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Laurent Dona Fologo en propagandiste de Laurent Gbagbo est encore moins crédible que lorsqu’il faisait le même boulot pour Félix Houphouët-Boigny ou Henri Konan Bédié (2/4)

Publié le vendredi 28 janvier 2011 à 01h49min

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En 1999, la Côte d’Ivoire est, déjà, en crise. L’élection présidentielle est prévue en octobre 2000 et Alassane Ouattara a, cette fois, annoncé sa candidature. Il est alors directeur général adjoint du FMI ; il va quitter son poste, à Washington, pour se réinstaller à Abidjan et se lancer dans la campagne présidentielle. Le débat sur « l’ivoirité », initié par le président Henri Konan Bédié, va prendre, du même coup, une ampleur démesurée. Le chef de l’Etat, dans un livre-entretien, va défendre des prises de position très fermes contre Ouattara. A Abidjan, celui-ci a trouvé un allié politique : Laurent Gbagbo. Le FPI et le RDR vont, face à Bédié, constituer un Front républicain.

La gestion de Bédié est mise en cause non seulement par les Ivoiriens mais également par les bailleurs de fonds internationaux. L’Union européenne met le doigt sur l’utilisation frauduleuse de 18 milliards de francs CFA. Les grèves et les manifestations se multiplient, la presse est mise au pas, des journalistes sont emprisonnés, l’image de la Côte d’Ivoire se dégrade, la crise économique va se doubler d’une crise sociale puis politique. Avec, en filigrane, la question de « l’ivoirité » qui empoisonne le moindre débat politique. A Abidjan, les autorités feront détruire les milliers d’exemplaires du magazine Africa Golfe Eco (numéro daté du 15 juillet 1999), édité à Paris, qui avait fait sa « une » sur « l’agonie du système Bédié » et des « révélations exclusives sur sa thèse de doctorat, les conditions de son accession au pouvoir, sa biographie, etc. ».

La presse ivoirienne va mener une rude campagne contre Africa Golfe Eco - dont j’assure la responsabilité rédactionnelle - qui ne s’en remettra pas. Le mardi 5 octobre 1999, cependant, Fologo viendra jusqu’aux bureaux parisiens du magazine pour exprimer son désaccord avec la mesure prise par le gouvernement auquel il appartient. Il tiendra, ce jour-là, un discours modéré, conciliateur, jouant pleinement de son passé « journalistique » et des relations que nous avions pu nouer, sur le terrain ivoirien, une dizaine d’années plus tôt. Mais le journal ne baissera pas sa garde. Il continuera à dénoncer le « national-tribalisme » qu’est « l’ivoirité » et fera de nouvelles révélations sur les « communicateurs » au service de Bédié (Danièle Boni Claverie est alors ministre de la Communication ; elle est aujourd’hui ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant dans le gouvernement Gbagbo).

Entre-temps, le dimanche 1er août 1999, Ouattara a été élu président du RDR. Dans la salle, il y a Balla Keïta, un des barons du PDCI, chantre de Félix Houphouët-Boigny, rallié à Bédié en 1994 pour des raisons plus alimentaires que politiques. Balla est comme Ouattara et Fologo un homme du « Grand Nord ». Il est demeuré au sein du PDCI, dont son père avait été un des militants historiques, mais est très critique vis-à-vis de « l’ivoirité » (« dérive droitière fasciste ») et Fologo (« On se connaît depuis longtemps. Nous avons fait des études ensemble. Au cours normal de Bouaké, il sait qui était le major. Il sait qui a eu le doctorat d’Etat entre nous deux et qui a échoué à la licence à l’université d’Abidjan »). L’irruption effective de Ouattara sur la scène politique ivoirienne va radicaliser les comportements.

Fologo sera à Paris les samedi 11 et dimanche 12 décembre 1999. Il y préside la Journée du militant organisée par la délégation générale du PDCI en France. Il y a dans la salle quelques personnalités parisiennes (mais aucun ambassadeur africain ne s’est déplacé à l’exception de Mariama Hima, la représentante du Niger) dont, notamment, Thierry Saussez, patron de Image et Stratégie qui gère une part du budget de communication de Bédié, et son plus proche collaborateur, François Blanchard, ainsi que l’inénarrable Jean-François Probst qui trouve aujourd’hui toutes les qualités à… Gbagbo (cf. LDD Côte d’Ivoire 0287/Vendredi 24 décembre 2010).

Les responsables du PDCI vont cibler leurs critiques sur Ouattara « qui n’a été ivoirien que 36 mois, quand Houphouët l’a appelé au poste de premier ministre ». Fologo, lui, va enfoncer le clou, dénonçant un complot international contre la Côte d’Ivoire orchestré essentiellement par la France, les « faux papiers » de Ouattara (qu’il ne nomme jamais mais qualifie « d’ancien premier ministre du président Félix Houphouët-Boigny), sa fortune (« dont vous vous doutez de l’origine »), sa nationalité soit-disant burkinabè (« Il n’y a pas de honte à être burkinabè »), sa retour récent en Côte d’Ivoire (« Il est l’homme politique le moins connu du pays »), etc. Au total, un discours haineux d’autant plus étonnant, dans le fond comme dans la forme, que Fologo a été l’obligé de Ouattara, au plan politique comme au plan financier.

Deux semaines plus tard, Bédié est renversé par les militaires et va s’exiler en France. Fologo va passer un sale moment entre leurs mains. La transition « militaire » espérée par le FPI et le RDR n’aura pas lieu ; le général Robert Gueï va s’affirmer à la tête de l’Etat et se positionner comme candidat naturel à l’élection présidentielle prévue à l’automne 2000. Face à la politique menée par Guéï, le PDCI va risquer l’implosion lors de son congrès de mars 2000. Fologo en est toujours le secrétaire général et assume l’intérim de la présidence (le président en titre est Bédié). Mais sa position est fortement contestée. D’autant plus qu’il est mis en cause dans plusieurs affaires politiques (« l’affaire Vléï » : Fologo aurait fait corrompre un magistrat burkinabè pour qu’il délivre un certificat de nationalité burkinabè au nom de Ouattara) et financières (des comptes bancaires numérotés à la BIAO Investissements dirigée par le beau-frère de Bédié).

En août 1999, le PDCI parvient, cependant, à se mettre d’accord sur le nom d’un candidat à la présidentielle. Ce n’est pas Bédié, ce n’est pas Guéï (« C’est une candidature parmi d’autres que nous examinerons » avait souligné alors Fologo), tous deux candidats à l’investiture du PDCI, mais Emile Constant Bombet dont la candidature sera invalidée, tout comme celle de Ouattara. Dans les rangs du PDCI, très rapidement, les vestes vont se retourner. Explication de Fologo : « Nous devons sauver notre parti qui n’a pas la culture de l’opposition. Nous devons demeurer dans le sillage du pouvoir pour mieux nous repositionner en vue des échéances ultérieures ». Finalement, le PDCI appellera au boycott de l’élection du 22 octobre 2000.

Gbgabo devenu, à l’automne 2000, président de la République dans les conditions « calamiteuses » que l’on sait, le PDCI va retrouver des raisons d’espérer. Guéï a été laminé, tout comme Ouattara. Le FPI est un parti minoritaire face au PDCI dont l’ancrage national est assuré depuis plus d’un demi-siècle. Les nouveaux « rénovateurs » du PDCI vont mener campagne contre le « général » (c’est ainsi que Fologo était dénommé au sein du parti). Leur leader, Noël Akossi Bendjo, a remporté les élections municipales dans la commune du Plateau, à Abidjan, en mars 2001. Son mot d’ordre est : « Il faut balayer Laurent Dona-Fologo et son équipe ». Fologo va durer encore un peu. A la tête du PDCI, il va développer une ligne « cohabitionniste » selon les uns, « collaborationniste » selon les autres. Il est vrai que l’ex-parti unique est le premier parti à l’Assemblée nationale (98 des 225 députés) et au plan communal (75 des 198 communes). Le PDCI est alors le seul parti qui, sur le terrain, peut faire barrage au RDR qui, pourtant, lorsqu’il n’est pas exclu des élections (c’était le cas pour la présidentielle), pratique le boycott (c’était le cas pour les législatives). Mais chacun sait le poids démographique et social qu’il représente potentiellement.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche DIplomatique

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