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Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Pr Magloire Somé, SG du SYNADEC : « Pour qu’il y ait émergence au Burkina, il faut que l’on consacre au moins 30% du budget de l’Etat à l’éducation »

Publié le mercredi 19 janvier 2011 à 00h13min

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Voilà maintenant trois ans que l’université de Ouagadougou a perdu son calendrier d’antan. Ainsi, l’année 2009 – 2010 n’est pas encore à son terme. Bien malin qui saura lui dire le mois auquel commence sa nouvelle année. En ce début d’année 2011, nous avons voulu avoir le point de vue du Syndicat national des enseignants chercheurs (SYNADEC) désigné à tort ou à raison comme responsable de ce chamboulement du cycle académique. Sans détour aucun, Pr Magloire Somé, secrétaire général du SYNADEC, situe les responsabilités, attend de « palper » son nouveau salaire à la fin du mois et indique l’unique voie, selon lui, de l’émergence du Burkina : assurer une formation de qualité aux ressources humaines. Entretien.

Lefaso.net : Comment va le campus de Ouaga ?

Pr Magloire Somé : Le campus va bien malgré le retard que nous avons accusé, cette fois-ci indépendante de notre volonté. Mais nous espérons qu’avec ce calme nous allons pouvoir délibérer et commencer la nouvelle année. Le retard est dû à l’inadéquation entre les infrastructures et les effectifs des étudiants, ce qui fait qu’on ne peut pas programmer tous les cours en même temps. On est obligé de programmer une partie des enseignements, attendre de finir avant de programmer l’autre partie. En plus de cela nous avons décidé, en attendant l’application de la loi, de temporiser pour rencontrer les autorités afin de voir plus clair dans notre situation.

Vous avez rencontré les autorités. Qu’est-ce que vous vous êtes dit ?

Je ne peux pas le dire ici avant de rendre compte d’abord à mon bureau et ensuite à l’assemblée générale.

Nous avons lu dans la presse que les nouveaux salaires tombent à la fin du mois. Qu’en est- il réellement ?

Nous sommes des Saint Thomas au niveau du syndicat ; tant que nous n’avons pas vu, nous ne croirons pas. Mais pour nous c’est quand même quelque chose de très singulier. Dans la tradition administrative burkinabè il n’y a pas de correction de salaire en janvier et février. Les corrections de salaire, c’est généralement en mars lorsque le budget de l’Etat est mis en place, mais là on nous parle de janvier. On se demande si c’est vrai. C’est quand on va mettre le doigt dans le trou (rires), c’est lorsqu’on aura palpé les sous à la fin du mois de janvier, qu’on croira.

Le retard à l’université de Ouaga peut-il être résorbé pour permettre un meilleur démarrage du système LMD ?

C’est un peu difficile de renouer avec le calendrier traditionnel de l’université. Peut- être, pas avant deux ou trois ans. Là aussi il faut des conditions, c’est- à- dire un accompagnement dans la construction des infrastructures pour que nous ayons une programmation en même temps de l’ensemble des formations d’un semestre. Si je prends l’exemple des UFR (unité de formation et de recherche, ndlr) où dans les amphis 2, 3 et 4 on organisait des cours de licence et de maîtrise, aujourd’hui aucun effectif de licence ou de maîtrise ne peut être encore envoyé dans ces salles qui n’ont que 180 et 200 places.

À quand donc la rentrée universitaire 2010 – 2011 ?

La rentrée est effective depuis le mois de novembre pour les petits effectifs comme l’IBAM (institut burkinabè des arts et métiers) et à l’ISSP (institut supérieur des sciences de la population). Mais pour les grosses UFR telles que LAC, SVT, SJP, SEA et SEG, il faut attendre les délibérations de la deuxième session.

Lors de la campagne électorale le candidat Blaise Compaoré a fait la promesse d’une université en 2013 à Dédougou. Quelle analyse faites- vous de ce genre de promesse en tant qu’enseignant ?

C’est une ambition noble de construire de nouvelles universités parce que la réalité est là, il y a de plus en plus de bacheliers. Les quatre universités existantes ne peuvent accueillir tout ce beau monde, surtout que leur construction n’est pas achevée. L’université de Ouaga a besoin d’infrastructures, celle de Ouaga II a des infrastructures qui peinent à voir le jour et l’université de Bobo ne vaut même pas l’UFR/SH de l’UO. Il faut donc renforcer d’abord les capacités d’accueil de ces universités avant de songer à en construire d’autres. Créer de nouvelles universités aussi suppose aussi qu’il y ait les ressources humaines. Nous ne voyons pas d’efforts fournis dans le sens de la formation des hommes. J’insiste sur le renforcement des universités déjà existantes pour éviter que la création de nouvelles universités ne nous amène à ne plus avoir de temps suffisant pour la formation des étudiants.

L’université de Koudougou par exemple fonctionne à plus de 80% grâce à l’université de Ouagadougou. Les enseignants quittent Ouaga pour aller assurer les enseignements à Koudougou et à Bobo. En réalité, ces deux universités ne sont que des annexes de l’université de Ouagadougou. A ce rythme, dans deux ans les enseignants verront leurs volumes horaires doubler, toute chose qui nous empêchera de poursuivre nos recherches. Nous n’apparaîtrons plus que comme des enseignants de lycée.

En tant que syndicat quelles sont vos attentes par rapport au renouvellement du Gouvernement ?

Il est difficile de se prononcer parce que ce domaine appartient au politique. S’il l’exécutif pense que l’équipe qui est là travaille bien et qu’il décide de la reconduire, c’est lui qui décide. Mais si l’exécutif décide de renouveler on appréciera mais ce dont nous nous avons besoin c’est un gouvernement qui se penche sur les problèmes des travailleurs et sur les priorités nationales. Nous sommes dans le domaine de l’éducation qui est primordial pour le développement d’un pays, si on ne met pas l’accent sur la formation des cadres du pays, on ne sera jamais émergent. Nous souhaitons que l’on accorde désormais au moins 30% du budget de l’Etat au système éducatif. Tous les pays émergents ont dû consacrer de façon continue 1/3 de leurs budgets à l’éducation pendant 15 à 20 ans. Chez nous on atteint à peine 15% du budget national. Il faut assurer une formation de qualité pour être émergent. Pour être émergent, il y a des exigences de qualité à garantir dans la formation des ressources humaines. Autrement dit, l’objectif tant annoncé et lancé de façon itérative ne restera qu’un vœu pieux.

Interview réalisée par Koundjoro Gabriel Kambou

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