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Sud-Soudan : L’indépendance… Et après ?

Publié le mercredi 9 février 2011 à 01h30min

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Facile. Comme une lettre à la poste, l’indépendance du Sud- Soudan a été votée à plus de 98 % par une population qui avait plus que hâte d’accéder enfin à une autonomie à laquelle elle aura tant rêvé, de longues années durant, et qui, subitement, se présente presque à portée de main, grâce à la bonne application du processus de paix signé en 2005 dans le but de mettre fin aux nombreuses années de guerre civile ayant ravagé le Soudan entier depuis les premiers moments de son indépendance.

A vrai dire, personne ne doutait vraiment de l’issue de ce référendum, qui, de fait, se révéla être un quasi-plébiscite. On se demandait plutôt comment le pouvoir central soudanais, patronné par Omar El-Béchir, en dépit des gages de bonne volonté ainsi que des promesses faites, accueillerait le résultat du vote. Mais même là, il n’y eut pas d’anicroche.

Ce fut le président soudanais himself qui annonça officiellement la reconnaissance par son gouvernement de la naissance du nouvel Etat au sud de sa frontière. On semble alors avoir définitivement tourné la page des années de guerres sanglantes et on se prend aujourd’hui à penser que l’on a beaucoup tremblé, presque pour rien. Et c’est tant mieux ainsi. Pour une des rares fois qu’en terre africaine, un conflit de cette dimension s’achève pacifiquement, on ne peut que légitimement applaudir des deux mains.

Mais à présent, pour le nouvel Etat naissant, commence l’ère de tous les défis. Ils sont une pléthore. Le Sud-Soudan, qui est en passe de se présenter comme le 193e Etat de notre planète accède à l’indépendance au moment même où une bonne cohorte de pays africains vient de fêter le cinquantenaire de leur accession à la souveraineté nationale. Avec le bilan mi-figue mi-raison que l’on connaît. A supposer que le nouveau-né choisisse de faire plus et mieux que ses devanciers, il lui faudra sans doute s’inspirer des divers exemples de ses aînés pour tirer le meilleur parti de leurs réussites tout en se laissant instruire par leurs erreurs. Et elles furent nombreuses.

Et tout cela, dans un contexte de périlleuse course contre la montre. L’indépendance officielle étant attendue pour juillet 2011 (dans moins d’un semestre), il faudra mettre les bouchées doubles, en évitant toutefois de faire dans la précipitation, l’impréparation ainsi que les grandes initiatives pas suffisamment réfléchies. Il ne sera pas question, par exemple, de voir désormais dans le grand voisin du Nord un ennemi. Ne serait-ce que par réalisme. Les ressources pétrolières du Sud devront encore, pour un bon de temps, transiter par le territoire de ce partenaire naturel avant de déboucher sur la mer Rouge.

Sans compter toutes les négociations qui devront s’ouvrir avec, en face, le puissant voisin du Nord, sur les difficiles questions concernant la citoyenneté, le statut des sudistes au nord, le partage des revenus de l’or noir, et le nouveau statut à octroyer à la célèbre région pétrolifère d’Abya, qui, de par le passé, fut l’objet de toutes les convoitises et cristallisa toutes les tensions. N’oublions pas non plus que Juba, la capitale en devenir du nouvel Etat, est elle-même une cité dans laquelle tout est à construire.

Il lui faudra des hommes forts, à cette nation naissante, pour se frayer un passage dans le concert des nations, et leur tâche ne sera pas une sinécure. L’or noir qu’ils possèdent est, certes, déjà un atout. Mais il ne sera sans doute pas tout, de ce qu’il faudra posséder. Peut-être même, seront-ils bien inspirés de quelque part s’en méfier un peu. Ils sont nombreux, les pays que la désormais célèbre malédiction de ce même or noir a frappés, et pour certains, sans rémission. Il leur faudra sans doute y réfléchir, ouvrir l’œil et le bon.

Alors, le Sud-Soudan indépendant ? Et demain ? L’avenir de ce pays à construire est sans doute entre les mains de ses fils, et principalement de ceux d’entre eux qui auront choisi d’être des guides et qui, jusqu’à présent, auront imprimé et indiqué à leurs concitoyens la voie à suivre. Par leur persévérance frisant quelquefois l’obstination, ils auront réussi à obtenir ce que tout un peuple attendait. L’honneur sans doute leur en revient. Mais ils ne devraient pas s’arrêter en si bon chemin, car, c’est à présent que tout commence.

Un Etat a vu le jour, il faut à présent le mettre au monde. Ce n’est pas peu dire. Ce ne sera pas une sinécure. La communauté internationale aura, elle aussi dans cette entreprise, sa part de corvée ; pour cette raison-ci : Omar El-Béchir, dans cette exigence d’indépendance du sud de son pays, sera passé d’une inflexibilité à toute épreuve à une conciliation des plus déconcertantes.

Fait curieux et digne certainement d’être noté, on parle de moins en moins d’un certain mandat d’arrêt lancé contre lui par une certaine CPI il y a un certain temps déjà, et qui lui pend dessus à l’image d’une tragique épée de Damoclès. Il se susurre aussi qu’un certain « deal » aurait exigé du président soudanais qu’il laisse survenir l’indépendance du sud de son pays. En échange de quoi, il se pourrait que, peu à peu, l’on « noie » son dossier brûlant que détiennent le Juge Moreno-Occampo et ses amis de la Haye, et qu’ainsi s’éteignent et s’évanouissent avec le temps certaines poursuites qu’en ce moment, il redoute. Dont acte.

A supposer que pareil contrat soit avéré, à présent que l’Etat du sud est né, il faudra veiller à la stricte application des clauses édictées. A défaut de le faire, on est en droit de subodorer de sérieuses résurgences guerrières dans cette partie du continent, qui, en la matière, revient de loin. Et alors, il ne faudra pas inutilement se plaindre du souverain El Béchir : l’homme, on peut le parier, cherchera, si on le lui impose, à sauver sa tête, usera de tout ce qui sera en sa possession, fera feu de tout bois pour y arriver, et ce faisant, renverrait tout le monde à la case départ. La chose est à méditer. Et à éviter absolument.

Jean Claude Kongo

L’Observateur Paalga

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