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EXIL DE CHEFS D’ETAT AFRICAINS : Un pis-aller révoltant

Publié le jeudi 6 janvier 2011 à 00h48min

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L’exil doré de chefs d’Etat semble devenir une solution à la mode pour ceux qui veulent mettre fin aux crises consécutives à des coups d’Etat, des rébellions ou des remous post-électoraux en Afrique. A première vue, cela paraît un moindre mal. Mais en mesure-t-on les conséquences sur la vie de nos jeunes nations et nos expériences démocratiques si fragiles ? Faut-il vraiment s’étonner de voir des dirigeants africains prendre la poudre d’escampette au tout dernier moment ? Généralement, les choses se passent à des moments inattendus, lorsque les événements confirment que toute forme de résistance est inutile. La cause est alors entendue : il faut se résoudre à partir.

Les conditions d’une bonne sortie se négocient toujours. Un exil doré de préférence. Loin des tumultes, à l’abri de la justice, les comptes toujours bien garnis et à portée de main, avec la possibilité de revenir, plus tard, reconquérir le paradis perdu. C’est bien connu : plusieurs dirigeants africains appartiennent à des réseaux mafieux qu’ils ont eux-mêmes parfois financés. En retour, ces derniers se montrent toujours prêts à les protéger. Par gratitude ou par souci de préserver des intérêts. D’où ces exfiltrations parfaitement bien organisées. Parfois, à l’insu de certains partisans. Tous les thuriféraires ne sont pas à la même enseigne. Mais cette sortie par la petite porte, est-elle vraiment honorable pour des personnalités qui ont conduit des années durant les destinées de leur pays ? Pourquoi faut-il que ce soit le plus souvent en Afrique que s’opère cet exil forcé, organisé à la toute dernière minute ? L’une des réponses tient de la qualité des hommes qui se retrouvent à la tête des Etats, de ceux qui les entourent et de ceux qui sont investis à leurs côtés de la mission de bâtir une nation. Dans bien des cas malheureusement, on ne compte plus les excès. Or, toute chose a une fin.

Le départ s’effectue le plus souvent dans des conditions non ordinaires, avec pour destination un pays africain. Il arrive aussi que l’infortuné, très fortuné d’ailleurs, trouve un repaire bien paisible en Occident. Et si l’on n’y prend garde, il profitera un long moment des fruits de rapines savamment bien organisées durant sa gestion scabreuse du pouvoir. Une telle sortie est-elle honorable pour un dirigeant africain ?

Sans doute, cela constitue-t-il un moindre mal pour des gens qui, des années durant, ont joué aux dictateurs sanguinaires, aux bourreaux et aux auteurs de détournements crapuleux et qui auraient dû finir leur vie en prison. Mais quid de l’impunité ? Pour ceux qui ont peu de choses à se reprocher, les fuites en avant peuvent-elles être considérées comme le prix à payer pour mettre fin aux crises nées de la malgouvernance ? Il va de soi que ces départs vers un exil doré, sont loin de faire l’affaire des peuples longtemps sevrés du minimum vital. D’abord, au plan de l’impunité qui va s’accentuer. Parce que convaincus de pouvoir s’en sortir, d’autres suivront immanquablement les mêmes itinéraires. Ensuite, cet exil parfois souhaité, portera inévitablement un coup à la démocratie. Elle s’en portera mal car le citoyen électeur se sentira floué. Il aura donc tendance à déserter les isoloirs et les urnes. La désaffection actuelle lors de certaines consultations électorales, en est un signe palpable.

Les départs organisés de chefs d’Etat compromis ne sont donc pas vraiment une solution aux problèmes non résolus de la démocratie. Ils ressemblent plutôt à une sorte de récompense. Des solutions alternatives ? Il en existe : la bonne gouvernance sur fond de consensus et l’alternance démocratique. Dans les nations africaines si jeunes où tout est prioritaire, il faut, en effet, prendre le temps qu’il faut, pour trouver un consensus salvateur autour des questions qui divisent. Parallèlement, il faut veiller à une application rigoureuse des sacro-saints principes de la démocratie républicaine. Les dirigeants de l’Afrique d’aujourd’hui et de demain doivent avoir un sens élevé de l’éthique. La morale doit reprendre sa place dans notre vie de tous les jours. Un minimum d’éthique est surtout nécessaire dans la conduite des affaires publiques, particulièrement au niveau de ceux qui occupent des postes de responsabilité.

Il leur faut, à ces élites, apprendre à se mettre au-dessus des passions, des ambitions égoïstes, à ne jamais devenir esclaves de l’argent. Il est inutile de s’engager au-devant des autres, si l’on est incapable de défendre la vérité et la justice en vue de résoudre les problèmes ; si l’on est inapte à faire face à ses propres obligations, notamment : respecter la parole donnée, honorer sa signature, ses engagements. Le souci de préserver les droits humains et donc de respecter les libertés démocratiques, doit demeurer constant. Mais faut-il faire payer ou pas les dettes morales et financières à ces dirigeants africains qui parviennent toujours à se frayer un chemin et à trouver une planque à l’extérieur ? Devrait-on les affranchir, alors qu’ils avaient eux-mêmes pris des engagements vis-à-vis du peuple, puis choisi de les ignorer ?

Il est souhaitable que les problèmes soient cernés et réglés de l’intérieur et ce, dans l’intérêt même des intéressés. Pour qu’ils ne souffrent pas ultérieurement de la nostalgie de leur propre pays et de l’éloignement de leurs proches. Une solution bien négociée avec ses compatriotes vaut toujours mieux qu’un exil doré peut- être… à vie. Pour se prémunir de situations aussi désagréables, il importe de disposer d’institutions démocratiques solides, de se doter d’une société civile forte et vigilante, d’une opposition responsable, organisée et combative. Leaders d’opinions, coutumiers et religieux devront dans ce cas se sentir interpellés à tout moment. Sur un autre plan, les organisations régionales doivent disposer de ressources adéquates pour déloger ceux qui, au mépris des textes, s’accrochent indéfiniment au pouvoir.

L’expérience de la CEDEAO face à l’entêtement de Laurent Gbagbo chassé par l’électeur ivoirien, est en soi un cas de jurisprudence. Il faut en tirer des leçons. Une chose est sûre : dans le contexte actuel, l’Afrique, en quête de liberté et de démocratie, doit d’abord compter sur elle-même. Même si, pour un temps, le soutien de la communauté internationale demeure indispensable. Il est plus que temps de tourner dos à ce pis-aller révoltant que constitue le départ en exil de chefs d’Etat défaits. S’ils ont dirigé leurs pays, c’est bien en s’appuyant sur le peuple. Ils doivent donc apprendre à rester en son sein, pour lui rendre compte. Dans la dignité. Il saura leur rendre justice.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 6 janvier 2011 à 09:01 En réponse à : EXIL DE CHEFS D’ETAT AFRICAINS : Un pis-aller révoltant

    lePays, c’est vraiment mon pays. Vos analyses sont toujours costauds. Merci. Nous sommes fiers de note Tenga fait sur papier. Beld’ hior, c’est du propre, ca. On se pince le week- end pour faire la biere.

    LOP

  • Le 11 janvier 2011 à 09:16, par Kiètileni En réponse à : EXIL DE CHEFS D’ETAT AFRICAINS : Un pis-aller révoltant

    cette vérité là est vraie.’’il saura vous rendre justice ’’, voila qui est bien dit. Chef d’état n’allez plus nul part, car le temps des exécutions sommaires des chefs déchus est derrière, il y a de plus d’humilité dans la cité en ce moment. Si le grand frère est en faute, qu’il reste qu’on le lui dise, pour que le benjamin lui ne fasse encore pire, parce que le grand sera là pour conseiller de par son expérience.

    merci le Pays , on a besoin de ces conseils.

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