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GBAGBO ET LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE : Le jeu dangereux du chat et de la souris

Publié le mercredi 26 janvier 2011 à 01h09min

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Dans une lettre ouverte, publiée lundi dernier par des journaux de son pays, le chef de la diplomatie nigériane demande au Conseil de sécurité de l’ONU de voter une résolution autorisant l’usage de la force pour déloger Laurent Gbagbo du pouvoir. Selon Odein Ajumogobia, la crise actuelle a été précipitée « par le seul Laurent Gbagbo et va forcément déboucher sur l’anarchie ou une véritable guerre civile ». Pour lui, Gbagbo doit comprendre qu’il y a une perspective réelle qu’une force militaire massive lui tombe dessus. « C’est seulement à ce moment qu’il prendra sérieusement en considération les exigences de son départ ». Cependant, selon le ministre nigérian des Affaires étrangères, « l’utilisation de la force légitime » ne signifie pas forcément une intervention terrestre. Il pourrait inclure un blocus maritime pour imposer des sanctions.

La déclaration du ministre Odein Ajumogobia est consécutive à un premier message adressé à l’ONU en fin décembre 2010, dans la foulée de la réunion des chefs d’Etat de la CEDEAO. Il précisait qu’une action militaire ouest-africaine devra au préalable recevoir l’aval de l’ensemble de la communauté internationale. Le Nigeria, fer de lance de cette éventuelle opération, tient en fait à se protéger contre de possibles condamnations. Et si le chef de la diplomatie nigériane ne ménage pas Laurent Gbagbo, il lui offre tout de même un répit. L’adoption de la résolution par le Conseil de sécurité pourrait prendre plusieurs semaines. En effet, le train de mesures envisagées pourrait se heurter à un mur d’hostilité, constitué notamment par la Russie et la Chine. La Russie apparaît surtout comme le membre permanent du Conseil de sécurité le plus défavorable à toute opération militaire en Côte d’Ivoire.

Mais selon une source diplomatique, tout dépendra des conclusions du prochain sommet de l’Union africaine (UA). « Si l’UA s’aligne clairement sur la position de la CEDEAO, ni la Russie, ni la Chine n’oseront bloquer une résolution à l’ONU », explique la source. Les tractations et les lourdeurs bureaucratiques se feront donc sentir dans les jours prochains. Il est souhaitable qu’au pire, il y ait abstention de la part de la Russie et de la Chine. A moins d’un miracle, il ne faut donc pas s’attendre à l’adoption de décisions énergiques dans des délais convenables. De telles pesanteurs, le camp Gbagbo a toujours su capitaliser là-dessus. Mais l’initiative nigériane aura l’avantage de clarifier la situation.

Certes, les Nations unies sont impliquées dans la résolution de la crise depuis de nombreuses années déjà. Mais laissera-t-on encore du temps à Laurent Gbagbo de souffler ? Alassane Dramane Ouattara, le président élu et reconnu par la communauté internationale, avait donné jusqu’au 31 janvier 2011 au président sortant pour quitter le palais et le pouvoir. Mais la chose ne paraît pas si facile. On sait depuis belle lurette que l’Afrique est tributaire des intérêts des grandes puissances. Et avec le développement de la crise ivoirienne, la démocratie semble de plus en plus en danger sur le continent. Car, les controverses se multiplient et tendent à perdurer. Or, cette année, plusieurs pays africains organisent des élections. Quel signal compte donc envoyer la communauté internationale au citoyen électeur ? Assurément, le souci de préserver la paix doit guider ceux qui sont chargés de prendre des décisions. Mais les faits sont tenaces et la réalité dépasse l’entendement.

Ceci étant dû à l’entêtement de Laurent Gbagbo et de ses partisans qui massacrent en douce, persuadés qu’ils sont, d’être parvenus à diviser la communauté internationale. Nul n’ignore à ce propos, les dangers auxquels se trouvent aujourd’hui exposées les populations ivoiriennes. Qu’on intervienne ou pas, il y aura continuellement des victimes collatérales, car les libertés démocratiques sont quasi inexistantes de nos jours dans ce pays où seul compte la version du camp Gbagbo, et seuls ses partisans peuvent occuper l’espace public.

Isolé du reste du monde de par sa propre forfaiture, le président autoproclamé trouve toujours les moyens d’envoyer des émissaires à l’extérieur pour plaider sa cause. En tout cas, Gbagbo ne cache plus qu’il avait pris ses dispositions pour supporter le poids d’une économie de guerre. Malgré tout, chaque jour qui passe, confirme l’essoufflement de ce régime. On le sait, la Côte d’Ivoire n’est pas un petit pays dont on règle les problèmes en un tour de bras comme ce fut le cas par le passé avec les Iles Comores. Le cas ivoirien est spécifique. Et on ne doit pas baisser les bras face aux défis de la démocratie.

Le Nigeria demande qu’on respecte certaines formalités et cela va de soi. Des hommes et du matériel appartenant à l’ONU sont déjà sur place en Côte d’Ivoire à travers l’ONUCI. La communauté internationale a depuis bien longtemps fait sienne la crise. Non seulement, celle-ci a des forces sur le terrain, mais encore elle a financé les élections puis certifié les résultats des urnes. En outre, les forces onusiennes ont pour mission d’assurer la protection de populations qui sont inoffensives et pourtant les premières victimes.

Il serait souhaitable que la crise ivoirienne prenne rapidement fin par le départ de Gbagbo et ce, de manière à ne pas faire jurisprudence. L’ONU doit faire avancer les choses. Pour ce faire, ses membres, notamment les plus influents, doivent absolument trouver un terrain d’entente. Après la CEDEAO, l’UA a fini par se convaincre de l’usage impératif de la force même si elle continue d’envoyer des émissaires sur les bords de la lagune Ebrié. Le dernier à s’y rendre est le président en exercice de l’UA, le chef de l’Etat malawite, qui a débarqué par surprise hier à Abidjan pour prendre langue avec Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara. Les dictatures n’ont pas d’excuse. Aussi, la position de certains pays comme la Chine, la Russie et autres alliés africains de Laurent Gbagbo ne peut en aucun cas se justifier. A moins de trahir leur propre histoire, caractérisée par des luttes âpres pour la conquête de la liberté et de la solidarité.

"Le Pays"

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