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Laurent Dona Fologo en propagandiste de Laurent Gbagbo est encore moins crédible que lorsqu’il faisait le même boulot pour Félix Houphouët-Boigny ou Henri Konan Bédié (4/4)

Publié le mardi 1er février 2011 à 02h31min

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En 2003, lors de notre rencontre à Paris, je voulais savoir pourquoi, après avoir servi Félix Houphouët-Boigny et Henri Konan Bédié et être redevable à Alassane Ouattara d’une évolution notable de sa carrière politique, Laurent Dona Fologo s’était pris d’une passion subite pour Laurent Gbagbo. « C’est, me dira-t-il, qu’il est dépositaire de l’œuvre réalisée par Félix Houphouët-Boigny et qu’il faut l’aider à sauvegarder cette oeuvre ».

Fologo affirmait alors être toujours membre du PDCI (« mais je n’y ai pas de responsabilités ») et n’avoir pas rejoint le FPI. Il n’affichait pas de sympathie pour le chef de l’Etat, mais prenait sa défense dès lors que j’évoquais la situation de la Côte d’Ivoire : « Gbagbo subit les événements ; il ne les impulse pas ». Pour Fologo, pas de doute, les Burkinabè étaient « impliqués » dans l’affaire du 18-19 septembre 2002. Et si Balla Keïta (qui avait des relations exécrables avec Fologo) avait été exécuté, quelques semaines avant ces événements, à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, c’est « parce qu’il savait trop de choses et se répandait en propos revanchards au téléphone ». C’est alors que les « rebelles » auraient décidé son « exécution ». Des « rebelles » au sein desquels deux tendances politiques s’affirmaient : une tendance Robert Guéï et une tendance Alassane Ouattara, m’expliquera Fologo : « Mais chacun pensait rouler pour son propre camp ».

Ce mardi 1er juillet 2003, au bar du Lutétia, Fologo me dira que « Gbagbo s’arme non pas pour affronter les rebelles mais pour les dissuader de relancer le conflit. Gbagbo a été élu président de la République : il n’a pas été renversé. Il sait que la solution à la crise est politique et non pas militaire. Si la paix revient, c’est Gbagbo qui, à nouveau, gouvernera, car c’est lui le chef de l’Etat. Par deux fois, par l’action des rebelles puis à Marcoussis, il a bien failli perdre le pouvoir, mais il est parvenu à sauver l’essentiel. Certes, avec plus de 4.000 militaires en Côte d’Ivoire, la pression de la France est forte, mais cette pression ne s’exerce, en fait, sur personne ». Il jugeait cependant que la situation était délicate.

Le gouvernement de transition comprenait « de trop nombreux ministres dont beaucoup ne sont pas compétents » et les Jeunes Patriotes « jouent un jeu difficile à contrôler car ils n’ont pas d’ambitions pour la Côte d’Ivoire » ; mais, à aucune moment, me dira-t-il, ils ne parviennent à « déborder » Gbagbo. Ce que ne concevait pas Fologo, par contre, et qu’il reprochait à la France, c’était l’accession de leaders « rebelles » à des postes gouvernementaux à la suite de Marcoussis. Il le ressentait comme une injustice. « Soro est ministre d’Etat. En Côte d’Ivoire, cela a une signification [Fologo a été ministre d’Etat de 1993 à 1999]. Or, il a du sang sur les mains. Il sera impossible à la France de convaincre 85 % de la population ivoirienne que des jeunes tels que Soro les gouvernent alors qu’ils ont tué et mutilé ». Il mettait d’ailleurs dans le même sac les « rebelles » et les Jeunes Patriotes dont les leaders appartiennent « à la même promotion et ont milité dans le même syndicat étudiant même s’ils sont aujourd’hui dans des camps opposés » et ajoutait un élément personnel à sa réflexion : « Je ne peux même plus me rendre chez moi dans le Nord où sont mes plantations, mes tracteurs, etc. alors que les rebelles viennent se pavaner à Abidjan ».

Fologo n’a pas toujours été dans cette « proximité » anachronique avec Gbagbo. Le Nouvel Horizon, le journal du FPI, n’a cessé, quand il était dans l’opposition, de stigmatiser le comportement de celui qu’il qualifiait de « dribbleur » (référence au qualificatif de « Garrincha » attribué à Houphouët, Garrincha étant un footballeur brésilien des années 1960 réputé pour ses « dribbles invraisemblables »). Marie-Chantal Ozoua, dans Le Nouvel Horizon du 20 décembre 1993, au lendemain de l’accession au pouvoir de Bédié, dénonçait la vision « Etat-Parti » de celui qui, secrétaire général du PDCI, avait exigé un titre de ministre d’Etat. « Il faut le dire, écrivait Marie-Chantal, depuis qu’il a été sorti du gouvernement Houphouët-Boigny [en 1989], malgré sa nomination à la tête du PDCI [en 1991], Fologo était malade. Malade d’être relégué au second plan. Malade des honneurs et des parades ministérielles qui lui manquaient, malade de ne pas pouvoir pérorer sur les médias d’Etat. Aigri, il dissimulait mal ses meurtrissures. Et, aujourd’hui, dès sa nomination, il a vite fait de se regarder à travers la télévision et de s’écouter à la radio ». C’est là un superbe résumé de la…. superbe qu’affecte Fologo !

La longévité de Fologo s’explique par sa capacité à, n’étant pas politiquement grand-chose (rien d’autre qu’un griot), laisser croire à ses interlocuteurs qu’il est incontournable du fait de sa… longévité. Fologo, dont les engagements sont à géométrie variable, a également une réelle capacité à réécrire l’Histoire. Ainsi quand il évoque son « cri d’alarme du mercredi 20 septembre 2002 [au lendemain de la tentative de coup d’Etat] où j’ai appelé au sursaut national […] Les jeunes, les vieux, les femmes ont tous répondu présent pour sauver la Côte d’Ivoire. Je peux dire qu’à partir de ce moment-là, le CES [le Conseil économique et social dont il est le président depuis 2001] s’est transformé en un haut lieu de la résistance ». Son organisation, le RPP, lancée « officieusement » le 30 avril 2003 puis « officiellement » le 20 mars 2004, était « à la veille », disait-il en septembre 2007, « de devenir un parti politique national […], un grand parti » ; « Il y a cent partis politiques en Côte d’Ivoire, mais en réalité il n’y en a que trois ou quatre. Le RPP a été créé pour être 2ème ou 3ème. Pas 101ème » (Sidwaya, mardi 28 août 2007). Qui sait, trois ans plus tard, ce qu’est le RPP ?. « L’accord de Ouagadougou » (« Les précédents accords ont capoté parce que ce sont les autres qui décidaient pour nous ») ; l’accession de Nicolas Sarkozy à l’Elysée alors que son prédécesseur, Jacques Chirac, avait fait du « problème [ivoirien] une question presque personnelle »… la liste est longue des circonvolutions qui ont transformé Fologo en « derviche tourneur ».

Il suffit de quelques breloques de temps en temps (il fallait voir l’ampleur avec laquelle il a célébré le 7 août 2008 sa grand-croix dans l’Ordre national) pour qu’il se mette en branle, instrumentalisant les « années Houphouët » (« Personnellement, je revendique la qualité de disciple politique de Félix Houphouët-Boigny. C’est mon père spirituel ») pour justifier, hier les « années Bédié », aujourd’hui les « années Gbagbo ». Petit clin d’œil de l’Histoire pour juger de la qualité des analyses politiques de Fologo. Fin janvier 2004, Fologo, président du CES, se rend à Tunis pour y rencontrer son homologue. Visite de travail alors qu’il espérait, disait-on, une visite « présidentielle ». Manque de chance : Abdallah Kaabi, le président du CES tunisien, vient d’être promu ministre des Sports. Fologo ne rencontrera que son successeur, espérant cependant être reçu par le chef de l’Etat. Vaine espérance. A Tunis, Fologo n’est rien. Même s’il aime à louer « le génie personnel » de Ben Ali !

Long aperçu de celui qui « connaît bien le président sortant Laurent Gbagbo et celui reconnu par la communauté internationale, Alassane Ouattara » et auquel Le Monde a pensé qu’il devait donner la parole pour qu’il nous explique ce qu’il n’a jamais compris. Je m’insurge : le griot peut être tout autant responsable que celui qu’il « griotte » ; et le président du CES, quatrième personnage du régime, pourrait monter dans la charrette des 85 personnalités sanctionnées par l’Union européenne. Sauf à penser, ce qui n’est pas le cas du quotidien Le Monde, que Fologo serait une personnalité sans importance. Rien d’autre qu’une girouette ou un Kleenex. L’une tourne au gré des vents ; l’autre, on le jette sans considération après usage.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 1er février 2011 à 00:56, par Ivoirien En réponse à : Laurent Dona Fologo en propagandiste de Laurent Gbagbo est encore moins crédible que lorsqu’il faisait le même boulot pour Félix Houphouët-Boigny ou Henri Konan Bédié (4/4)

    Analyse impeccable..La conclusion est des mieux pensées ’’ Fologo serait une personnalité sans importance. Rien d’autre qu’une girouette ou un Kleenex. L’une tourne au gré des vents ; l’autre, on le jette sans considération après usage.’’. Dona Laurent Fologo n’est qu’un pantin à la solde de son gosier et qui s’égosille gaiement tant qu’il ya de petites cervelles pour l’écouter. Comme le dit la fontaine..’’Tout flatteur vit aux dépends de celui qui l’écoute’’. Il se trouve que là son maître semble bien se réjouir des qualités du griot. Au soir du renouveau, nous serons tous témoins de ce que deviendront ces pourfendeurs de la république. La tare et la crasse d’une nation entière. Puisse l’histoire nous rappeler à jamais qu’il y’eut des gens comme lui et comme son mentor Gbagbo et que seule la lutte juste du peuple a pu nous libérer du joug de l’oppression. Vive la Côte d’Ivoire libre et unie ! Vive son excellence Monsieur Alassane Dramane Ouattara

  • Le 3 février 2011 à 18:29, par Merline En réponse à : Laurent Dona Fologo en propagandiste de Laurent Gbagbo est encore moins crédible que lorsqu’il faisait le même boulot pour Félix Houphouët-Boigny ou Henri Konan Bédié (4/4)

    "Les rebelles et les Jeunes patriotes sont à mettre dans le même sac car ayant milité au même syndicat estudiantin" LA FESCI, les leaders de la FESCI ont été SORO GUILLAUME et BLE GOUDE et leur Fondateur un certain LAURENT KOUDOU GBAGBO. Laurent GBAGBO a donc enseigné à ses poulains son expertise : prendre le pouvoir par la violence et la roublardise. La FESCI est restée dans cette logique et l’école ivoirienne est un champ de bataille, le FPI étant arrivé au pouvoir, il n’est pas étonnant que tout le pays soit devenu UN CHAMP DE BATAILLE. Lorsqu’on aura ajouté que le SYNARES (Syndicat de la Recherche Scientique et des Enseignants du Supérieur), est également une création du FPI, on aura compris toute la complexité de la tragicomédie qui se joue en Côte d’Ivoire, où depuis des décennies des criminels avancent masqués et se retrouvent dans les sphères de décisions avec pour corollaires le CHAOS dans un pays d’Afrique Noire qui avait bien commencé. Je connais ce pays j’y ai vécu et enseigné.

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