afrique du Nord.

Comparaison n’est pas raison. Les réalités du « monde arabe » ne sont pas celles de l’Afrique subsaharienne. Soit. Mais, il est peut-être instructif de savoir que c’est pour avoir voulu régner sans fin sur une Tunisie qui mourait de faim et d’absence de liberté, que Zine el-Abidine Ben Ali a été balayé du pouvoir. Seulement 23 jours de révolte populaire ont suffi pour le déboulonner d’un fauteuil auquel il semblait solidement vissé depuis... 23 ans. En Egypte (presque) voisine, le vent de liberté continue de mettre le régime trentenaire d’Hosni Moubarak à rude épreuve depuis quelques jours déjà. Poussé dans ses derniers retranchements, le raïs concède à renoncer à l’élection présidentielle qui se profile en septembre prochain.

Il a même nommé un Premier ministre qui a formé un nouveau gouvernement, mais cela n’a pas encore suffi pour calmer la colère de la rue.

Sentant la mauvaise odeur de la contagion, Abdelaziz Bouteflika tente d’avaliser des réformes qu’il avait pourtant balayées d’un revers de la main quelques semaines plus tôt. Mais les mutations politiques qu’il s’empresse de lancer aujourd’hui ne se révèlent-elles pas finalement un faux-rhum que le peuple refusera de boire ?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que toutes les réformes intéressées, qui se déroulent de surcroît dans l’urgence, apparaissent comme un palliatif momentané et dérisoire, voire un attrape-nigaud. Les réformes qui se décrètent sécrètent nécessairement des germes de suspicion parce qu’elles peuvent apparaître minimalistes ou maximalistes, trop osées ou pas du tout à la hauteur des attentes.
Pour relire le cas burkinabè à la lumière de la révolution de jasmin qui met les régimes maghrébins à rude épreuve, force est de constater que la longévité au pouvoir constitue ici un point commun qui saute aux yeux.

En plus, la stabilité politique qui faisait jadis la renommée et/ou la réputation des pouvoirs de Zine el-Abidine Ben Ali et d’Hosni Moubarak aux yeux des Occidentaux peut être aussi valable pour le Blaiso national qui peut se prévaloir désormais du titre de doyen de la sous-région ouest-africaine. Mais personne ne se méprend. La « stabilité politique » n’est pas synonyme de bonne santé ni de viabilité démocratique ou simplement des institutions. Là encore, la « révolution de jasmin » a démontré qu’il ne suffit pas d’avoir un président fort mais des institutions fortes et des cadres politiques qui se renouvellent par un mouvement adopté de commun accord avec toute la classe politique et la société civile.

Autrement, il suffit d’un clash pour que tout le système, bâti autour d’un seul homme aussi puissant soit-il, s’écroule comme un château de cartes.
Ainsi, si des réformes bien ficelées devraient prendre en compte des questions économiques, notamment de la distribution équitable des fruits de la croissance, elles ne sauraient négliger des aspects non moins importants comme la garantie de la justice sociale, des libertés politiques et aussi -et surtout- de l’alternance. Malheureusement, c’est sur ce dernier aspect que le bât blesse aussi bien au Maghreb qu’en Afrique au sud du Sahara, à l’exception de quelques pays comme le Ghana, le Bénin, le Mali pour ne citer que les voisins du Burkina.

Or, aussi longtemps que les réformes seront synonymes d’un lifting qui touche à tout sauf au raïs, au timonier national, au « père de la nation » ou au « propriétaire de tous les dossiers », le faux-rhum ne passera pas. Il suffira d’une étincelle -d’immolation par le feu-, ou d’autre chose par rapport auquel chaque peuple a son degré de tolérance, pour mettre fin à l’ordre artificiel.

F. Quophy

Journal du Jeudi

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Vos commentaires

  • Le 11 février 2011 à 02:21 En réponse à : Pouvoir à vie : Si les réformes n’étaient qu’un faux-rhum ?!

    BEL ARTICLE ET J’INVITE LES AUTORITES DU BURKINA A PRENDRE CONSCIENCE DU NIVEAU POLITIQUE ELEVE DE LA JEUNESSE AU BURKINA ET QUI N’ACCEPTERA PAS SUREMENT CE QUE LEURS GGRANDS FRERES ONT TOUJOURS ACCEPTE.NOUS CROYONS TOUJOURS ETRE A L’ABRI DE TOUTESQ CES REVOLUTIONS QUI DEFRAYENT LA CHRONIQUE DANS LES PAYS DU MAGRED JUSQU AU JOUR OU............
    A BON ENTENDEUR SALUT.

  • Le 11 février 2011 à 09:20, par DSK En réponse à : Pouvoir à vie : Si les réformes n’étaient qu’un faux-rhum ?!

    Très bon articles

  • Le 11 février 2011 à 16:26, par Le messager En réponse à : Pouvoir à vie : Si les réformes n’étaient qu’un faux-rhum ?!

    Bien vu ! La compaorose sera grandement surprise un jour. Car, ne dit on pas que "Seules les montagnes ne se croisent pas ?". Qu’il nous fout la paix avec ses histoires de réformes politiques. Ce que le vrai peuple veut, en particulier la jeunesse burkinabè, c’est l’alternance. Oui, l’alternance politique car le blaiso n’est pas et ne sera jamais le plus intelligent, ni le plus visionnaire des Burkinabè. A ta ka boéi !!!!!

  • Le 11 février 2011 à 17:44, par Koutou Moctar En réponse à : Pouvoir à vie : Si les réformes n’étaient qu’un faux-rhum ?!

    Très belle analyse. Au BF l’entourage du chef de l’État va sans doute fermer les yeux sur ce vent qui souffle sur le Maghreb. Je les vois arguer que les "réalités sociologiques ne sont pas les mêmes". Or tôt ou tard, les mêmes causes produisent les mêmes effets et personne n’a encore pu demonter ce postulat. On ne peut pas prétendre être le seul capable de gouverner un pays. Ça finira toujours mal, tôt ou tard. Et c’est dommage de croire que ça n’arrive qu’aux autres.

  • Le 12 février 2011 à 03:35, par VYB etudiant Burkinabe a New York, U S A En réponse à : Pouvoir à vie : Si les réformes n’étaient qu’un faux-rhum ?!

    Bravo aux peuples des pays de Tunisie et d’Egyte ! Toutes mes felicitations pour votre courage, vigilance, intelligeance et victoire ! Que le bon Dieu transporte votre example au Burkina d’abord et dans les pays d’Afrique noire ou les dictateurs utilisent la masque de la democratie pour s’eterniser au pouvoir ! Je sais qu’au Faso. la garde presidentielle a terrorise notre peuple, le fait aujourd’hui d’une autre maniere et pense continuer a le faire demain ; mais je vous previens que toute chose a une fin. Jeunesse du Burkina, vaillant peuple du Faso, il est temps que nous prenions notre courage comme nos aines l’ont deja fait en 1966 pour sauver notre pays de ce dictateur criminel qui pense modifier la constitution par le biai de son nouvau ministre d’etat et des reformes politiques. Personne ne viendra liberer notre pays, c’est a nous de le faire. La lecon que les peuples du maghreb Arabe nous enseigne est la suivante : "Quand le peuple se met debout, le dictateur tombe !" Alors peuple du Burkina Faso, la balle est dans ton camp !

  • Le 12 février 2011 à 10:35, par Omar Konaté En réponse à : Pouvoir à vie : Si les réformes n’étaient qu’un faux-rhum ?!

    Excellent article en effet, je reste tout de même dubitatif sur la question de l’alternance politique.

    Alterner les partis au pouvoir n’a pas pour unique vocation d’amener un changement positif. Par ailleurs bien que défendant des principes démocratiques et n’étant pas membre actif ou dormant du parti au pouvoir, je ne suis pas convaincu que le Grand Peuple Burkinabé soit près à l’alternance politique dans sa majorité.

    Les raisons qui ont menées à ces révolutions voient leurs sources ailleurs que dans l’alternance. Les jeunes n’avaient pas d’emploi et les richesses étaient de moins en moins bien distribuées.

    Par ailleurs, leur haine s’est évidemment cristallisée sur la seule "personne" qui incarnait le pouvoir.

    Une alternance politique mal ficelée n’aurait fait que retarder l’inévitable si rien n’avait changé...

    La clef de la stabilité à long terme, c’est la croissance et la redistribution de ses fruits. Tant que le parti au pouvoir aura la capacité de produire de la croissance et de s’assurer que ses fruits son équitablement distribués, il pourra se maintenir.

    Attention donc aux interprétations hâtives que nous faisons de l’analyse d’une crise et à la poudre aux yeux que nous lance les sociétés dites "démocratiques". Je préfère un Chef qui me permettra de m’épanouir, de me développer, d’assurer ma sécurité et ma santé plutôt qu’une multitude de chefs qui au mieux ne me permettrons que d’avoir de l’espoir sans jamais réussir à réaliser mes attentes.

    Une véritable démocratie peut revêtir plusieurs formes, mais ses effets doivent rester les mêmes.

    Omar Konaté

    • Le 13 février 2011 à 16:32, par NA TOGSEB ZANGA En réponse à : Pouvoir à vie : Si les réformes n’étaient qu’un faux-rhum ?!

      BLAISE EST LOIN D’ETRE LE SEUL A POUVOIR APPORTER DE LA CROISSANCE AU BURKINA. A MOINS QUE POUR VOUS, LA VRAIE CROISSANCE C’EST SEULEMENT CELLE QUI VOUS PERMET DE CONTINUER A VOUS ENGRAISSER AU DETRIMENT DE LA GRANDE MASSE.

      MERCI, MONSIEUR OMAR KONATE, NOUS AVONS DEJA DONNé...

      • Le 14 février 2011 à 19:41 En réponse à : Pouvoir à vie : Si les réformes n’étaient qu’un faux-rhum ?!

        Bonjour Monsieur,

        Merci pour votre commentaire. Mon point de vue ne vise pas à soutenir une personne en particulier, ni un parti, ni un gouvernement.

        Je souhaite simplement mettre en avant le fait que si TOUT le peuple est en mesure de "s’engraisser" alors oui.

        L’objectif est pour moi l’intérêt de la nation. L’État et les personnes qui le compose doivent travailler à ce que chaque citoyen de chaque village du Burkina Faso ait à manger, ait un toit et reçoive une éducation.

        Blaise, Le Lion, Bénéwendé et vous même êtes en mesure de contribuer à cela mais probablement dans des mesures différentes. Mais si vous par la force de votre travail arrivez à bien gagner votre vie, l’Etat doit veiller à protéger les fruits de votre travail.

        Dans 50 ans, la Chine sera la 1ere puissance économique, culturelle, politique et militaire du monde. Elle est dirigée par un parti unique mais part des personnes différentes. Mais tous les chinois ont un objectif unique, l’intérêt de la Chine dans les plus grandes villes comme dans les villages les plus reculés. C’est de ça dont je parle...

        Merci encore pour vos commentaires, et partagés vos solutions et propositions pour l’amélioration des conditions de vie du Grand Peuple du Burkina Faso.

        Que Dieu vous bénisse,

        Omar Konaté

  • Le 12 février 2011 à 13:19, par Bala W. Sanou En réponse à : Pouvoir à vie : Si les réformes n’étaient qu’un faux-rhum ?!

    Merci pour cette analyse !
    J’ai juste une question qui se pose à moi depuis fort longtemps. Je la partage : que signifie la stabilité ?

    Bien à tous

    • Le 14 février 2011 à 19:55, par Omar Konaté En réponse à : Pouvoir à vie : Si les réformes n’étaient qu’un faux-rhum ?!

      Bonjour Bala,

      je te propose cette définition de la stabilité.

      Au niveau individuel, lorsque chaque matin tu te lèves, que tu sais que tu va travailler, que tu auras à manger,qu’en allant au travail tu ne cours aucun risque, qu’en rentrant le soir du travail, tu ne cours aucun risque, que tu peux t’exprimer sans crainte de représailles, que tu peux contribuer au développement de ton pays, que tu peux rêver et réaliser tes rêves, que tes enfants reçoivent une bonne éducation et que celle ci puisse leur profiter.

      Au niveau national je dirais que c’est la même chose pour la majorité de la population...

      Voici ma modeste contribution..

      Omar Konaté

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