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La victoire à la présidentielle 2011 de Abdoulaye Bio Tchané serait aussi la défaite des réseaux « évangéliques » au Bénin (2/2)

Publié le jeudi 13 janvier 2011 à 01h57min

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Abdoulaye Bio Tchané

Ministre de l’Economie et des Finances du Bénin, de 1999 (mais il était ministre des Finances depuis 1998) jusqu’à la fin de l’année 2001, Abdoulaye Bio Tchané avait alors, me confiera-t-il, « une ambition dévorante pour l’économie béninoise ».

« Mon objectif, m’affirmait-il, c’est plus de richesse encore pour le Bénin et les Béninois. Nos populations doivent toucher les dividendes financiers de notre démocratisation politique. La démocratisation, c’est bien. Mais il ne faut pas que le peuple se sente le laissé-pour-compte et que la pauvreté gagne davantage de terrain. Même ceux qui sont engagés de façon volontariste dans le politique, je ne suis pas sûr qu’ils y gagneront quelque chose. Ce que je regarde chaque jour, c’est ce que je peux faire là où je suis pour l’amélioration de la vie quotidienne de la population. C’est cela la finalité d’une action politique ».

Et quand, le jeudi 27 septembre 2001, j’évoquais avec lui l’étonnante destinée du Bénin, passant en une décennie du marxisme-léninisme (version stalino-tropicalisée) à un libéralisme qui n’était pas sans résultats, laissant penser que, peut-être, l’avenir lui réservait d’autres horizons, il m’arrêtera aussitôt, ajoutant cependant : « Je ne suis pas naïf au point de croire qu’il y a une séparation étanche entre le politique et l’économique. Il y a une relation. Il ne peut y avoir de bonne gestion macro-économique, la croissance, le recul de la pauvreté, etc. si vous ne prenez pas de bonnes résolutions en matière de recul de la corruption et en matière de bonne gouvernance. Autrement, vous vous enlevez tout simplement les moyens de votre action. Il y a là une relation évidente. Mais je crois que dans cette relation il y a une répartition des rôles qui doit être assurée entre les dirigeants. C’est à cet équilibre là que le chef de l’Etat est appelé à veiller ».

A cette époque, Bio Tchané était préoccupé par la situation économique que connaissait la Côte d’Ivoire compte tenu, déjà, des tensions politiques : « Nous avons besoin d’une Côte d’Ivoire forte dans la sous-région et notre souhait c’est que la Côte d’Ivoire en soit, comme par le passé, la locomotive ». De la même façon, il entendait que le port de Cotonou accroisse son efficacité et sa compétitivité pour se réaffirmer « la porte d’entrée naturelle pour le Niger ». Industrialisation du secteur cotonnier et intégration du secteur, accueil d’entreprises du tertiaire délocalisées, emploi des jeunes (« Nous pouvons être fiers de la volonté de nos jeunes de se former tous les jours, d’être au plus haut niveau dans leur secteur d’activité »), dialogue entre le secteur privé et le secteur public, refus de la pensée unique, liberté de la presse… tout ce que dit ABT aujourd’hui, à la veille du lancement de la campagne pour la présidentielle, se trouvait déjà chez Bio Tchané, il y a dix ans.

Entre-temps, il aura retrouvé Washington. Au cours de l’été 2001, le FMI avait recherché un nouveau directeur pour son département Afrique. Bio Tchané postulera et sera choisi. Il prendra ses fonctions au début de l’année 2002. De cette période, je retiendrai une phrase : « On ne pourra ressentir un changement important dans le vécu quotidien des populations que lorsque nous aurons une croissance plus élevée dans la durée, comme c’est le cas en Asie. Si vous avez un taux de croissance de 8 à 10 % pendant dix ans, vous avez des résultats qui sont largement partagés par tout le monde. C’est à cet impact qu’il faut parvenir ».

Au Bénin, en 2006, Kérékou sera remplacé à la présidence de la République par Thomas Yayi Boni. Depuis le 22 décembre 1994 (mais il n’avait pris ses fonctions que le 6 février 1995), celui-ci était président de la BOAD. Son élection laissait donc le siège vacant. L’intérim sera confié au vice-président, le Malien Issa Coulibaly. Les chefs d’Etat des pays membres de l’UEMOA vont s’efforcer, chacun, de faire nommer leur poulain. En vain. Le Bénin entendait conserver son fief de la BOAD de la même façon que la Côte d’Ivoire revendiquait le gouvernorat de la BCEAO. Il faudra attendre près de deux ans pour qu’un nouveau président soit l’objet d’un consensus. Ce sera Bio Tchané (parmi les noms qui circulaient alors figuraient ceux de Pascal Irénée Koupaki, de Soulé Mama Lawani, de Christian Agossa…). Pour six ans ! (ce qui implique qu’il va lui falloir démissionner de son poste pour se présenter à la présidentielle et qu’il va falloir lui trouver, quoi qu’il arrive, un remplaçant).

La BOAD, sous Boni Yayi, n’était pas à la « une » de l’actualité économique et politique ouest-africaine. Bio Tchané va en faire une institution financière incontournable et, dans le même temps, un think tank sur les affaires de l’Afrique et du monde. L’homme de l’ombre, conscient de ses qualités, va se placer plus souvent sous la lumière ; avec toujours ce qu’il faut de retenue et de « technicité » afin de ne pas apparaître comme un homme ambitieux. Mais chacun savait, déjà, que n’ayant pu être candidat à la présidentielle de 2006, il pouvait envisager de l’être en 2011.

Il l’est. C’est fait. Et le tête-à-tête entre Adrien Houngbédji (candidat de l’Union fait la nation - UN - qui regroupe les principaux partis d’opposition) et Boni Yayi (s’il se présente) va être sérieusement chahuté par cette candidature annoncée mais longtemps différée. Ainsi va le Bénin, d’alternance en alternance. Il est incontestablement le pays d’Afrique qui, jusqu’à présent, a compté le plus de présidents de la République ; le prochain sera le… treizième (ce qui ne manque pas d’être remarquable si on prend en compte que Kérékou a été au pouvoir, au total, « révolution » + « démocratie », plus de vingt-deux ans).

A l’instar de Boni Yayi en 2006, ABT est un candidat sans parti (mais non sans partisans). Mais, également, sans « casseroles » (qui ne manquent pas du côté du pouvoir actuel comme de l’opposition). Et, à l’instar du « sortant », c’est un candidat du « Nord ». Il présente l’énorme avantage d’être, pour la classe moyenne béninoise, un homme capable de sortir le pays de l’ornière dans laquelle il se trouve englué. Les Béninois se sont lassés, effectivement, de cette image (qui est aussi une réalité) de pays « mafieux » où la corruption a été érigée en art de vivre (et même de très bien vivre) en connexion avec les organisations « évangéliques » (la meilleure illustration en est « l’affaire ICC Services » qui a permis l’émergence de… « Madoff béninois »).

La rigueur islamique (« intégrité, humilité, sens de l’honneur et respect de la parole donnée sont les valeurs morales que m’ont enseigné mes parents » souligne ABT), additionnée à celle héritée des meilleures années de la « Révolution », face au laxisme - et le mot est faible - des « évangéliques », autant dire que l’entourage du chef de l’Etat peut se faire du souci si ABT l’emporte. Non pas qu’il soit un islamiste radical, loin de là (il a été élevé dans une famille multiconfessionnelle et son deuxième prénom, Comlan, lui vient de la première épouse de son père, une catholique originaire de Cové dans le Zou), mais il n’est pas enclin à accepter le laisser-faire ni le laisser-aller.

Et on peut penser que les milieux « évangéliques » (je guillemette systématiquement ce mot pour ne pas laisser penser que je fais l’amalgame entre ce qui se pratique, en la matière, au Bénin, en Côte d’Ivoire - ou ailleurs - et les adeptes sincères de ce culte) vont s’atteler à empêcher sa victoire, eux qui ont largement profité du laisser-faire et du laisser-aller de l’actuel régime en la matière.

Je ne doute pas non plus que pour y parvenir, ils pourront compter sur les « gbagboïstes » qui n’ont pas envie de voir s’installer à Cotonou un homme dont le profil et le parcours ne sont pas sans rappeler ceux de Alassane Ouattara. Ce peut être, d’ailleurs, une raison de plus d’espérer que ABT l’emporte. Le poids des réseaux politico-« évangéliques » est parfois pesant dans la vie quotidienne de certains Etats africains.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 12 janvier 2011 à 18:16, par Akouémé En réponse à : La victoire à la présidentielle 2011 de Abdoulaye Bio Tchané serait aussi la défaite des réseaux « évangéliques » au Bénin (2/2)

    Du bla bla bla comme toujours Moinsieur quand ce mopnsieur écrit.

    Quel l’audateur

  • Le 13 janvier 2011 à 08:00, par Le Penseur Libre (LPL) En réponse à : La victoire à la présidentielle 2011 de Abdoulaye Bio Tchané serait aussi la défaite des réseaux « évangéliques » au Bénin (2/2)

    Votre article, Monsier FREJOT fait l’apologie de l’Islamisme comme système de bonne gouvernance de choix pour l’Afrique, il me semble, à bien lire la biographie que vous avez faite de ABT et auquel vous opposez systématiquement le "Laissez-Aller" des "Evangéliques". Celà me surprend beaucoup, car je pense pour ma part que la bonne gouvernance n’a rien à voir ni avec les "évangéliques", ni avec les "islamistes" du fait que tous nos Etats et régimes politiques africains se réclament "Laïcs" et le sont de fait, de par les Constitutions en vigueur. Elle a surtout à voir avec la qualité intrinsèque des hommes et des femmes qui exercent ce pouvoir politique, c’est-à-dire qui ont UN IDEAL DE SOCIETE EN TETE POUR LEUR PEUPLE, QUI RESPECTE LA PAROLE DONNEE ET QUI SONT HONNETES DANS LEUR COMPORTEMENT QUOTIDIEN.Toutes ces qualités semblent être une vraie chimère pour la majorité de nos gouvernants et c’est bien dommage. Pour le cas de la Côte d’Ivoire, venons-en, ya qu’à considérer seulement ce que GBAGBO a déclaré en direct à la Télé au cours de son Face-à-Face avec ADO (Alassane Dramane Ouattara) et son comportement actuel. Le Jour et la Nuit, SVP ! Alors, si les hommes qui nous gouvernement ne sont pas conséquent dans leurs démarches de gestion du pouvoir d’Etat, peu importe ce qu’ils peuvent dire et même je dirais, peu importe leur Formation de Base ! GBAGO n’est-il pas HISTORIEN ? Que fait-il de l’Histoire des chefs d’Etats qui ont voulu s’imposer par la force comme Idi Amin DADA, BOKASSA, MOBUTU et autres ?

  • Le 13 janvier 2011 à 10:18 En réponse à : La victoire à la présidentielle 2011 de Abdoulaye Bio Tchané serait aussi la défaite des réseaux « évangéliques » au Bénin (2/2)

    Bon article, bien documenté !

    Pourquoi pas sa publication au Bénin ?

    C’est vrai, il n’y a plus de frontière, pour l’information.

    Merci, Monsieur.

  • Le 13 janvier 2011 à 14:16, par Charles Koffi En réponse à : La victoire à la présidentielle 2011 de Abdoulaye Bio Tchané serait aussi la défaite des réseaux « évangéliques » au Bénin (2/2)

    Article très pertinent qui nous éclaire hautement sur des situations de nos pays comme le bénin ou la cote d’ivoire. Effectivement quand on voit ce qui ce passe sur des chaine comme la rti où on a l’omniprésence des evangeliques ya de quoi s’inquiète pour la paix dans nos pays. On voit ce qui ce passe en Israël et en Palestine et on ne veut pas que ça arrive ici. On ne veut pas de règne des ces évangéliques à la tète de nos pays.

  • Le 13 janvier 2011 à 16:54, par ali En réponse à : La victoire à la présidentielle 2011 de Abdoulaye Bio Tchané serait aussi la défaite des réseaux « évangéliques » au Bénin (2/2)

    Article pertinent et contextuel ; il faut se rappeler du coup d’etat manqué des "Wali" encore ces illuminé ; en conclave dans un temple si bien nommé. mais faisons attention car le vent de l’evangelisme risque de reveiller les autres ismes qui les emporteront tôt ou tard dans la violence.

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