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Egypte : Grand écart américain sur les rives du Nil

Publié le lundi 7 février 2011 à 00h38min

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« Moubarak dégage » ! Qu’est-ce qu’ils sont fous ces manifestants ! Moubarak n’est pas Ben Ali. Il ne se laissera pas faire. C’est-à-dire qu’il ne quittera pas le pouvoir sous la pression de la rue. Les effluves de la « révolution du jasmin » planent au-dessus des pyramides ? Le dernier pharaon d’Egypte résiste, en apnée.

Le menu peuple réclame, à cor et à cris, plus de pain ? Insuffisant pour arracher au souverain le moindre signe de compassion. Trois cents macchabées depuis la révolte populaire déclenchée le 25 janvier dernier ? Il en faut plus pour troubler le sommeil du raïs.

La place Tahrir, épicentre de la contestation, se fait l’écho du ras-le-bol de tout un peuple qui n’en peut plus du pouvoir d’un seul ? Moubarak lâche ses moukhabarats, (membres de la Police secrète) armés de machettes et de gourdins.

L’Egypte brûle ? Le sphinx en papyrus n’a d’yeux que pour son piédestal. Un pharaon, fût-il octogénaire déclinant et malade, ça meurt au trône. Tant pis pour ces Egyptiens iconoclastes à la « solde de l’étranger » qui auraient oublié la double nature de leur président : à la fois dieu et roi humain. Ils en seront donc pour leur tentative de régicide. Sachez-le, Moubarak n’est pas Ben Ali. Il ne se laissera pas pousser à la sortie.

L’analyse est peut-être caricaturale, il ne traduit pas moins l’état d’esprit qui prévaut toujours dans l’entourage du président égyptien. « Il n’est pas question que le président transfère son pouvoir au vice-président », a tranché le premier ministre, Ahmad Chafi, pendant que le vice-président, Omar Souléimane, allait de son entêtement, excluant toute démission de son mentor.

Simples illusions où signes d’assurance d’un pouvoir sûr de ses soutiens internes et externes ? Car on l’aura remarqué, face à la colère sans cesse grandissante de son peuple qui exige depuis deux semaines son départ du pouvoir, le héro de la guerre du Kippour a opté de faire dans la défiance. Et jusque-là, les divinités tutélaires semblent lui sourire. A moins que ce ne soit Amon-Rê, créateur d’Egypte, qui le rend fou pour le perdre.

Quelque quatorze jours après le déclenchement de l’insurrection, le pouvoir militaire a certes vacillé, mais ne lâche pas prise. Pas question d’accéder à la revendication matricielle des manifestants qui est, rappelons-le, « le départ du président ».

Qu’ils se contentent des menues concessions qu’il a bien plu à l’oligarchie militaire d’accorder au peuple : nomination, à la sauvette, d’un vice-président dont le poste est resté vacant durant les trente ans de règne de Moubarak ; composition d’un nouveau gouvernement ; recomptage des voix des dernières législatives, et surtout, l’annonce de l’homme fort du Caire de ne plus briguer un nouveau mandat en septembre prochain, le sixième.

Dernier geste de reculade en date, la désactivation de Moubarak-fils, Gamal qu’il se prénomme, des instances dirigeantes du parti au pouvoir. Annihilées donc les velléités de succession dynastique au sommet de l’Etat. Mais bien malin qui saura distinguer dans cette avalanche d’engagements pris, ce qui relève de la sincérité et de ce qui procède de quelques manœuvres machiavéliques.

Car même s’il dit qu’il est « fatigué d’être président », rien n’indique qu’une fois l’orage passé, le successeur de Sadate se mettra en retrait de vie politique comme promis. L’avenir de l’Egypte et des Egyptiens ne le lui autoriserait pas. « Je ne peux pas quitter mon poste de peur que le pays ne sombre dans le chaos.

C’est moi ou le chaos (sic) ». Avec telle conception messianique du pouvoir, vous le voyez, vous, renoncer à sa fonction et à tout ce qu’il en tire comme avantages matériels. Allons donc !

Mais, même si vendredi passé, appelé « vendredi du départ », le grand soir n’eut pas lieu, ce qui est sûr, le dernier pharaon est à bout de souffle. Le peuple égyptien le sait, qu’il maintient la pression.

Les alliés traditionnels du régime le savent qu’ils commencent à multiplier les appels à une transition, avec à la clé, plusieurs scénarii de sortie pour le vieux raïs.

L’administration américaine, par exemple, qui a toujours caressé le dernier pharaon dans le sens de la barbe postiche pour ses bons et loyaux services dans la lutte contre l’islamisme rabique, ne fait pas mystère, en tout cas officiellement, de son désir de voir l’allié d’hier quitter les affaires.

Mais comment organiser le départ d’un allié stratégique sans courir le risque de mettre à mal « la stabilité d’une région » dont celui-ci en est le garant ou supposé comme tel ? Numéro de haute voltige pour Barack Obama écartelé entre son attachement aux valeurs démocratiques et les exigences de la réalpolitique.

En tout état de cause, tout porte à croire que le sort d’Hosni Moubarak est déjà scellé à Washington. Dans la situation actuelle où le chef de l’Etat égyptien est devenu un danger pour la survie de l’ensemble du régime, nul doute que les Américains travailleront à le faire partir.

Quitte avec les honneurs. Toute attitude contraire risque de contrarier leur dessein de propulser le vice-président, Omar Souléimane, un autre américanophile, à la tête de l’Etat égyptien.

La rédaction

L’Observateur Paalga

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