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POLITIQUE : "La fin des fonctions du Premier ministre n’est pas tributaire des élections"

Publié le mardi 1er février 2011 à 02h30min

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Dans notre n°4778 du 07 janvier 2011, un lecteur s’interrogeait dans là rubrique "Question à qui de droit" sur le temps dont dispose le Premier ministre pour rendre sa démission après l’investiture du chef de l’Etat. L’auteur du texte ci-dessous apporte quelques éléments de réponses à cette préoccupation.

Dans la parution de votre quotidien "Le Pays" n°4778 du 07 janvier 2011, l’un de vos lecteurs s’interrogeait dans la rubrique "Question à qui de droit" sur le temps dont dispose le Premier ministre pour rendre sa démission après l’investiture du Président du Faso. Dans la suite de mon propos, je tente de donner quelques éléments de réponse à cette question. Après les élections du 21 novembre 2010 et la réélection du Président Blaise Compaoré, les Burkinabè ont attendu avec impatience le nouveau gouvernement.

Cette attente s’est ressentie surtout dans l’administration où l’on pouvait percevoir un ralentissement des activités qui n’était pas seulement le fait du début d’année. D’où l’intérêt de la question du délai dont disposerait le Premier ministre pour rendre sa démission. Cette question a ainsi trait aux modalités de cessation de fonction du Premier ministre au Burkina Faso. Les modalités de nomination et de fin des fonctions de Premier ministre sont régies par la Constitution du 11 juin 1991 notamment en son article 46.

A ce sujet, le constituant dispose que : "Le Président du Faso nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions, soit sur la présentation par celui-ci de sa démission, soit de son propre chef dans l’intérêt supérieur de la Nation. Sur proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions." Que peut-on brièvement retenir de cet article relatif à la question du délai dont disposerait le Premier ministre pour démissionner ? On note que le Premier ministre n’est pas enfermé dans un délai légal après l’investiture du Président du Faso pour rendre sa démission.

C’est dire qu’il n’y a pas un nombre de jour déterminé au terme duquel, l’investiture du Président du Faso étant passé, le Chef du Gouvernement est tenu de rendre le tablier. S’il est vrai que la question ayant suscité mon intervention a trouvé réponse à ce stade de ma réflexion, il ne demeure pas moins important de prendre en compte les commentaires subséquents, pour une meilleure compréhension du sujet. L’observation qui saute à l’œil est ce semblant de vide juridique quant au délai dont disposerait le Premier ministre pour rendre sa démission après l’investiture du Président du Faso. Mais peut-on réellement parler de vide juridique à la lecture de cet article 46 ?

Il faut dire que le principe de la remise de la démission du Premier ministre au Président nouvellement élu, ne résulte pas d’une contrainte légale. Autrement dit, la loi au sens général n’oblige pas le chef du gouvernement à remettre sa démission après l’investiture du Président du Faso. La démission est un droit dont le Premier ministre peut user à tout moment. Dans le même ordre d’idée, le Président du Faso peut le relever de ses fonctions, s’il le décide, sans considération de temps ou de moment.

Ce qui précède impose le constat que dans le principe, la fin des fonctions de Premier ministre à l’instar de sa nomination, n’est pas tributaire des élections présidentielles. La loi n’ayant pas prévu que le premier ministre démissionne après l’investiture d’un président nouvellement élu, il est par conséquent normal qu’elle ne fasse pas allusion à un quelconque délai. Ainsi, le vide juridique évoqué plus haut va au-delà du délai en question pour embrasser la pratique elle-même. Quelle est donc la source de cette pratique traditionnelle consistant pour le Premier ministre à rendre sa démission suite à l’investiture d’un président nouvellement élu ?

Effectivement, il est de tradition que le Premier ministre rende sa démission après une élection présidentielle. Ensuite, le Président du Faso élu ou réélu, comme dans notre cas, nomme un Premier ministre pouvant être le même. Et, il revient à cette personnalité de proposer au chef de l’Etat une liste de ministres pour la formation du gouvernement. Cette pratique, qui a cours dans les régimes présidentiels ayant prévu un poste de Premier ministre, résulte de la coutume. Il s’agit d’une règle non écrite, fruit d’un usage général et prolongé que les acteurs politiques se sentent dans l’obligation d’appliquer.

De ce fait, le droit positif burkinabè ne dispose pas de textes qui obligent au respect de cette pratique traditionnelle. Au demeurant, il est un secret de polichinelle que dans les faits, l’acte de démission du Premier ministre se fait en étroite concertation avec la Présidence du Faso. Comment peut-il en être autrement étant entendu que le chef de l’exécutif n’en a pas besoin pour révoquer le Premier ministre ? Pour terminer, le Président du Faso n’est pas légalement contraint de changer l’équipe gouvernementale suite à une élection présidentielle.

Cette décision relève de son pouvoir discrétionnaire. Ainsi, dans le cas d’espèce, le président Blaise Compaoré aurait gardé toute son équipe en place qu’il ne serait pas en porte-à-faux avec la loi. Cependant, dans les faits, on constate un changement d’équipe gouvernementale après une élection présidentielle. En réalité, cette pratique répond plus à des intérêts politiques, le nouveau gouvernement constituant l’occasion de "récompenser" les forces politiques ayant travaillé à l’élection du président.

Ouagadougou, le 26 janvier 2010

OUEDRAOGO Boureima dit Adama

Le Pays

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