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EVENEMENTS DU 3 JANVIER 1966 : Répliques au Colonel Yembi Barthélemy Kaboré

Publié le vendredi 14 janvier 2011 à 00h23min

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Le colonel Yembi Barthélémy Kaboré

L’interview du colonel Yembi Barthélémy Kaboré, publiée dans notre édition n°4774 du vendredi 31 décembre 2010 au lundi 3 janvier 2011, portant sur le soulèvement populaire du 3 janvier 1966, fait des vagues. En effet, les auteurs des droits de réponse ci-après disent vouloir redresser des "déclarations hasardeuses" et rétablir la vérité. Pour des raisons d’éthique et de déontologie, des passages ont été biffés dans les deux textes. Ils sont matérialisés par des points de suspension entre parenthèse.

Monsieur le Directeur, J’ai été, à un moment donné, un lecteur assidu du journal “ Le Pays ”, dont j’apprécie le sérieux. Aujourd’hui, à la retraite depuis fin 1999, je vis quasiment en campagne en vue de mener une activité paisible de retraité. Aussi, maintenant c’est occasionnellement que je lis les journaux. C’est ce qui explique le retard avec lequel, je réagis à l’interview du colonel Yembi Barthélémy Kaboré, parue dans votre journal n°4774 du vendredi 31 décembre 2010 au lundi 03 janvier 2011, intitulée “ C’est nous qui avons arrêté Maurice Yaméogo”.

Avec tout le respect que j’ai, d’abord, pour le corps de la Gendarmerie, auquel appartient l’intéressé, ensuite pour son grade de Colonel et enfin pour ses 73 ans, je tiens à réfuter catégoriquement les déclarations du Colonel Kaboré. Je le fais à la fois en tant que citoyen, témoin des évènements du 3 janvier 1966 et en tant que fils adoptif de feu Bégnon Koné, ancien président de l’Assemblée nationale, au sujet duquel le colonel Kaboré fait une affirmation mensongère et outrageante. Tout d’abord, l’interprétation que donne le Colonel Kaboré des causes du soulèvement du 3 janvier 1966 me paraît curieuse et contestable. En effet, utilisant un raccourci historique audacieux, il fait remonter l’origine de ces évènements à la partition du pays en 1932 et à une action de représailles qui aurait été exercée par la France, à la suite de la décision prise par le président Yaméogo de ne pas maintenir la présence de l’armée française en Haute-Volta, à l’occasion de l’accession du pays à l’indépendance. Faut-il comprendre par là que la population s’est soulevée parce qu’elle était mécontente des conditions du rétablissement du territoire de la Haute-Volta en 1947 ?

Est-il raisonnable de laisser entendre que la France aurait utilisé notre gendarmerie nationale pour provoquer le renversement du régime du président Yaméogo ? Tout cela n’est pas sérieux. A mon humble connaissance, le 3 janvier a été l’aboutissement d’une lutte syndicale autour des points suivants : le rabaissement des salaires de 20 %, le reproche fait au président Yaméogo d’entretenir un train de vie somptuaire (cristallisé sur le coût de son récent mariage) et, accessoirement, la méfiance suscitée par le projet de double nationalité entre la Haute-Volta et la Côte d’Ivoire. A cette lutte syndicale s’est grevée une action politique conduite par divers leaders, Joseph Ki-Zerbo, Ali Lankoandé, Joseph Ouédraogo, etc. Je m’en remets, sur l’analyse de ces faits, à la mémoire et à l’objectivité de voix plus autorisées que la mienne : syndicalistes et historiens, témoins sérieux. Venons-en aux affirmations incongrues concernant le président de l’Assemblée nationale de l’époque, feu Bégnon Koné.

Le colonel Kaboré déclare : “ Tout était débordé. Le président de l’Assemblée nationale, Bégnon Koné, a fui ” et, répondant à une question du journaliste, il précise “ oui, il a pris la fuite et est allé rejoindre la colonne de Ki-Zerbo”. Je ne sais pas s’il faut rire ou s’offusquer d’une telle affirmation (...). Pour l’information des plus jeunes de nos compatriotes, je rappelle que nous étions, à l’époque, sous le régime d’un parti unique : l’Union démocratique voltaïque– Rassemblement démocratique africain (UDV/RDA). Ce parti était activement combattu par une opposition clandestine, comprenant notamment le Mouvement de libération nationale (MLN) dont le dirigeant emblématique était le Professeur Joseph Ki-Zerbo, farouche adversaire de l’UDV/RDA et du régime en place.

Les manifestations du 3 janvier se sont déroulées en plein jour. Bégnon Koné était, à l’époque, en tant que président de l’Assemblée nationale, le deuxième personnage du régime. Il était l’un des principaux leaders de l’UDV/RDA et donc une figure connue. S’il a fui pour rejoindre la colonne de Ki-Zerbo, comme l’affirme le colonel Kaboré, les manifestants ne l’ont-ils pas reconnu à leurs côtés ? Si tel était le cas, n’aurait-il pas été molesté par les manifestants ou arrêté sur place ? Mon colonel, je vous prends au mot, car c’est vous-même qui déclarez que “ ce que les Voltaïques n’aiment pas, c’est qu’on s’attaque à leur famille, à leurs parents, etc.” Et j’ajoute, surtout lorsque ceux-ci ne sont plus de ce monde. En bon Africain et digne Burkinabè, je considère que tous les morts ont droit au respect de leur mémoire, qui commence par le respect de la vérité sur leurs faits et gestes passés. Vous avez manqué à ce respect par forfanterie et par une légèreté blâmable. Voici mon témoignage.

Le 3 janvier 1966, feu Bégnon Koné est passé brièvement à son bureau, à l’Assemblée nationale, avant le démarrage des marches insurrectionnelles. Il a ensuite rejoint le président Maurice Yaméogo au Palais présidentiel. Il y est resté jusqu’à la démission du président. Tard dans la nuit, il a regagné sa résidence officielle avec son chauffeur et son garde du corps. Soumis à un régime rigoureux de résidence surveillée, il n’a quitté son domicile que quelques jours plus tard (je ne me souviens pas de la date), pour être mis en détention dans un camp militaire. Son arrestation, intervenue la nuit, a été opérée par deux officiers (je crois qu’ils étaient lieutenants) dont l’un était feu Henri Zongo, qui deviendra l’une des figures de proue de la révolution burkinabè. Tels sont les faits qu’il m’a paru utile de porter à la connaissance de vos lecteurs, pour redresser les déclarations hasardeuses et fantaisistes du colonel Kaboré. Quant à vous, Messieurs les responsables du journal “ Le Pays ”, je voudrais vous dire que votre quotidien cultive traditionnellement un souci de l’objectivité qui emporte ma plus haute estime. Sachez garder haut le flambeau que vous a légué le fondateur de ce journal, en étant plus regardants sur ce que les uns et les autres peuvent déclarer dans vos colonnes, tout en reconnaissant à chacun sa liberté d’expression.

Moussa Jérémie SAGNON Fonctionnaire à la retraite à Labola/Tiéfora Province de la Comoé : Un autre son de cloche

Votre édition n° 4774, du vendredi 31 décembre 2010 au lundi 3 janvier 2011, publie en page une et suivantes, une interview du Colonel Yembi Barthélémy Kaboré, gendarme à la retraite qui, relatant ses souvenirs du soulèvement populaire du 3 janvier 1966, déclare que le président de l’Assemblée nationale de l’époque, Bégnon Koné “ a pris la fuite et est allé rejoindre la colonne de Ki-Zerbo ”. Je suis Fulgence Anselme Koné, l’un des fils de feu le président Bégnon Koné. Mon droit de réponse vise à rétablir la vérité des faits. Je laisse au Colonel Yembi Barthélémy Kaboré la responsabilité de ses déclarations à caractère diffamatoire.

Dans la journée du 3 janvier 1966, après être passé par son bureau à l’Assemblée nationale, notre père a passé l’essentiel de son temps au palais présidentiel avec le président Maurice Yaméogo. Dans la soirée, après avoir pris congé du président, il est retourné volontairement, conduit par le chauffeur de l’Assemblée nationale, M. François Bamouni, et accompagné par son aide de camp, dans sa résidence officielle. Les forces de l’ordre, commandées par 2 officiers dont le lieutenant Henri Zongo, l’y ont maintenu en résidence surveillée avec sa famille, jusqu’à ce qu’il soit placé en détention, au camp militaire de Balolé.

Affirmer qu’il aurait pris la fuite pour aller rejoindre les manifestants qui réclamaient la chute du régime dont il était le second personnage est non seulement faux, mais aussi totalement “ abracadabrantesque ”. Le “ témoignage ” du Colonel Yembi Barthélémy Kaboré qui, de son propre aveu, occupait un rang subalterne dans l’armée à cette époque, est une réécriture inadmissible de l’Histoire. (...) Je souhaite simplement que la vérité soit rétablie pour l’Histoire du pays et l’information des citoyens, notamment les descendants de feu le président Bégnon Koné.

Fulgence Anselme Koné

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 14 janvier 2011 à 12:22, par Conscience En réponse à : EVENEMENTS DU 3 JANVIER 1966 : Répliques au Colonel Yembi Barthélemy Kaboré

    Le plus souvent, nos frères militaires, de par la facilité qu’ils ont à avoir accès à un peu partout, viennent nous dire des mensonges pour se vanter de leur importance. Imaginer, un militaire qui raconte qu’il a dejeuné avec le Président du Faso ou qu’il est ceci, cela. Qui peut croire un instant que cela peut être faux. Nos frères militaires aiment trop souvent se donner beaucoup d’importance en mentant sur les hautes personalités du pays.
    Donc, ce n’est pas étonnant que ce Colonel invente des mensonges pour se faire voir, se faire entendre sur le dos même de ceux qui ne sont plus de ce monde.
    Mais qu’est ce qu’ils y gagnent avec tout cela ?

  • Le 14 janvier 2011 à 12:50 En réponse à : EVENEMENTS DU 3 JANVIER 1966 : Répliques au Colonel Yembi Barthélemy Kaboré

    Vous savez l histoire est une succession d evenement dont chacun peut donner une interpretation personnelle selon sa conviction politique religieuse ou culturelle je penes qu’il sera sage de se departir de replique qui auront des consequences tres blessante ;tout le monde a ete pour quelque chose a quelque part et vive tout le monde

  • Le 14 janvier 2011 à 16:48, par karamba En réponse à : EVENEMENTS DU 3 JANVIER 1966 : Répliques au Colonel Yembi Barthélemy Kaboré

    Le diable est dans les détails : Feu Henri ZONGO était déjà lieutenant en 1966 et seulement capitaine en 1983 ?

  • Le 14 janvier 2011 à 17:16 En réponse à : EVENEMENTS DU 3 JANVIER 1966 : Répliques au Colonel Yembi Barthélemy Kaboré

    A l’intervenant de 12 h 50
    L’histoire n’est ni une succession d’événements encore moins une interprétation selon nos convictions politiques, religieuses... Ce serait alors comprendre l’histoire comme une fiction.
    Aussi, quand on veut donner un témoignage à portée historique, il faut faire un effort d’objectivité, tendre vers le vrai ! Que le colonel veuille donner sa lecture, son opinion, soit, mais qu’il ne fasse pas passer cela pour de l’Histoire.
    Merci.

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