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Nouveau gouvernement Tertius II : Micro-trottoir

Publié le mardi 18 janvier 2011 à 00h12min

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C’est l’événement depuis le 16 janvier dernier : le nouveau gouvernement de Tertius Zongo. Depuis que ce gouvernement de 38 membres a été rendu public, il ne cesse de faire couler beaucoup d’encre et de salive au sein de l’opinion publique nationale. Politiques, syndicalistes, étudiants, nous avons recueilli les avis de certains Burkinabè à travers un micro-trottoir le lundi 17 janvier 2011 (Ndlr : certains ont été joints au téléphone). La nouvelle équipe gouvernementale est appréciée par les uns et décriée par les autres quant à sa composition. Le retour de Jérôme Bougouma, en tant que ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, est également diversement accueilli. Lisez plutôt.

• Hermann Yaméogo, président de l’UNDD « C’est un signal fort par rapport aux réformes » : A priori, je crois que parmi les Burkinabè, il y en a qui pourraient dire qu’à un moment où on parle de réformes et de bonne gouvernance, l’augmentation du nombre de ministres, par rapport à l’ancienne équipe, peut retenir l’attention.

On peut aussi dire que, finalement, le gouvernement est beaucoup plus un rabattement de façade qu’une réforme de fond puisque la plupart sont toujours là à part les 5 qui sont partis. Il y a comme une continuité mais pas un grand changement. Quand on regarde de plus près, on se rend compte qu’il y a comme une volonté de petit toilettage à travers les 5 départs.

Il y a quelque chose d’important qui est la nomination de Yé Bongnessan en tant que ministre d’Etat chargé des Réformes. C’est un signal très fort donné à la question des réformes. Il y a aussi l’entrée au gouvernement d’Assimi Koanda dont on sent la progression depuis quelque temps. Son entrée au niveau du bureau exécutif du CDP et après en tant que directeur de campagne prouvent que c’est un homme qui gagne en confiance.

C’est également un homme qui a toujours parlé de réformes pendant la campagne et dans ses déclarations. Pour nous autres, à l’opposition, qui sommes attachés aux réformes, c’est un signal fort. De toute façon, il ne fallait pas s’attendre aussi à un changement bouleversant de l’équipe puisqu’un tel changement ne peut venir qu’après que le travail a été fait et qu’après les réformes.

C’est prématuré de l’opérer maintenant. L’un dans l’autre, s’il y en a qui peuvent être déçus quelque part parce qu’il y a augmentation du nombre et qu’on n’a pas vu d’énormes bouleversements, qu’ils tirent lecture que nous sommes encore plus engagés dans la voie des réformes. C’est l’occasion, pour moi, de saluer l’entrée de Yé Bongnessan et d’Assimi Koanda que je connais très bien, et dont je connais également l’attachement aux réformes.

Marou Sakandé, président de la Fédération syndicale des commerçants du Burkina « C’est une continuité » : C’est une continuité à partir du moment où le processus enclenché par le Premier ministre notamment dans le cadre des négociations gouvernement-syndicats doit être conduit à terme. Si l’on s’était arrêté à mi-chemin en changeant toute l’équipe, beaucoup d’objectifs n’auraient pas pu être atteints.

Dans ce gouvernement, je remarque que l’on a reconduit un ministre démissionnaire en la personne de Jérôme Bougouma. Quand il était ministre du Travail, il était l’une des personnes qui ont pesé dans l’excellence des relations et dans l’animation des débats entre le gouvernement et les syndicats notamment au niveau du Grand marché de Ouagadougou. Nous nous réjouissons de cette continuité qui, nous l’espérons, va faire avancer considérablement les revendications des syndicats.

El hadj Mamadou Nama, vice-président du mois des centrales syndicales (SG de l’USTB) « S’il y a des ministres antitravailleurs, ce n’est pas grave, ils seront obligés de s’aligner ou de se démettre » : D’abord nous avons apprécié la reconduction du Premier ministre. Nous pensons que 3 ans ne suffisent pas pour un homme politique chargé de la mise en place des segments d’une administration politique.

Sa démission survenait au lendemain du début des négociations gouvernement-syndicats qu’il reportait sine die. C’est donc une bonne chose, cette reconduction, d’autant plus que le ministre du Travail et celui de la Fonction publique y sont restés. Les deux sont les premiers interlocuteurs du mouvement syndical national et à ce titre, la formation du gouvernement nous satisfait, car c’est bien que les interlocuteurs demeurent les mêmes.

En ce qui concerne l’entièreté du gouvernement, nous ne connaissons pas tout le monde, mais il y en a avec qui nous avions l’habitude de travailler. C’est le cas du ministre des Mines, des Carrières et de l’Energie, Lamoussa Kaboré, qui est l’ancien DG de la SONABEL où le mouvement syndical a du poids avec trois centrales syndicales qui y sont représentées.

Nous pensons que son arrivée aux Mines n’est pas mauvaise dans la mesure où nous avions de grosses difficultés dans le secteur des mines notamment l’utilisation de produits nocifs et les licenciements abusifs sur certains sites comme Kalsaka.

Parmi ceux que nous ne connaissons pas, il peut y avoir deux ou trois qui sont antitravailleurs mais ce n’est pas grave car ils sont venus pour remplir une mission ; alors ils seront obligés de s’aligner ou de se démettre. Il y a des améliorations dans beaucoup de secteurs comme l’eau, l’éducation, la sécurité et la santé mais elles sont à parfaire.

D’autre part, nous constatons le retour du Dr Jérôme Bougouma qui était l’un des interlocuteurs les plus avisés du mouvement syndical burkinabè. Nous nous réjouissons donc de son retour. Les questions de faits divers et de vie privée ne devraient pas jouer sur la vie de l’Etat.

Nous n’encourageons pas l’immoralité mais nous disons que c’est un fait divers et nous nous réjouissons que le chef du gouvernement ait ramené cet homme de dialogue, réfléchi, qui a été l’un des chercheurs du programme africain pour l’engagement syndical. Nous pensons que cette administration ira de l’avant.

Albert Zongo, étudiant en Communication et Journalisme « Pourquoi rappeler quelqu’un qui était parti de lui-même ? » : Il faut reconnaître qu’il y a un travail qui a été fait par le gouvernement sortant et qui est à saluer. C’est bon qu’il y ait un nouveau gouvernement, mais je trouve qu’il y a beaucoup trop de ministres.

38 ministres, c’est trop pour un pays pauvre comme le Burkina et on a l’impression que l’on a récompensé certains pour leur coup de main lors de l’élection présidentielle. Il y a aussi le retour du ministre qui a démissionné. Pourquoi rappeler quelqu’un qui était parti de lui-même ?

Je me demande aussi à quoi sert un ministère du Cabinet présidentiel. Et il y a aussi le fait que celui qui a connu des problèmes dans la résolution de la question des délestages ait été promu ministre de l’Energie, on attend donc ses résultats.

Je ne comprends pas non plus la division en deux du ministère de l’Enseignement secondaire, ça n’en valait pas la peine, à mon avis. Puisque cette équipe gouvernementale compte plus de membres, on attend beaucoup d’eux.

Le Dr Emile Paré (MPS-PF) "C’est une équipe qui sera renouvelée après les réformes " : Je pense que c’est un gouvernement de continuité à savoir que le président a reconduit l’ancien Premier ministre qui, par voie de conséquence, a reconduit l’ancien gouvernement. Pourtant, l’opinion publique s’attendait à un gouvernement qui ira au charbon face aux engagements du chef de l’Etat pendant l’élection. Ce n’est pas un gouvernement postélectoral et il n’y a pas de signe de rupture.

La seule différence à mon sens, c’est le ministère chargé des Réformes politiques. Est-ce nécessaire de créer un tel ministère juste pour ces réformes ? Bien entendu, c’est une équipe gouvernementale qui sera renouvelée après les réformes politiques.

Koffi Amettepé, journaliste à "JJ" "Une contradiction avec un Burkina émergent" : C’est un gouvernement pléthorique avec des postes en contradiction avec le concept de Burkina émergent. Pour émerger, on n’a pas besoin d’un ministre d’Etat chargé des Réformes politiques. Le signal fort serait de créer un ministère d’Etat chargé de l’Education nationale ou de l’Agriculture.

Il n’était pas non plus nécessaire de créer un ministère chargé du Cabinet présidentiel qui ressemble plus à une récompense du directeur de campagne de Blaise Compaoré. Cela dit, il y a le ministère chargé de la Recherche et de l’Innovation mais il ne faut pas le confiner au rôle que joue le ministère chargé de la Prospective. Il doit être valorisé avec des moyens conséquents pour montrer que le gouvernement accorde de l’importance à cette question.

Député Achille Tapsoba (CDP) "L’ossature essentielle demeure" : Ce gouvernement composé sur proposition du Premier ministre, Tertius Zongo, a deux ambitions essentielles : parachever les chantiers amorcés et apporter des innovations dans les méthodes de travail ; ce qui justifie la création de nouveaux postes ministériels qui procèdent de la décomposition d’anciens postes, lesquels cumulaient plusieurs missions.

Nous avons par exemple le département de la Recherche qui se détache pour devenir un ministère plein avec pour élément supplémentaire, l’innovation. L’Education nationale revient et montre la volonté du gouvernement de dépasser le simple concept de l’enseignement de base pour mettre l’accent sur les valeurs éducatives et l’éducation de façon générale.

Le ministère du Tourisme aussi s’est détaché de l’Information ; ce qui montre que désormais l’accent sera mis sur une stratégie de communication renforcée avec comme ambition de s’approcher davantage des gouvernants.

L’ossature essentielle demeure mais on note l’arrivée de nouvelles personnalités qui sont en mesure d’aider le gouvernement à honorer ses engagements avec deux objectifs majeurs : la mise en œuvre du programme quinquennal du Président dans son volet réformes politiques et institutionnelles, qui a nécessité la création d’un ministère entier et la mise en œuvre de la stratégie de Croissance accélérée pour le développement (SCAAD). Nous souhaitons que cela soit un gouvernement très politique, présent à tous les niveaux et reste en contact avec les populations de base.

Boureima Ouédraogo, journaliste (Le Reporter) "On a fait du neuf avec du vieux" : La première remarque que je fais, c’est le nombre pléthorique de ministres, 38 au total, dans ce gouvernement. Est-ce pour une recherche d’efficacité ou une façon de partager les postes ? On avait annoncé un remaniement à 50% mais on constate qu’il y a 5 partants et 9 entrants.

Un des faits marquants, c’est le retour de Jérôme Bougouma qui a démissionné il y a moins d’un an et qui a fait son retour en force au ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Je constate également qu’il y a trois ministères à la Présidence du Faso dont un en charge des Réformes politiques, qui confirme qu’on va véritablement vers les réformes annoncées.

Je crains cependant qu’on ait un gouvernement parallèle avec la Présidence et un autre qui réponde du Premier ministre. De façon globale, je n’attends pas à mieux que ce qu’à fait le précédent gouvernement parce qu’on a fait du neuf avec du vieux. Pourtant, on parlait d’attentes non comblées de certains ministres mais je ne sais pas ce qui a prévalu au choix des hommes. C’est au pied du mur qu’on connaît le bon maçon et on attend de voir ce que les nouveaux pourront apporter.

Abdoul Karim Ouédraogo, syndicaliste "Le Premier ministre n’aura pas de marge de manœuvre" : Je pense que les gens sont restés sur leur faim par rapport au changement attendu. Si les objectifs n’ont pas été atteints avec l’équipe précédente, ce n’est pas un petit changement qui va apporter quelque chose.

C’est un gouvernement politique avec la création d’un ministère d’Etat chargé des Réformes politiques et les nouveaux ministres sont des cadres du parti au pouvoir. Le Premier ministre n’aura pas de marge de manœuvre facile. Il aurait fallu un gouvernement de technocrates pour impulser une nouvelle dynamique.

Me Bénéwendé Sankara (chef de file de l’opposition) "Il n’y a pas eu de nouveau gouvernement" : Il n’y a pas eu de nouveau gouvernement. C’est le même gouvernement, avec un nombre de pléthoriques de ministres pour un pays pauvre très endetté, un gouvernement de continuité avec quelques innovations qui intègrent la problématique des Réformes politiques et les récompenses des amis comme la création d’un ministère pour le directeur de campagne.

On note l’arrivée de Salif Kaboré, qui était à la tête de la SONABEL où on a connu des délestages, et celle de Jérôme Bougouma, qui avait démissionné du gouvernement pour convenance personnelle. Je ne sais pas à quoi leur choix a obéi. Certains départs comme ceux de Clément Sawadogo et Zakalia Koté sont justifiés par l’organisation calamiteuse de l’élection présidentielle avec une carte d’électeur jugée illégale.

Cela dit, le nouveau ministre de l’Administration territoriale a fait ses preuves dans le dialogue quand il était au ministère du Travail et on espère que le dialogue va se poursuivre avec l’opposition.

Quant au Dr Arsène Bongnessan Yé, il a le profil et l’expérience pour avoir été président de l’Assemblée nationale et membre de plusieurs commissions, institutions supranationales sur les questions de renforcement de la démocratie.

Il préside même une ONG sur la démocratie. Mais, je me demande si le "chef de terre" n’est pas un simple chef et s’il aura les coudées franches pour mener le travail. D’ores et déjà, je proscris toute idée de réforme qui cache des intentions inavouées de tripatouillage de l’article 37.

Il faut aller vers des réformes utiles pour l’enracinement de la démocratie. Il faut tenir compte des aspirations des populations, et l’exemple de la Tunisie doit nous édifier.

L’Observateur Paalga

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