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Le Sénat, une institution démodée !

Publié le vendredi 28 janvier 2011 à 01h49min

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Dans la perspective des Reformes politiques, jaillit l’idée de création d’un Sénat. Abdoul Karim Sango se prononce sur la question. La création d’une seconde chambre au parlement dans le contexte d’un pays comme le Burkina ne paraît pas suffisamment bien réfléchie. Adapter nos institutions aux réalités burkinabè comme le soutient le Président du Faso est une idée très juste. Toutefois, cela ne doit pas signifier un accroissement non justifié des dépenses de l’Etat. Déjà que les assemblées nationales dont les membres sont élus au suffrage universel direct ne servent pas à grand-chose dans la plupart des pays francophones, qu’en sera-t-il alors du sénat dont une partie des membres sera nommée et les autres probablement élus au suffrage universel indirect ?

De façon générale, dans nos pays, l’assemblée est instrumentalisée dans le seul but de satisfaire le prince du moment. Sa volonté est celle du bon Dieu ! On ne la discute pas ! Ses volontés traduites en lois, en atterrissant à l’assemblée, passent comme lettre à la poste au mépris du sacro saint principe de la séparation des pouvoirs.

L’exemple récent nous vient de la République démocratique du Congo (RDC) où l’assemblée a ratifié le projet de modification de la constitution pour instituer une élection présidentielle à un seul tour. Cette modification qui heurte le bon sens élémentaire et qui va contre la volonté populaire a tout de même été adoptée. En dépit des mises en garde du très sage Archevêque de Kinshasa, la loi a été quand même adoptée. Très probablement, le prochain président de la RDC sera élu avec 25 % des suffrages exprimés. Et toute honte bue, il se fera appeler Président de la République et voudra être respecté au sein de la communauté internationale. L’histoire politique récente de nos pays nous présente très peu de cas où le parlement a osé s’opposer à l’exécutif sur des questions fondamentales relatives à l’approfondissement de la démocratie au respect des libertés publiques. Ce n’est donc pas exagéré de dire que l’assemblée n’est qu’une caisse d’enregistrement de la volonté gouvernementale. Et c’est le cas au Burkina Faso depuis 1991.

Dans un tel environnement politique, le prochain sénat ne sera ni plus ni moins qu’une institution budgétivore mal venue dans un contexte de marasme économique où les Etats qui nous appuient font face à de nombreux problèmes. A supposer que le prochain sénat compte 50 membres. Si on fixe leurs salaires et avantages à 1 000 000 de francs CFA par mois sans compter les indemnités de session, il faudra annuellement débourser 600 000 000 de francs. Si chaque sénateur doit bénéficier d’une véhicule de fonction dont le coût minimum peut être fixé à 15 000 000 de francs CFA, il faudra dépenser 750 000 000, rien que pour ce poste. A tout cela, on doit ajouter les charges fixes liées à la création de toute institution (bâtiment, eau, électricité, téléphone, missions…). Sans nul doute, le prochain sénat ne va pas coûter à l’Etat moins de 2 000 000 0000 annuellement. Voilà pourquoi, créer un sénat ne me paraît pas pertinent.

C’est du mimétisme institutionnel dont on devrait se garder de plus en plus. Du reste, le sénat dans les démocraties dites " avancées " a une histoire. Par exemple aux Etats Unis, on a créé le sénat pour affaiblir le poids de la représentation démographique ressentie au niveau de la chambre des représentants où la représentation est proportionnelle à la taille de la population de chaque Etat de la fédération. En revanche, au sénat chaque Etat, quelle que soit sa population, est représenté par deux sénateurs.

Un second exemple est celui de la Grande Bretagne où la chambre des Lords a permis d’assurer une représentation séparée de l’aristocratie au Parlement. Son avènement a correspondu à une phase transitoire entre les régimes aristocratiques anciens et le régime démocratique moderne.

Dans la plupart des pays européens qui avaient au départ adopté cette formule on l’a progressivement supprimée (Norvège, Danemark, Suède, Finlande). Au lieu d’un sénat, on peut œuvrer à améliorer la représentativité et l’efficacité de l’Assemblée nationale actuelle en appliquant un véritable scrutin proportionnel au plus fort reste appliqué à une circonscription électorale plus étendue. Cela a l’avantage de donner du sens aux restes obtenus par les petites formations politiques. Dans cet élan, on peut réfléchir à une probable augmentation du nombre de députés en prenant en considération l’évolution démographique de notre pays. Le système électoral actuel consacre de fait un scrutin majoritaire à un tour et favorise le parti présidentiel et les partis de la mouvance.

Si donc l’Assemblée ne joue pas efficacement son rôle c’est parce qu’elle est ultra dominée par les partis de la mouvance présidentielle. L’opposition n’a même pas le minimum de députés requis pour engager la procédure de contrôle de constitutionnalité des lois avant leur promulgation. Elle ne pèse pas sur les débats au sein du parlement, ce qui affecte la qualité des lois, et les mauvaises lois, il y en a beaucoup qui sortent de notre parlement. Comme exemples, je citerai :

la loi sur le vote des burkinabè de l’étranger adoptée sans une préalable réflexion approfondie et sur laquelle on est revenu peu de temps après frustrant légitimement nos nombreux concitoyens qui vivent à l’étranger et qui ne demandent qu’à être considérés comme des burkinabè à part entière ; il en va de même de la loi consacrant l’inscription sur les listes avec des actes dont on n’est pas sûr que les populations sont en possession ;

l’article 74 du code du travail qui plafonne le montant des dommages et intérêts à 18 mois de salaires que le juge peut fixer dans le cadre d’un conflit de travail ;

l’article 4 du statut de l’opposition qui consacre la discrimination dans l’accès à des emplois dont le caractère politique n’est pas démontré…

Tout comme au Niger, il faudra réfléchir à élever le niveau des personnalités élues au sein du parlement. Le travail parlementaire n’est pas que politique, il est aussi technique. On pourrait comme au Niger, exiger que toute liste des candidats à l’assemblée comporte au moins 50 % de personnes titulaires du Baccalauréat. De même, l’assemblée dans son organisation gagnerait à s’ouvrir davantage à l’avis éclairé de spécialistes sur les sujets faisant l’objet de débat en son sein. Il ne faut pas se méprendre, le droit est une science complexe, qui s’y frotte mal court le risque de se faire brûler. Rien ne coûte aux parlementaires de recourir par exemple à l’expertise des enseignants de l’URF de Sciences juridiques et politiques, des autres UFR et de l’ENAM au cours de la procédure d’adoption des lois. Le modèle grec peut nous servir d’exemple. En effet, en Grèce, il existe un " Conseil scientifique " au sein du parlement qui révise toutes les lois avant qu’elles ne soient adoptées.

Bendré

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Vos commentaires

  • Le 28 janvier 2011 à 05:33 En réponse à : Le Sénat, une institution démodée !

    Bonne analyze !!!. Du moins je trouve votre ecrit tres riche et educatif. Esperons quel sera lu et compris pour enrichir d’autre connaissance.

    • Le 28 janvier 2011 à 21:52 En réponse à : Le Sénat, une institution démodée !

      Il veut un sénat pour se maintenir à vie au pouvoir. Il a compris qu’il lui faut des institutions conservatrices à sa botte. Les sénats sont rarement ou exceptionnellement des institutions progressistes.

  • Le 28 janvier 2011 à 09:59, par Le Sankariste En réponse à : Le Sénat, une institution démodée !

    Un article pertinent mais avec pein de melanges et on ne comprend ce que l auteur veut dire.
    Ce qui est revoltant pour nous les Burkinabe ce sont ces faux intellectuels comme l auteur de cet article qui veut donner des leçons au pouvoir alors que lui meme est l exemple parfaite de ce qu il critique.
    Mr Sango est rapporteur de la CENI en violation du code électoral car d une part il n a pas l age requis et d autre part, il est membre dirigenat d un parti politique.
    A l opposition, nous avons démandé à nos représentants de quitter la ceni non seulement il ne démissionne pas mais il prend la place du camarade Mousbila pour des perdiems.
    Donc arrête ton hypocrisie, tout le monde te connait maintenant.
    UNIR/PS au pouvoir.

  • Le 28 janvier 2011 à 10:01, par Le kabs de paspanga En réponse à : Le Sénat, une institution démodée !

    Mr Sango, le paren n est il pas dans la meme sauce que le CDP.
    Et toi meme n es tu pas à la ceni.
    Qu est ce que vous apportez au peuple ?
    Vous etes complices et hypocrites et le peuple vous tient à l oeil.

  • Le 28 janvier 2011 à 10:03, par La garangose En réponse à : Le Sénat, une institution démodée !

    Meme si ça coute 10 milliards ton problème est où ?
    C est ton argent ?
    Tu cherches à manger et on le sait.
    Vive tonton Blaise.

  • Le 28 janvier 2011 à 16:31 En réponse à : Le Sénat, une institution démodée !

    En plein dans le mille. Pour ceux qui pensent interet national et developpement du Faso, cet article est de belle facture. Seulement, notre classe politique, plombée depuis son origine, est ce qu’elle est avec ses limites à cause du niveau scolaire de ses acteurs, leur incapacité à creer de nouvelles situations adaptées à notre contexte et leur manque d’initiatives heureuses. Elle est pratiquement otage des certains hommes politiques qu’il faut imperativement recaser. Alors, tant pis pour les sous des Burkinabe.

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