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Le partenariat laxiste des « occidentaux » avec les régimes dictatoriaux d’Afrique et du Moyen-Orient explique le chaos actuel du monde arabo-africain (1/2)

Publié le vendredi 4 février 2011 à 13h08min

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Le monde « occidental » a été, dans les années passées et jusqu’à présent, le plus fidèle soutien politique, diplomatique, militaire, financier, des régimes qui, aujourd’hui, sont contestés par les populations. Une contestation d’autant plus chaotique et incontrôlable que ces régimes n’ont jamais laissé la possibilité à des oppositions organisées de s’exprimer.

Tunis, Le Caire, Amman, Sanaa sont aujourd’hui des foyers d’émeutes qui n’ont qu’un seul mot d’ordre à l’adresse de leurs dirigeants : « Dégagez ! ». Ce ne sont pas des révolutions ; ce sont des émeutes contre des hommes qui se sont érigés en chefs éternels et qui représentent à eux seuls un mode de production politique honni. Les morts s’ajoutent aux morts, le chaos s’installe et cette révolte « informelle » va permettre à des groupes d’influence militaires, ou religieux, ou affairistes, de s’emparer des appareils d’Etat. C’est, réellement, la fin du « capitalisme de papa » et l’émergence du « chaotisme » : n’importe qui pouvant faire n’importe quoi n’importe comment dès lors qu’il a au creux de la main quelques groupes multinationaux qui sont, tout à la fois, des groupes industriels et des groupes d’influence. Et qu’il maîtrise les nouvelles technologies.

En décembre 2010, à Dakar, un dimanche, à la nuit tombée, dans la solitude du palais de la République, Abdoulaye Wade me disait que les révolutions culturelles étaient toujours des préludes aux révolutions sociales. Il ajoutait : « Nous sommes confrontés, aujourd’hui, à des révolutions culturelles ». Il me dira aussi : « Les civilisations disparaissent. C’est indéniable. Or personne, jamais, ne s’intéresse aux causes de ces disparitions. Pourquoi ? ». C’était au lendemain du coup d’Etat électoral de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire et avant que la Tunisie, l’Egypte, la Jordanie, le Yémen… ne « s’insurgent ». Bien avant que la fièvre ne s’empare du reste du Moyen-Orient et de l’Afrique.

Le Moyen-Orient parce que, depuis la Première guerre mondiale (la Deuxième ayant confirmé la tendance) et ces années où la Royal Navy est passée de la propulsion vapeur à la propulsion fuel tandis que le tank s’imposait sur les champs de bataille, le pétrole est devenu « le sang de la victoire » ; et qu’en ce temps-là - et jusqu’à présent - ce sang se puisait au Moyen-Orient. L’Afrique noire prend le relais. Pétrolier et minier. Or, depuis vingt ans, les populations africaines ont imposé le multipartisme dans leurs Constitutions. Mais les alternances sont rares ; et quand elles se produisent, c’est le plus souvent par la voie des armes que des urnes. On peut comprendre la frustration des populations. On peut bien évoquer leur formidable résilience, cette capacité à prendre des coups sans jamais se révolter, il y a un moment où on veut que cela s’arrête et où les discours des dictateurs n’ont plus cours.

« Je suis contre un renouvellement de mon mandat et contre la transmission héréditaire du pouvoir ». L’homme qui s’exprime ainsi s’appelle Ali Abdallah Saleh. Il est au pouvoir dans son pays depuis le 17 juillet 1978. Il préside la République du Yémen depuis le 22 mai 1990. Il était auparavant président de la République arabe du Yémen (Yémen du Nord) qui, en fusionnant avec la République démocratique et populaire du Yémen (Yémen du Sud) a donné naissance, le 22 mai 1990, à l’actuelle République du Yémen.

Ali Abdallah Saleh illustre jusqu’à la caricature les dérives d’un système mondial que plus personne ne parvient à maîtriser. Mais pour en comprendre toute l’importance il faut, une fois encore, ouvrir un atlas. Le Yémen est la limite Sud-Ouest et Sud de la péninsule arabique : il borde d’une part la mer Rouge (et contrôle le détroit du Bâb el Mandeb) et d’autre part le golfe d’Aden qui s’ouvre sur la mer d’Oman et l’océan Indien. La plus longue frontière du Yémen est avec l’Arabie saoudite au Nord ; à l’Est, il a pour voisin le sultanat d’Oman. A noter par ailleurs que le Yémen est la seule République de toute la péninsule ; et qu’il est quasiment aussi peuplé que son puissant voisin, l’Arabie saoudite (respectivement 24 et 27 millions d’habitants). C’est dire que le Yémen est « géostratégiquement » incontournable : il contrôle la route pétrolière qui permet d’accéder par la mer Rouge au canal de Suez et se trouve face à celle qui relie le golfe Persique au cap de Bonne-Espérance (le Yémen exerce sa souveraineté sur l’île de Socotra qui se trouve au large de la Somalie). Sur l’autre rive de la mer Rouge et du golfe d’Aden, le Yémen fait face à l’Erythrée, à Djibouti et à la Somalie.

Tous les ingrédients sont donc réunis pour faire de ce territoire un enjeu régional et international. Ali Abdallah Saleh l’a bien compris et ne manque pas de jouer les uns contre les autres et d’instrumentaliser toutes les évolutions « mondiales ». Au pouvoir depuis 1978, il a été élu pour la première fois au suffrage universel en 1999. Pour sept ans. Il a été réélu en 2006. Fin de mandat en 2013. Le 27 avril 2011, des élections législatives devaient avoir lieu. Le parti présidentiel, le Congrès populaire général (CPG) y est hyper puissant face au parti islamiste al-Islah. L’opposition s’oppose à la tenue de cette élection avant toute réforme politique. Dommage pour Saleh (âgé de 68 ans) qui, le 1er mars 2011, comptait bien faire voter un amendement constitutionnel supprimant la limitation à deux du nombre de mandats consécutifs du président. D’où l’étonnement à l’écoute de sa déclaration du mercredi 2 février 2011 : « Je suis contre un renouvellement de mon mandat et contre la transmission héréditaire du pouvoir » (il envisageait de céder le pouvoir à son fils aîné, Ahmed, chef de la Garde républicaine). « Je ne vais pas faire preuve d’orgueil », a-t-il ajouté, sans rire !

Cette prise de conscience que 35 ans « ça suffit » (32 ans au pouvoir + 3 ans d’ici la fin de son mandat actuel) est soudaine. Mais aujourd’hui, jeudi 3 février 2011, « journée de la colère », 100.000 manifestants occupent Sanaa ; c’est le plus grand rassemblement jamais organisé dans la capitale. Ils étaient encore à peine plus d’une dizaine de milliers voici tout juste une semaine, lorsque les premières manifestations ont été organisées. La province est, elle aussi, en ébullition. Washington salue des « déclarations positives » de Saleh et déclare, par la voix du porte-parole de sa diplomatie, Philip Crowley : « Nous accueillons favorablement toutes les décisions du président Saleh faisant progresser politiquement le Yémen par des moyens non violents et démocratiques ».

Sauf que « l’occident », pendant 32 ans, n’a rien trouvé à redire sur le mode de production politique de Saleh. Comme le soulignait une note diplomatique US révélée par WikiLeaks : « Dans son pays, il fait ce qu’il lui plait ». Y compris avec les Américains. Depuis le « 11 septembre 2001 » , alors que le Yémen (pays d’origine de la famille Ben Laden) pouvait se retrouver dans le collimateur des « Bush-Men » (Saleh avait, par ailleurs, soutenu l’invasion du Koweït par Saddam Hussein), Sanaa va ouvrir les portes du pays aux Américains, au nom de la « Global War on Terror » (déjà, un an avant l’attaque contre l’Amérique de 2001, le 12 octobre 2000, l’USS Cole, un des fleurons de l’US Navy, avait été attaqué par Al Qaida dans la rade d’Aden : 17 marins avaient été tués et 38 autres blessés).

Les Américains ne sont pas présents physiquement au Yémen mais via les missiles et autres engins volants. Les armes US y pullulent au nom de la lutte contre le terrorisme. Sauf que seulement 75 % des livraisons (y compris de missiles sol-air portables) disparaissent dans la nature, le pays étant devenu une plaque tournante pour le trafic d’armes. Il faut dire que la région a des antériorités en la matière ; et que le marché régional (Somalie, pirates, terroristes, etc.) est particulièrement demandeur.

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 4 février 2011 à 23:13 En réponse à : Le partenariat laxiste des « occidentaux » avec les régimes dictatoriaux d’Afrique et du Moyen-Orient explique le chaos actuel du monde arabo-africain (1/2)

    Faux dans le fond et la forme cet article ! Il n’y a pas de partenariat laxiste des occidentaux dans le monde arabo-africain. Il n’y a que la politique de défense des intérêts occidentaux qui, à vrai dire, sont incompatibles avec l’indépendance des Africains. Une défense sans état d’âme quant au sort des masses populaires. Les élites qui tiennent aujourd’hui les Etats arabo-africains, sont des élites trans-nationalisées qui partagent les mêmes valeurs de corruption, de cupidité, d’anti-démocratie et de brutalités contre leurs propres peuples. A Tunis, Au Caire, le peuple crie : "Dégage" ! On pourrait entendre les mêmes cris de colère à Lagos, Dakar et Ouagadougou... où on appelle, malgré la misère environnante, à des guerres d’interventions extérieures contre des peuples frères au nom de cette même démocratie qu’on bafoue à domicile.

    • Le 5 février 2011 à 12:59, par Tapsoba En réponse à : Le partenariat laxiste des « occidentaux » avec les régimes dictatoriaux d’Afrique et du Moyen-Orient explique le chaos actuel du monde arabo-africain (1/2)

      À vous lire mon cher anonyme,je tire la conclusion que vous n avez rien compris de l article.Vous dites que l article est faux dans la forme et dans le fond(sans argument) mais vous écrivez en même temps qu « il n y a que la politique de défense d intérêts des occidentaux... ». Ne savez vous pas que du « partenariat laxiste des occidentaux avec les regimes dictatoriaux d Afrique et du moyen-orient » dérive la politique de défense d intérêts des occidentaux ? N est -ce pas de cela parle Mr Bejot lorsqu il explique pourquoi le president yemenite est resté l « ami » de ces occidentaux ? N est -ce pas parce que Saleh n a defendu que les intérêts occidentaux au detriment des populations que ces dernières expriment leur ras-le-bol aujourd hui dont parle le journaliste ? In Fine,en quoi votre analyse est contraire à celle de l auteur de l article ?

  • Le 5 février 2011 à 03:40, par Inoussa Verité En réponse à : Le partenariat laxiste des « occidentaux » avec les régimes dictatoriaux d’Afrique et du Moyen-Orient explique le chaos actuel du monde arabo-africain (1/2)

    Rien ne m’irrite que d’entendre à longueur de journée les pleurnichements de certains individus qui aiment à faire porter par les occidentaux les problemes des africains.Non ,mon cher, arretez ce non sens.Quand les occidents prennent position on crie à l’ingerence (exemple la Cote d’Ivoire)quand ils ne disent rien on parle de laxisme. Les vrais bourreaux de l’Afrique ce sont nos dictacteurs de dirrigeants : Moubarack est au pouvoir depuis plus de trente ans et sans partage ; il aura survecu quatre presidents francais ( Giscard, Mitterand, Chirac et Sarkozy) et cinq pour les USA ( James Carter, Georges Bush pere, Bill Clinton, Bush fils et Obama). Arretez de crtiquer les Occidentaux et criez plutot Haro sur tous ces dictateurs africains qui bloquent l’avancee de tout un continent.

  • Le 5 février 2011 à 18:16, par ZIKI En réponse à : Le partenariat laxiste des « occidentaux » avec les régimes dictatoriaux d’Afrique et du Moyen-Orient explique le chaos actuel du monde arabo-africain (1/2)

    Réaction épidermique sans lecture approfondie de l’article, ce que vous reproché au écrit de Monsieur Bejot c’est cela qu’il dénonce.si c’est pour confondre ceux qui se disent démocrates et spolie le véridique des urnes des citoyens pour se maintenir au pouvoir comme en Côte d’Ivoire, dénoncé cette manière n’est pas de l’ingérence.

  • Le 6 février 2011 à 03:59, par Gnakopo En réponse à : Le partenariat laxiste des « occidentaux » avec les régimes dictatoriaux d’Afrique et du Moyen-Orient explique le chaos actuel du monde arabo-africain (1/2)

    Quand les dirigeants Africains n’arrive même pas a trouvé un accore pour faire respecté une décision qu’eux même ont prise en connaissance de cosse
    Ça suffit de prendre les dirigent Français comme des cure-dents et d’en faire seul la cosse de leurs incapacités de dirigés leur pays après 50 ans de leur indépendances.

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