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CRISE IVOIRIENNE : "L’intervention militaire doit être un succès"

Publié le jeudi 6 janvier 2011 à 00h49min

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L’auteur du texte ci-dessous donne son point de vue sur la situation sociopolitique actuelle en Côte d’Ivoire. Selon lui, l’unité du continent n’est pas monnayable et doit s’opérer à tout prix, même par "le sang si nécessaire".

Les Etats africains sont largement mobilisés afin de mettre un terme au coup d’Etat démocratique en cours en Côte d’Ivoire. La CEDEAO est déterminée à user de tous les moyens, y compris la force des armes, pour que force reste à la démocratie et à la stabilité en Côte d’Ivoire. J’y vois, du moins je l’espère, l’expression d’une nouvelle Afrique. Concernant l’élection elle-même et à propos de l’origine de la crise actuelle en Côte d’Ivoire, je voudrais insister sur le fait que le candidat Gbagbo et le Conseil constitutionnel ont fait un passage en force, et qu’ils ne sont nullement dans la légalité comme ils s’évertuent à le claironner à tout vent. Cela est indiscutable !

Certes il y a eu des entraves au bon déroulement des votes dans certaines régions. Encore fallait-il en préciser l’étendue et situer les responsabilités en toute sérénité. Mais surtout, ainsi que l’analyste indépendant et spécialiste de la Côte d’Ivoire, le Béninois Gilles Olakunlé Yabi l’a rappelé dans un article récent, la décision du Conseil constitutionnel n’est pas fondée. En effet, selon l’article 64 du Code électoral ivoirien, si les irrégularités constatées sont de nature à changer le résultat final du vote, le Conseil constitutionnel fait reprendre le scrutin dans les 45 jours. Visiblement, cela n’a pas été le cas. M. Gbagbo ne peut donc pas dire qu’il a le droit avec lui.

Il a fait un coup d’Etat car il ne pouvait pas gagner l’élection à la régulière, étant donné l’ensemble des résultats et le poids électoral du président Ouattara dans les régions en cause. Alors que Laurent Gbagbo et ses affidés crient au complot international contre la Côte d’Ivoire, je salue une démarche africaine en vue de régler un problème africain, avec l’appui de partenaires occidentaux. Ces derniers, ainsi que les câbles diplomatiques de Wikileaks le révèlent, ne poursuivent pas que des intérêts égoïstes dans nos pays, ils sont aussi soucieux de l’évolution démocratique du continent, les Américains en particulier.

Plus qu’un problème ivoirien, ce qui se passe en ce moment en Côte d’Ivoire doit être revendiqué comme un problème africain. L’Afrique qui se dessine sous nos yeux, est une Afrique unie, où nous apprendrons de plus en plus à nous affranchir des micro-nationalités. Ce qui est en jeu en Côte d’Ivoire, ce n’est pas la présidence d’Alassane Ouattara, mais la marche institutionnelle et démocratique de l’Afrique. De la même façon que les Africains et leurs partenaires occidentaux sont restés mobilisés afin que force reste à la démocratie en Guinée, ensemble nous resterons déterminés afin qu’il en soit de même en Côte d’Ivoire aujourd’hui, demain au Sénégal et au Burkina Faso, et partout ailleurs sur le continent où subsiste la menace de tripatouiller la démocratie.

La Côte d’Ivoire est donc notre affaire à tous. Et l’intervention militaire qui se dessine doit être un succès. Pour ce faire, il faut bien la préparer, y compris son aspect psychologique afin d’"aider" l’adversaire à se rendre sans (réellement) combattre. Elle doit intervenir rapidement mais sans précipitation. Elle ne doit rien négliger, ni par exemple une éventuelle résistance des militaires et civils fidèles à Gbagbo. Sans doute y aura-t-il des dégâts humains et matériels. Mais tout comme les historiens, je dis que si cela devait arriver et qu’il y avait des blessés et des morts, c’est l’histoire qui se construit ainsi.

Nous devons accélérer l’histoire africaine. La mobilisation qui a cours pour la Côte d’Ivoire peut aider davantage à l’affirmation plus formelle d’une position africaine sur la construction institutionnelle et démocratique du continent. On pourrait ainsi envisager une implication plus directe des institutions africaines dans la transparence des processus électoraux. Déjà, par exemple, aujourd’hui en Guinée le président de la Commission électorale est un Malien. On pourrait aussi imaginer à l’échelle africaine la limitation des mandats présidentiels là où ce n’est pas le cas, et interdire le tripatouillage constitutionnel et l’exercice du pouvoir par les militaires.

Il n’y a pas encore de texte africain en la matière, mais ce sont là des positions de principe plus ou moins affirmées par l’Union africaine, la CEDEAO, etc. Afin d’éviter que des crises se répètent comme au Tchad, au Togo, au Kenya, au Niger, en Guinée, au Zimbabwé, ou en Côte d’Ivoire, ces principes doivent s’imposer et, surtout, être imposés comme une sorte de jurisprudence à tous les pays et à tous les chefs d’Etat du continent. Il nous faut aller plus loin et faire en sorte que la diplomatie, la persuasion et, si nécessaire, la force militaire africaine (qu’est chargé de mettre en place le général Sékouba Konaté) permettent de résoudre définitivement tous les conflits et apaiser toutes les poches d’instabilité sur le continent. Ainsi, nous devons faire en sorte que les efforts diplomatiques et/ou militaires en cours dans la région des Grands lacs et en Somalie aboutissent, enfin. En clair, il nous faut aller vers un Etat africain fort.

Ces combats qui amènent la famille africaine à s’unir doivent être le ferment du processus vers l’unification économique et politique du continent, vers une Afrique une et indivisible. En 2050, ensemble, nous serons entre 1,8 et 2 milliards d’Africains. L’Afrique sera alors bien plus peuplée que l’Inde ou la Chine. Ce n’est que dans l’unité institutionnelle et démocratique que nous réussirons alors à faire en sorte que l’extraordinaire atout démographique de 2050 permette à ce que, économiquement et politiquement, l’Afrique reprenne le leadership mondial, vers la fin du siècle qui a commencé. Alors, travaillons à unifier le continent, par le sang et la force armée des Africains, si nécessaire.

Yacouba Gnègnè, économiste, enseignant-chercheur, ygnegne@gmail.com

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 6 janvier 2011 à 02:52, par LE JUSTE En réponse à : CRISE IVOIRIENNE : "L’intervention militaire doit être un succès"

    Je serai d’acord avec votre analyse et votre proposition si les Chefs d’Etat de la CEDAO prenaient chacun l’engagement de ne ni modifier de constitution pour se maintenir,ni de se faire succeder d’une manièere ou d’une autre par un parent directe comme beaucoup semble vouloir le faire à défaut de ne pouvoir eternelement régner comme Dieu dans leur pays.Et aussi je serai d’accord pour l’intervention militaire si vous qui préconisez cette option ètes prets à prendre le fusil ,aller à Abidjan sur la ligne de front pour défendre cette démocratie à la quelle nous tenons tant !
    Car mon frère je ne doute pas de ta sincérité mais sous nos cieux c’est les enfants des autres qui meurent pour malheureusement des gens qui ne perdraient meme pas 1 F pour leur pays.
    Si tu accepte ça fais moi signe et nous iront ensemble pour le combat pour l’Arique digne et fière , le seul combat qui vaille la peine meme au prix de notre Vie !

    * Regarde Norbert Zongo ,il est tombé les armes à la main ,dignement en bon Burkinabé,pour son pays et plus d’une déceni,ses assassins et les commanditaire sont là et sont partisants d’une attaque militaire pour installer ADO au nom de la démocratie en C.I.
    LE JUSTE

  • Le 6 janvier 2011 à 11:19, par Mr Digbeu En réponse à : CRISE IVOIRIENNE : "L’intervention militaire doit être un succès"

    Je suis parfaitement d’accord avec vous.Mr Gbagbo doit etre absolument chasser du pouvoir par la force maintenant car trop c’est trop.

  • Le 6 janvier 2011 à 22:55, par TML En réponse à : CRISE IVOIRIENNE : "L’intervention militaire doit être un succès"

    Très bon article mais malheureusement nous avons à faire à des chefs d’Etats qui ne sont pas prêts aujourdhui pour rien au monde à s’écarter du pouvoir pour une quelconque raison ;y compris pour le rayonnement de l’Afrique. Et tout cela pour des intérêts personnels et égoïstes je veux parler du pdt Compaore du Faso, de Sassou Nguesso du Congo, de Deby du Tchad et même de Wade au Senegal qui ose emprisonner des personnes qui ont tout simplement oser dire qu’il était trop vieux pour se representer en 2012. Comme NORBERT ZONGO l’a dit tout les peuples du monde méritent leur dirigeant. C’est à nos populations de prendre conscience et de dire non non et non à nos chefs d’Etats qui "perdent la Raison". C’est vrai que gbagbo à "eter les plomb" mais voir un pays aujourd’hui comme le Togo participer à d’éventuelles opérations militaires en RCI serait absurde quant on sait comment Faure a été élu ; tout comme le B. FASO d’ailleurs avec un pdt qui se dit à 80% en 2010, C’EST INSULTANT. Comme le dit un proverbe africain balaie d’abord devant ta porte avant de parler de la saleté de ton voisin. REVEILLONS NOUS POUR UNE NOUVELLE AFRIQUE CONSCIENTE ET RESPECTEE

  • Le 8 janvier 2011 à 01:03, par vandermeck En réponse à : CRISE IVOIRIENNE : "L’intervention militaire doit être un succès"

    bravo !!!
    justement voici une approche qui montre qu’avec un peu de recul, du bon sens, une dose d’honnêteté intellectuelle l’on peut apprécier objectivement la crise poste électorale en cote d’ivoire.

  • Le 25 janvier 2011 à 16:16, par Darcin En réponse à : CRISE IVOIRIENNE : "L’intervention militaire doit être un succès"

    J’ai écouté un livre d’une Ivoirienne sur www.audiocité.net qui s’intitule " Je suis ta sœur rwandaise" et je pense à mon avis que les Ivoiriens comme les Burkinabé et même tous les Africains doivent chercher à lire ou écouter ce livre qu’elle a écrit sur le Rwanda. Dans ce livre, elle donne la possibilité à deux enfants tués lors du génocide de parler et leur permet de vivre ce que le génocide les a empêchés de vivre en écourtant leur vie. Je vous conseille ce livre parce qu’ils montrent combien pour la lâcheté des hommes, on tue des innocents.Et tout ça au nom de quoi au juste ? Des ambitions égoïstes et intéressées.

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