Dans le cas tunisien, Kadhafi aurait dû se taire à l’instar des autres dirigeants des pays arabes. Ne dit-on pas souvent que le silence est d’or et la parole traîtresse ? En fait, on imagine bien le guide libyen accorder l’asile à Ben Ali, soit. Mais de là à le soutenir bec et ongles dans une tentative de restauration de l’ordre ancien, c’est tout de même osé de la part de l’homme fort de la Jamahiriya. Heureusement que Ben Ali et sa suite sont si loin de la Tunisie. Quant au guide libyen, il devrait plutôt s’inquiéter de ce précédent historique dans un Maghreb qui a, jusque-là, été une exception démocratique dans laquelle des régimes militaires se sont subtilement revêtus de la tunique de démocrates, avec la bienveillance de l’Occident. Est-il nécessaire de rappeler à tous ceux qui demandent son retour, que Ben Ali a fui de lui-même ? Ce n’est pas un coup d’Etat et jusqu’à preuve du contraire, on assiste jusque-là à une transition constitutionnelle.

Ce qui est arrivé en Tunisie peut arriver partout, dans tous les pays dirigés par des chefs d’Etat aux longs règnes. Cela dit, une chose est de combattre une dictature, une autre est de pouvoir construire une nouvelle transition démocratique sans heurt. Le peuple tunisien a, certes, fait le plus difficile mais le chantier qu’il s’est ouvert est parsemé de risques divers qui peuvent plonger le pays dans une sorte de chaos. Il n’est pas facile de succéder à un régime de plus de vingt ans. On l’a vu en Guinée, en RD Congo et même au Togo. La question la plus importante est de mettre fin à l’insécurité et de renouer les fils du dialogue social et politique. Les forces vives du pays doivent se parler sans exclusive et déterminer ensemble un consensus politique sur les réformes de l’après-Ben Ali. Il s’agit de renforcer les libertés, la démocratie et les bases d’une économie qui a déjà fait ses preuves en y ajoutant un brin de bonne gouvernance.

Les partisans de Ben Ali doivent se rendre à l’évidence qu’il s’agit de la fin des haricots. Il s’agit, pour eux, d’avoir un sens de l’histoire et de ne pas rater ce train du renouveau démocratique en entretenant le chaos. Ceci est valable également pour tous les exclus du système Ben Ali. Que ce soit les communistes purs et durs ou les islamistes radicaux, leur retour ne doit pas se faire sous le signe de la vengeance ou du règlement de comptes. La réconciliation nationale est à ce prix, si l’on veut donner un nouveau départ à ce pays et le maintenir dans le sillage des pays africains émergents. N’en déplaise à Kadhafi, l’ère Ben Ali est bien terminée.

Abdoulaye TAO

Le Pays