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XVe Conférence de l’UEMOA : Gbagbo, seul contre tous

Publié le mardi 25 janvier 2011 à 01h38min

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Bienvenu, Alassane Dramane Ouattara, dans le cercle des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Exit donc Laurent Gbagbo ; telle est la sentence de l’institution sous-régionale tombée au terme de sa XVe conférence tenue ce 22 janvier 2011 à Bamako, et qui départage les deux Eléphants de la scène politique ivoirienne, en conflit mortel depuis le scrutin présidentiel contesté du 28 novembre 2010. Mais quel bilan de santé pour l’UEMOA qui en gardera des séquelles ? Retour au centre international des conférences de la capitale malienne.

Le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), qui a présidé à la victoire dans les urnes d’Alassane Dramane Ouattara à la présidentielle du 28 novembre en Eburnie, avait déjà annoncé la couleur.

Deux jours avant le conclave des chefs d’Etat et de gouvernement, tee-shirts et posters de leur champion étaient distribués sur les bords du fleuve Djoliba.

Ce, pendant que son premier ministre, Kigbafori Guillaume Soro, effectuait un pèlerinage dans les capitales ouest-africaines avant de rallier Bamako, à la tête d’une forte délégation pour y représenter son mentor.

Tapis rouge pour « l’invincible », ainsi se définit Kigbafori, accueilli par un concert d’applaudissements au milieu des siens, pendant que les griots au son des balafons et de la kora psalmodiaient un hymne à sa gloire.

La messe était donc dite et le ministre bissau-guinéen des Finances, président du Conseil des ministres de l’UEMOA, Jose Mario Vaz, ne tardera pas à le faire savoir dans son allocution introductive des travaux au Centre international de conférences (CIC) de Bamako.

Faisant suite à l’ONU, l’Union africaine et la CEDAO, le Conseil des ministres réuni le 23 décembre 2010 à Bissau a, en effet, décidé de reconnaître Alassane Dramane Ouattara comme président légitimement élu de la Côte d’Ivoire.

Mais depuis, la marche glorieuse de celui-ci vers le palais de Cocody se fait toujours attendre, pour les raisons que l’on sait, et les répercussions de cette crise postélectorale ne cessent de s’amonceler sur le fonctionnement de l’Union, ainsi que sur la situation économique, monétaire et financière.

Si pour l’année 2010 son impact est limité, au regard du taux de croissance économique resté conforme aux prévisions effectuées avant la crise qui se situe autour de 4,0% contre 2,8% en 2009, les effets de celle-ci en 2011, pourraient ressortir significatifs, a avoué le ministre Jose Mario Vaz.

« En effet, cette crise se traduit par une montée de l’insécurité qui a pour conséquence une perturbation des circuits économiques et financiers et un ralentissement des échanges de biens et services, tant à l’intérieur du pays qu’entre la Côte d’Ivoire et les autres Etats membres de l’Union ».

Pire, au niveau du marché monétaire et du système bancaire, confessera-t-il, il convient de souligner les perturbations enregistrées sur le marché de la dette publique où le Trésor ivoirien n’arrive plus à faire face à ces engagements.

Il faut donc parer au plus pressé, et le président malien, président en exercice de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UEMOA, Amadou Toumani Touré, dans son discours d’ouverture, se fera le devoir de lancer "un nouvel appel à ses frères et sœurs ivoiriens, et particulièrement à la classe politique, afin qu’ils œuvrent en faveur de l’unité de la nation ivoirienne".

Silence, en tout cas, sur la voie royale de la guerre promise pour contraindre les mauvais élèves de la démocratie au pays d’Houphouët à lâcher prise mais, plutôt celle de la paix et de la lucidité pour amener les perdants à entendre raison au bénéfice de la nation entière.


Quand Blaise claque la porte

Prévue pour 10 h GMT, l’ouverture de cette XVe conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UEMOA n’interviendra que quelque deux heures plus tard.

La faute tant à l’organisation, à ces princes venus longtemps après les autres, qu’aux dissensions internes ou au sujet à l’ordre du jour. Conséquence, la clôture n’interviendra qu’en début de soirée, 18 h 00, après que journalistes et autres membres de délégations abandonnés à l’ombre du Centre international de conférences eurent usé leurs culottes. Longue et pénible attente qui fera le bonheur des oiseaux de mauvaise augure et pour cause.

Ils n’auraient pas eu raison sans cette sortie avec fracas du président burkinabè avant même la fin des conciliabules. Il était 16 h 40, et l’événement ne pouvait que susciter moult commentaires.

La mine grave, Blaise Compaoré fendit la foule sans le moindre mot. A un journaliste qui lui demandait un commentaire sur le sommet : « Attendez le communiqué final ». Et la victoire des Etalons cadets au Rwanda ? « C’est intéressant… ».

Le locataire du palais de Kosyam n’en dira pas plus avant de s’engouffrer dans sa limousine, direction l’aéroport Bamako Sénou. Que s’est-il donc passé dans le saint des saints ? Mystère et boule de gomme.

Une heure plus tard, soit à 17 h 45, c’est le président sénégalais, Abdoulaye Wade, qui lui emboîte le pas, bouche cousue. C’était déjà un exploit pour le vieux Gorgui de tenir ainsi une journée entière, mais avoir sa langue dans sa poche au sortir d’un tel sommet était tout aussi un miracle.

De quoi raviver les supputations et redonner un brin d’espoir à ceux qui, secrètement, souhaitaient son échec.


Le sacre d’A.D.O.

Enfin, 17 h 55, suprême délivrance pour les cameramen ; convoqués aux fins du communiqué final. Peine perdue, la sécurité débordée et à bout de souffle ne pourra contenir la meute de journalistes qui auraient failli en passant à côté de l’événement. Moment accueilli par un silence de mort quand l’honneur revint à Soumaïla Cissé, président de la Commission de l’UEMOA, de violer le secret des délibérations.

La cause était entendue pour Laurent Gbagbo, président sortant de Côte d’Ivoire, invité par la conférence à respecter les résultats de l’élection du 28 novembre, et à assurer une passation pacifique du pouvoir à Alassane Dramane Ouattara, président légitimement élu, en vue de préserver, dans ce pays et dans la sous-région, l’hospitalité, la paix, la sécurité et la stabilité auxquelles les populations aspirent si ardemment.

Gbagbo ainsi désavoué, c’est son bras financier Philippe Henri Dacoury-Tabley, ci-devant gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), qui laissera des plumes.


Tabley l’agneau sacrificiel

Car, depuis la reconnaissance de la victoire d‘Alassane Dramane Ouattara par le Conseil des ministres de l’UEMOA réuni à Bissau le 23 décembre, Dacoury-Tabley, fidèle de celui-là qui l’a propulsé à la tête du gouvernorat, n’était plus en odeur de sainteté au sein de l’Union monétaire.

Accusé à tort ou à raison, en effet, de fouler au pied les décisions de ses employeurs, refusant de sevrer Gbagbo du "nerf de la guerre". Crise de confiance qui l’aura poussé ce 22 janvier 2011 à la démission de ses fonctions de gouverneur de la BCEAO, poste qu’il occupait depuis 2008.

Dans l’attente que le président Alassane Dramane Ouattara propose à la conférence pour sa prochaine session extraordinaire une candidature au poste de gouverneur, pour achever le mandat au titre de la Côte d’Ivoire, c’est le vice-gouverneur Jean-Baptiste Compaoré qui en assurera l’intérim.

Amertume, consternation, regrets, le désormais ex-gouverneur de la BCEAO, Philippe Henri Dacoury-Tabley, au terme de la conférence de Bamako, n’a point tari de mots pour déplorer des répercussions de la crise postélectorale dans son pays sur l’institution financière sous-régionale qu’il sert depuis maintenant 35 ans.

Comme pour attester qu’il a bien été contraint à la démission, c’est d’une voix fortement affectée qui a confessé à la presse : « Je n’ai fait que mon travail. C’est dommage que la politique se soit introduite en banque. J’espère que notre maison n’en succombera pas ».


Bio Tchané, la BOAD et le palais de la Marina

Si la page de Dacoury-Tabley à la tête de la BCEAO est ainsi tournée, l’est moins celle d’Abdoulaye Bio Tchané, président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et candidat annoncé à la présidentielle 2011 au Bénin.

Mais pour aller à la conquête du palais de la Marina, l’opposant au président Thomas Boni Yayi devait présenter sa démission de la BOAD le 22 janvier à la conférence des chefs d’Etat, même si son grand rival avait déjà pris les devants en le limogeant au mépris des textes de l’institution. La décision des chefs d’Etat et de gouvernement ne sera pas sans provoquer des grincements de dents.

Certes, ils ont nommé Christian Adovelande à son remplacement pour achever son mandat, mais la démission de Bio Tchané n’entrera en vigueur qu’à compter de la validation de sa candidature à la présidentielle par la Cour constitutionnelle du Bénin.


Le champagne à Kosyam ?

Ainsi la XVe conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UEMOA appartient-elle déjà à l’histoire, même si elle fera date dans la vie de l’institution.

Après Amadou Toumani Touré du Mali, c’est le Togolais Faure Gnassingbé qui prend désormais les rênes de la présidence en exercice. Quant à l’équipe de Soumaïla Cissé, qui préside aux destinées de la Commission de l’UEMOA depuis huit (08) ans, elle a vu son mandat prorogé jusqu’à la prochaine session extraordinaire.

De la crise ivoirienne, l’on en reparlera d’ici la fin du premier trimestre de l’année 2011.

En attendant, c’est le Burkinabè Blaise Compaoré, après la victoire des Etalons en finale de la CAN des cadets ce même 22 janvier au Rwanda, qui sabre son champagne au palais de Kosyam, sans tambours ni trompettes. Un silence pesant qui peut intriguer plus d’un.

Bernard Zangré

Bamako-Ouaga

L’Observateur Paalga

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