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Editorial de Sidwaya : La démocratie et son ombre

Publié le mercredi 5 janvier 2011 à 03h35min

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En ce début d’année 2011, on peut constater qu’après plusieurs décennies d’exercices démocratiques, la pendule de la démocratie africaine est souvent en retard, mais l’heure des peuples finit toujours par sonner. Qui ne le voit, la violence suit nos démocraties comme leur ombre. Est-ce par méconnaissance, de la part de l’élite africaine, des principes fondateurs de la démocratie ? Est-ce par maladresse dans l’application qui en est faite ? Est-ce par un refus délibéré et bien sûr intéressé, de laisser fonctionner la démocratie au maximum de ses ressources de bonne gouvernance ? Ne serait-ce pas aussi, un hold-up démocratique que les intellectuels africains organisent souvent au détriment de leur peuple ? Et si c’était aussi par mimétisme, pour paraître bien aux yeux des démocrates occidentaux ?

En voyant à la télévision l’ancien Président brésilien embrasser chaleureusement la nouvelle qui vient lui ravir son fauteuil, on peut être sûr que plusieurs Africains ont dû verser des larmes. On se met à penser que cela peut aussi se passer chez nous, en Afrique. Comme l’exprime une boutade traditionnelle, « le marché est proche, mais le chemin qui y conduit est tortueux ». Que faire pour que l’Afrique inculque définitivement la démocratie dans ses mœurs et ses cultures ? Nous pensons que dans les années qui viennent, certains dirigeants africains devraient insister sur les trois éléments fondamentaux suivants.

D’abord, refonder la démocratie sur sa vraie base, le peuple. L’observateur des démocraties africaines n’a aucune peine à comprendre que le « peuple » de l’élite africaine est un prétexte, ce n’est pas un peuple. Ce n’est pas lui qui juge, on s’en sert plutôt pour juger, condamner, organiser des marches et des contremarches. N’est-ce pas ce qui se passe aujourd’hui en Côte d’Ivoire ? Les besoins réels du peuple, - l’eau, la nourriture, l’instruction, la liberté de mouvement, la santé,… - sont souvent abandonnés au profit d’un nombre infini de tâches inventées par les gouvernants pour satisfaire aux convenances bureaucratiques. Nous sommes certains que si le peuple était le but et le juge de nos démocraties, plusieurs projets de séminaires, colloques, études, seraient revus à la baisse. Et même les élections seraient organisées de façon qu’elles soient plus populaires et moins budgétivores. Sur cette question, nous pensons que les générations à venir liront avec attention et esprit critique Le Tercérisme du Professeur Laurent Bado.

Ensuite, l’Etat pourrait contribuer fortement à inscrire, concomitamment, dans notre sensibilité nationale, la réalité des notions cardinales de souveraineté et de citoyenneté. Il y a des points sur lesquels nul ne doit se tromper, soi-disant que la pratique démocratique le lui permet, parmi lesquels, justement, les notions de souveraineté et de citoyenneté.

Pour engranger des voix, il y a autre chose de plus noble, de plus démocratique à faire qu’à attiser les sentiments inférieurs des populations liés au régionalisme facile, au prosélytisme religieux ou au racisme instinctif qui ne sont jamais totalement absents en chacun de nous. Et pour qu’ils nous surprennent et nous débordent, il faut simplement savoir les réveiller. Pendant que de très grands regroupements s’organisent dans le monde entier pour rendre plus fort chaque composant de ces regroupements, est-ce vraiment le moment de scinder le Soudan en deux, le processus par lequel on le fait, fût-il démocratique ?

Enfin, le troisième élément sur lequel la démocratie africaine ne devrait pas tergiverser, c’est le système éducatif. Chaque peuple regarde le monde et se comporte dans le monde selon l’ouverture que lui a donnée son éducation. Le terroriste a été éduqué de façon qu’il ne puisse pas aimer la modernité issue de la civilisation occidentale. Les émigrés clandestins affrontent la mort pour embrasser ce que le terroriste repousse. Les pays africains ont à éduquer leurs peuples de manière qu’ils entrent dans la mondialisation avec des arguments qui tiennent bien la route de l’universel.

L’Afrique francophone devrait, à notre sens, commencer par comprendre ce qui se passe à sa porte, au Ghana et au Nigeria. C’est parce que ces frères anglophones ont compris que la démocratie est un moyen qu’ils savent s’en servir admirablement. Cela est dû, on le suppose, à leur éducation, une éducation orientée, beaucoup plus que la nôtre, sur l’autonomie, le pragmatisme, la mobilité et les recherches scientifiques, artistiques et culturelles.

Ci-dessus, nous avons supposé que pour l’heure, la violence suit la démocratie africaine comme son ombre. En 2011, il y aura au moins 15 exercices populaires démocratiques en Afrique. Nous souhaitons que ces élections, tous azimuts, témoignent de la maturité de notre continent vis-à-vis de la conquête permanente de son indépendance économique dans la paix, objectif avoué ou non de nos efforts multiformes. En replaçant le peuple à la place qu’il lui faut, en poussant plus loin la réalité des notions de souveraineté et de citoyenneté et en inscrivant cela dans notre éducation de base, nous pensons que cela est tout à fait possible.

Bonne année 2011 à tous nos lecteurs. Merci à tous ceux qui ont favorablement réagi à nos éditos en 2010. Nous remercions en particulier ceux qui sont restés fidèles à leur hargne contre nos écrits. Selon une philosophie qui n’est pas mauvaise, il faut parfois préférer un adversaire pugnace et éclairé à un ami non éclairé, pusillanime et débonnaire

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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