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Général Ali Traoré, Représentant spécial du Facilitateur Compaoré en Guinée : « S’il devait survenir des difficultés poste-électorales en Guinée, elles viendraient des réticences au changement de mentalités ».

Publié le mardi 11 janvier 2011 à 00h58min

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(Ph. B. PARE)

A l’image du Facilitateur Blaise Compaoré dans le processus de transition politique en Guinée , Ali Traoré se livre rarement aux shows médiatiques par rapport à sa mission de Représentant spécial du Médiateur, au point que beaucoup, en tout cas vu du Burkina, ne savent pas grand-chose de l’immense travail qu’il a abattu et continue d’abattre pour une sortie de crise heureuse au pays de Sékou Touré. Mais, le général de division de l’armée burkinabè, connu pour sa discrétion, est loin de perdre de vue l’exigence de communication qui entoure sa charge d’acteur de la paix en terre guinéenne. Aussi a-t-il bien voulu, à l’issue de son bref séjour au bercail pour passer les fêtes de fin d’année avec sa famille, accepter nous recevoir, en cette matinée du samedi 8 janvier, à son domicile à Ouagadougou à quelques heures seulement de son vol retour sur Conakry. Au menu de nos échanges à bâtons rompus : la situation politique poste-présidentielle en Guinée, les difficultés dans l’organisation du second tour du scrutin du 27 juin (...) et les législatives à venir. Interview exclusive.

Lefaso.net : Vous êtes le Représentant spécial du Facilitateur Blaise Compaoré à Conakry. Quel est l’objet de votre présence au pays en ce moment ?

Général Ali Traoré : Comme vous le savez déjà, je suis à Conakry pour représenter le Président du Faso dans la crise guinéenne. Je suis à Ouagadougou depuis une semaine (NDLR : Nous étions au samedi 8 janvier) pour fêter en famille. Nous avons eu, les membres de mon équipe et moi, quelques jours de congés pour venir fêter avec nos familles.

Quand comptez-vous retourner en Guinée ?

Nous repartons dès ce soir à Conakry.

En tant que Représentant du Facilitateur dans la crise guinéenne, quel est votre travail brièvement ?

Nous sommes une équipe de 5 personnes dont moi-même, à Conakry. Nous y sommes pour essayer d’accompagner le processus de paix. Nous avons fait en sorte que le processus aille de l’avant.

Justement, quel rôle avez-vous concrètement joué jusqu’à l’aboutissement du processus électoral ?

Notre rôle est la médiation. Lorsqu’il y a des problèmes, nous intervenons afin d’apaiser les tensions. Lorsqu’il y a eu des tensions entre les partis politiques, notre travail a été de nous concerter avec les chefs de partis afin de faire baisser la tension. Très souvent quand il y a des problèmes, les partis font appel au Médiateur ou à son Représentant, et ensemble nous essayons de faire en sorte pour que les choses puissent rentrer dans l’ordre.

Le processus électoral est arrivé à son terme avec la désignation de Pr Alpha Condé, comme Président élu. Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées dans l’accomplissement de votre mission ?

Nous n’avons pas rencontré des difficultés particulières. Mais, sur le terrain il y a eu effectivement quelques difficultés lorsqu’il était question de fixer la date pour les élections. Pour le premier tour, il n’y a pas eu de problème, puisque la date du 27 juin a été retenue par le Président de transition. Mais la date du second tour n’a pas été facile, cela a posé de gros problèmes dans la transition. Et il fallait faire des allez et viens entre les deux parties afin de trouver un juste milieu. A ce niveau, notre rôle avec les organisations nationales et internationales a été de faire en sorte que nous puissions tomber sur une date acceptable par les deux parties. Et, c’était le 7 novembre 2010.

Comment expliquez-vous qu’il y ait eu assez de temps entre la tenue du second tour et celle du premier tour, alors que la Constitution guinéenne a prévu au maximum 2 semaines entre les 2 tours du scrutin ?

C’est dû au fait que le premier tour s’est très mal passé. Il y avait un engouement pour cette élection présidentielle. Et un grand nombre de citoyens est effectivement sorti pour cette première phase du scrutin. Malheureusement, l’organisation n’a pas été parfaite. Il y a eu tellement d’insuffisances dans l’organisation du premier tour qu’on s’est donné suffisamment de temps pour les corriger afin d’arriver à un second tour plus calme.

Peut-on dire que ce second tour a été transparent ?

Oui, le processus a été transparent. Les observateurs du monde entier étaient là. En tant que Représentant du Médiateur, nous avons joué aussi notre rôle. En tout cas, à mon sens, le second tour a été transparent.

La Guinée a actuellement un président élu qui est le Pr Apha Condé et un gouvernement que dirige Dr Mohamed Saïd Fofana. Maintenant en quoi consiste votre travail ?

Notre travail continue dans le cadre du renforcement de la démocratie. Après l’élection présidentielle, Il y a les élections législatives qui doivent suivre. Dans l’Accord de Ouagadougou du 15 janvier 2010, il est mis en place un Conseil national de transition (CNT). Ce CNT doit être remplacé par une Assemblée nationale. Nous allons donc suivre les législatives qui vont aboutir à la mise en place de l’Assemblée nationale.

Ces législatives sont prévues pour quand ?

La date n’est pas encore fixée, mais elle ne devrait pas dépasser six mois. Jje lisais tantôt dans la presse guinéenne que le Pr Alpha Condé, le nouveau Président, veut revoir la liste électorale. Peut-être que cela fera durer un peu les choses.

Ne craignez-vous pas de rencontrer les mêmes problèmes que ceux du second tour de la présidentielle ?

Non. Je ne pense pas. Les enjeux ne sont pas les mêmes, même si c’est important d’avoir des députés. Et puis, il y a le fait que l’on a essayé autant que possible de corriger les erreurs du premier tour de la Présidentielle. Je pense qu’en tirant les enseignements des dysfonctionnements du premier tour du scrutin présidentiel, toutes les dispositions pourraient être prises pour une meilleure organisation des législatives à venir.

Mais, lorsque vous revenez au pays, comme c’est le cas en ce moment, y a- t-il toujours une continuité du travail de médiation sur le terrain ?

Normalement, Oui. Sauf que pour ces congés, c’est tous les membres de mon équipe qui sont rentrés pour passer les fêtes de fin d’année en famille. Sinon, généralement, il y a toujours une équipe sur place pour assurer la continuité.

Vous travaillez pour le renforcement du processus démocratiquement guinéen. Avez-vous une idée sur la fin votre mission ?

A mon sens, je pense que d’ici six mois, notre mission pourra prendre fin. Tout dépendra du Président du Faso qui est le Facilitateur dans la crise guinéenne, et des autorités guinéennes. S’il se trouve qu’elles ont encore besoin de notre appui pour le renforcement du processus démocratique, c’est avec plaisir, bien sûr, que nous allons poursuivre la mission.

Travaillez-vous dans de bonnes conditions ?

Nous avons de bonnes conditions de travail, dans la mesure où nous avons un bureau et un logement. Cela nous permet de travailler à l’aise si bien que nous n’avons pas de problème particulier à ce niveau.

Selon vous, en quoi tient cette réussite du processus électoral guinéen, comparativement à ce qui se passe en Côte d’Ivoire ?

(Ph. B. PARE)

C’est dû aux Guinéens eux-mêmes. On a fait notre travail avec le Président du Faso. Le Médiateur est venu lui-même plusieurs fois en Guinée pour intervenir. Mais, le mérite revient plus aux Guinéens qui ont fait l’effort de se surpasser pour mettre l’intérêt du pays en avant. Si Cellou Dallein Diallo n’avait pas reconnu les résultats du second tour de la Présidentielle, l’on n’en serait pas là. Il faut donc saluer ce digne fils de Guinée qu’est Cellou Dallein qui, après la décision finale de la Cour suprême, s’est incliné devant les résultats. Ce qui a permis d’aboutir à cette paix aujourd’hui.

Vous avez certainement apporté votre touche personnelle avec cette discrétion qu’on vous connaît ...

Je pense qu’il est bon de travailler souvent dans la discrétion. C’est ce que nous avons essayé de faire et voilà que ce travail a payé. Nous remercions Dieu pour cela.

Dans la fin du processus électoral il y a eu quand même cet élément gênant, à savoir l’absence du Cellou Dallein Diallo à l’investiture de Condé. Comment l’expliquez-vous ?

Lui seul peut l’expliquer. Mais, je pense qu’il avait un programme qui ne lui a pas permis d’être présent. Cela dit, c’est quelqu’un d’assez posé, réfléchi, qui ne prend pas de décision au hasard. Et comme je l’ai dit, le fait qu’il a accepté les résultats de l’élection est une très bonne chose. Le monde entier l’a reconnu, le félicite et l’encourage. Je pense que le Facilitateur, le Président du Faso, va également le féliciter, pour son action et sa vision des choses.

Mais tout cela ne présage t-il pas de lendemains difficiles pour le nouveau régime, surtout quand l’on considère les violences qui ont émaillé la proclamation de la victoire du Pr Condé au second tour ?

Je ne pense pas que des problèmes découleront de là. A mon sens, s’il devait survenir des difficultés poste-électorales en Guinée, elles viendraient peut-être des réticences au changement de mentalités que le Pr Alpha pourrait être amené à inculquer aux Guinéens. 52 ans, ce n’est pas petit. 52 ans pendant lesquels le pays a été d’abord dirigé dans une dictature, puis dans la mal gouvernance. Dans cette perspective, le président Condé a du pain sur la planche. Il aura beaucoup de choses à faire, non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le changement des mentalités.

Si des troubles devaient survenir, ce serait du travail pour vous...

Ce ne sera pas toujours notre rôle. Mais, comme je l’ai souligné tantôt, en cas de nécessité nous allons accompagner les Guinéens dans le renforcement de la démocratie. Ce sera notre mission jusqu’à ce que le pays soit doté de toutes les institutions républicaines.

Dites-nous, Général, dans quel état d’esprit travaillez-vous en ce moment à Conakry ?

Les membres de mon équipe et moi-même travaillons dans un état d’esprit positif. Tout se passe normalement, sans problème particulier. Nous travaillons de commun accord avec les autorités guinéennes et tout se passe très bien, dans une bonne ambiance.

Pourtant, en son temps, votre nomination n’était pas vue d’un bon oeil dans certains milieux en Guinée, avec par moment des écrits dans la presse. Avez-vous aujourd’hui le sentiment d’être différemment perçu par ces gens qui n’appréciaient pas votre venue ?

Ce sont peut-être ceux qui n’avaient pas bien compris le choix du Facilitateur qui ont eu ce genre d’attitude. De toutes les façons, la Président du Faso était libre de choisir qui il veut pour l’aider dans sa médiation. En fait, le problème primordial qui se posait en Guinée lorsque j’ai été nommé, c’était la réforme du secteur de la sécurité, de la défense. Pour ce faire, un militaire était bien indiqué pour suivre cette réforme du secteur de la sécurité. Je pense que c’est dans ce cadre que le Président du Faso a porté son choix sur ma modeste personne. Cela dit, nous travaillons dans un bon environnement.

Vous n’êtes pas seul à Conakry et, vous avez, à maintes reprises fait référence à votre équipe. Peut t-on savoir sa composition ?

Mon équipe est composée de cinq personnes, y compris moi-même. Elle comprend Dominique Kaboré, Conseiller politique ; Colonel Hamidou Zongo, Conseiller militaire ; Marc Zongo, Conseiller juridique et le Sous-lieutenant Roger Sawadogo, Aide de camp.

Propos recueillis par Grégoire B. BAZIE

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