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Tertius Zongo reconduit dans ses fonctions de Premier ministre. Il demeure « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut »

Publié le vendredi 14 janvier 2011 à 17h48min

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Tertius Zongo a été reconduit dans ses fonctions le 13 janvier 2011

C’était au début du printemps 2007. Me recevant en tête-à-tête à Ouagadougou, le président Blaise Compaoré - qui se préparait à boucler le cap des vingt années au pouvoir - me disait, alors que nous évoquions la personnalité et le savoir-faire de Tertius Zongo, ambassadeur du Burkina Faso à Washington (où se trouvent aussi les sièges de la Banque mondiale et du FMI, ceci expliquant cela), qu’il était « l’homme qu’il fallait, à la place qu’il fallait ».

Quelques semaines plus tard, Zongo sera nommé au poste de Premier ministre. Il y prenait la suite de Paramanga Ernest Yonli qui avait établi un record de longévité dans la fonction : un quasi septennat ! Zongo est bien parti, lui aussi, pour durer ; mais, sans doute, pas plus qu’un quinquennat (et il n’a pas encore battu, non plus, le record de longévité du prédécesseur de Yonli, Kadré Désiré Ouédraogo : près de cinq ans). Nommé au lendemain des législatives, le 4 juin 2007, Zongo reprend du service au lendemain de la présidentielle 2010 et va donc se trouver confronté à une prochaine échéance électorale : les législatives de 2012 qui concerneront, directement, l’action de son gouvernement. C’est dire qu’il a du temps devant lui ; mais plus que le temps (qui, en Afrique, est toujours une donnée relative), c’est une conjoncture (nationale et régionale) délicate qu’il va lui falloir affronter.

Démissionnaire le mercredi 12 janvier 2011, Zongo a été reconduit à la tête du gouvernement dès le lendemain, jeudi 13 janvier 2011. Pas de surprise. Pas de spéculation sur l’arrivée d’une nouvelle tête ; mais l’impatience des commentateurs était patente depuis l’investiture du chef de l’Etat (mardi 21 décembre 2010 soit un mois jour pour jour après son élection) et la fin de la « trêve des confiseurs ». Il est vrai que la période (avec la célébration du « Cinquantenaire » et les fêtes de fin d’année dans la foulée de la présidentielle) ne se prêtait pas à un calendrier serré ; et qu’il n’y avait pas d’urgence particulière. Bien au contraire : l’observation de l’évolution de la « crise ivoiro-ivoirienne » nécessitait qu’une vigie gouvernementale soit en place, même si la « stratégie » de ce dossier est gérée à Ouaga 2000.

La présidentielle 2010 a été une formalité. Elle s’est déroulée sans pression et sans passion. Et le gouvernement, malgré cette échéance, a pu vaquer à ses occupations dans une relative sérénité. Pour Zongo, cette année a été celle de la consolidation de la primature en tant que « institution républicaine de premier ordre ». Et c’est une nouveauté. Jusqu’à récemment, il y avait un homme qui exerçait la fonction de Premier ministre. Une fonction rétablie par la Constitution de la IVème République adoptée en 1991. En moins d’une décennie, cette fonction aura beaucoup évolué et il n’est pas d’exemple, en Afrique noire francophone, d’une évolution comparable de la fonction partout où elle a été instaurée. Simple collaborateur privilégié du président de la République (un point de vue qui, par ailleurs, était celui de Nicolas Sarkozy lors de ses débuts à l’Elysée), le Premier ministre a pris, au fil des ans, son indépendance et son autonomie. La délocalisation de la présidence du Faso à Ouaga 2000, tandis que la primature s’installait à Ouagadougou dans les anciens locaux de la PF, a renforcé son autonomisation.

Il y a un an, dans ses vœux pour 2010, Zongo, parlant de la primature, évoquait un « département ». Il s’agirait désormais d’une « institution » ; il dit même : « Une institution républicaine de premier ordre » qui a sa vie propre et entend être en prise directe avec les « citoyens » (d’où, nous rappelle Zongo, la journée « portes ouvertes » en 2010). La primature n’est donc plus qu’une cellule technique qui chapeaute l’administration, mais une « institution » avec ses rouages, ses hommes et ses femmes et ses convictions… politiques. Les Annales du Premier ministre, dans son édition 2009 (en fait sa première édition), soulignaient déjà : « La nature juridique du régime politique de la IVème République est indéterminée […] Bien que ses prérogatives soient fixées par la Constitution, le Premier ministre peut exercer un pouvoir plus ou moins étendu en fonction de plusieurs facteurs : la personnalité, le style de chaque Premier ministre, la confiance et le soutien dont il dispose, aussi bien du président du Faso qui l’a nommé, que de la majorité parlementaire censée le soutenir ». Ce texte ajoutait : « Faut-il en déduire que son autorité politique pourrait davantage s’affirmer s’il disposait d’une majorité parlementaire distincte, indépendante de celle du président dans le cadre d’une « cohabitation » ? On peut en douter, car, quelle que soit la majorité parlementaire, le président du Faso, chef de l’Etat, dispose du pouvoir de fixer « les grandes orientations de la politique de l’Etat » […] Il faut craindre un jour, comme l’ont déjà exprimé plusieurs auteurs, que cela n’ouvre la porte à d’éventuels conflits en cas de discordance de majorités présidentielle et parlementaire ».

Le Burkina Faso n’en est pas là. Mais l’évolution de la primature est intéressante et sa perception comme « institution » (au même titre que la présidence du Faso ou l’Assemblée nationale) est une avancée politique. En Afrique francophone, le chef de l’Etat est la seule personnalité significative et tout se concentre autour de lui, de sa famille, de son entourage ; d’où les dérives que l’on voit ici et là. Au Burkina Faso, le pouvoir est de plus en plus « bicéphale » même si on constate « une nette primauté du président du Faso » (je reprends, là encore, les termes des Annales).

J’avais déjà mis l’accent sur cette évolution (cf. LDD Burkina Faso 0211 à 0215/Lundi 29 mars à Vendredi 2 avril 2010), liée à la personnalité de Zongo mais aussi à l’évolution « historique » du Burkina Faso. Compaoré, omniprésent dans les affaires régionales, l’est moins dans les affaires intérieures ; du même coup, le Premier ministre peut occuper le terrain. Il est concevable, d’ailleurs, qu’après pas loin d’un quart de siècle au pouvoir, Compaoré souhaite prendre ses distances avec la gestion étatique quotidienne. Il veut un « Burkina Faso émergent et rayonnant » (discours d’investiture du 21 décembre 2010) quand son Premier ministre évoque un « Burkina Faso émergent et prospère » (vœux du nouvel an 2011 de Zongo). C’est dire que l’un doit s’atteler aux affaires extérieures quand l’autre doit prendre en compte, prioritairement, les affaires intérieures et l’économie ; étant entendu, par ailleurs, qu’il n’y a pas de « rayonnement » durable sans « prospérité » effective.

On ne peut pas ne pas trouver qu’il y a là, dans cette complémentarité de l’action (et qui est bien plus qu’une complémentarité, une synergie, une interactivité) entre le président du Faso et le Premier ministre, une « modernité » que l’on n’est pas habitué à rencontrer en Afrique noire. Je ne préjuge pas de la qualité des hommes ; j’évoque seulement la qualité organisationnelle des « institutions » ; sans oublier que la primature dispose également d’une « tutelle directe » sur un certain nombre de structures autonomes de « régulation » (ARCE, ARMP, ARSE, etc.).

« Ardeur au travail » et « renforcement de la gouvernance » seront ainsi, selon Zongo, les « principes d’un management-orienté-résultats » (concept « marketing-coaching » vulgarisé au Burkina Faso par André A. Karim Traoré, patron du cabinet Perfectum Afrique). Il restera aux prochains ministres de ne pas perdre de vue que la « performance » de l’administration centrale doit profiter, aussi, aux moins bien lotis de la société burkinabè et que la proximité entre la classe politique dirigeante et les « citoyens » a été, par le passé, une des clés de l’évolution de ce pays. Or, la fracture tend a être de plus en plus forte. La présidentielle 2010 l’a montré.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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