LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Côte d’ivoire : Qui croit encore en Laurent Gbagbo ?

Publié le mercredi 5 janvier 2011 à 03h35min

PARTAGER :                          

Compter ses amis, diviser ses adversaires... L'heure est au calcul pour le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo, qui n'envisage pas de céder sa place. Autour du « camarade Laurent », les rangs s'éclaircissent.Laurent Gbagbo s’est coupé de la plupart de ses soutiens.
Compter ses amis, diviser ses adversaires... L’heure est au calcul pour le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo, qui n’envisage pas de céder sa place. Autour du « camarade Laurent », les rangs s’éclaircissent.

Le 21 décembre, dans un discours à la télévision ivoirienne, Laurent Gbagbo a proposé un « comité d’évaluation » international pour régler la crise. Mais a posé un postulat : « Je suis le président de la République de Côte d’Ivoire. » En d’autres termes : « Tout est négociable, sauf mon statut de président. » Première réaction d’un diplomate européen : « C’est un faux message d’apaisement pour diviser le camp africain et gagner du temps. » Du côté d’Alassane Ouattara, son Premier ministre, Guillaume Soro, a lâché tout de go : « Il ne reste qu’une solution, la force. »

Laurent Gbagbo a donc une priorité stratégique : éviter toute opération militaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Pour cela, il doit diviser ses adversaires. Et activer ses réseaux. C’est dans l’épreuve que l’on reconnaît ses amis, dit l’adage. Qui sont-ils ? Petite revue de détail…

Angola : l’allié indéfectible

Depuis que Laurent Gbagbo a fermé le bureau de l’Unita à Abidjan, en 2000, José Eduardo dos Santos lui voue une reconnaissance éternelle. Principal argument pro-Gbagbo : la lutte anti-impérialiste. En public, Jorge Chicote, le ministre angolais des Affaires étrangères, met des gants : « Notre position, c’est la non ingérence. » Mais en privé, Afonso Van-Dúnem Mbinda, le Monsieur Affaires étrangères du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), est beaucoup plus clair. Le 21 décembre à Conakry, dans les coulisses du Palais du peuple, où Alpha Condé prêtait serment, il a lancé : « Les déclarations de l’UA et de la Cedeao, tout cela est orchestré par les Occidentaux. »

Selon Van-Dúnem, deux chefs d’État d’Afrique de l’Ouest ne seraient pas d’accord avec les résolutions pro-Ouattara de la Cedeao. Lesquels ? Sans doute pense-t-il au Gambien Yahya Jammeh. Mais l’autre ? Mystère. Le 5 décembre, Bertin Kadet, le conseiller militaire de Laurent Gbagbo, s’est rendu en Angola. Au menu : livraison d’armes et de munitions.

Gambie : l’ami déclaré

Yahya Jammeh a au moins une qualité : la franchise. Le 11 décembre, il a appelé « les puissances occidentales à cesser leurs ingérences ». Aujourd’hui, les étrangers s’intéressent à la Côte d’Ivoire ; demain, il ne faudrait pas qu’ils se penchent sur l’un des régimes les plus répressifs du continent… Pour Gbagbo, c’est une bonne affaire. Jammeh ouvre une brèche dans le front pro-Ouattara. Le problème, c’est la taille du pays. « La Gambie, ça ne compte pas », souffle un diplomate ouestafricain.

Cap-Vert, Bénin : l’art de l’esquive

« Surtout pas un mot sur cette affaire. » Tel est le mot d’ordre, à Praia comme à Cotonou. Financièrement, Pedro Pires est l’obligé à la fois des Angolais et des Occidentaux. Boni Yayi a d’excellentes relations avec Gbagbo mais, à quelques mois de la présidentielle béninoise, il ne peut pas se couper des « grands » de ce monde.

Gabon, Libye : changement de pied

Après le second tour, Ali Bongo Ondimba a d’abord penché pour son ami Gbagbo. Mais la Radio Télévision ivoirienne (RTI) s’est mis à poser une question dérangeante : « Pourquoi la France a-t-elle validé un hold-up électoral au Gabon en 2009, et pourquoi fait-elle tant d’histoires chez nous ? » Réplique sèche du président gabonais : « Toute comparaison avec d’autres pays me paraît complètement superflue. Je me suis vu reconnaître par toute la communauté internationale. » Selon nos informations, l’ambassadeur de Côte d’Ivoire à Libreville a été convoqué, le 20, par Paul Toungui, le ministre gabonais des Affaires étrangères.

Mouammar Kaddafi, lui aussi, a d’abord cru à la victoire de Laurent Gbagbo. Mais dès le lendemain du premier tour, il est entré en contact avec Alassane Ouattara. Aujourd’hui, comme à son habitude, il garde deux fers au feu. À chaque camp son interlocuteur. Côté Gbagbo, c’est Mohamed al-Madani, le secrétaire général de la Cen-Sad. Côté Ouattara, c’est Ali Triki, le vétéran de la diplomatie libyenne. Le 10, le « Guide » a reçu Bertin Kadet et Alcide Djédjé, le ministre des Affaires étrangères de Gbagbo. Dans le même temps, il est resté en relation suivie avec le camp Ouattara. Le 15, depuis Dakar, où il assistait au Festival mondial des arts nègres (Fesman), Kaddafi a eu une longue conversation téléphonique avec le Français Nicolas Sarkozy. Sujet : la Côte d’Ivoire.

Internationale socialiste (IS) : la déchirure

Les fidèles sont toujours là : le Sénégalais Ousmane Tanor Dieng, président du comité Afrique de l’IS, qui a félicité le camarade Gbagbo ; les Français Henri Emmanuelli, François Loncle et Guy Labertit – ce dernier a même assisté à l’investiture du 4 décembre. Roland Dumas, lui, s’est rendu à Abidjan en compagnie de jacques Vergès, à l’invitation de son vieil ami Laurent Gbagbo « pour essayer de mettre un peu de lumière dans son tunnel ». Mais les rangs s’éclaircissent. À Dakar, le message de Tanor passe mal chez ses collègues socialistes. À Paris, la direction du PS (Aubry, Fabius, les strauss-kahniens…) demande au camarade ivoirien de reconnaître sa défaite. Jean-Marc Ayrault propose même que le parti de Gbagbo soit exclu de l’IS. À Yaoundé, l’Union des populations du Cameroun (UPC) n’a pas ces états d’âme. Le parti de Moukoko Priso est sur la même ligne que l’Angola : « Halte à l’infamie contre la souveraineté de la Côte d’Ivoire. »

Droite et extrême droite françaises : tous contre Sarkozy

Jean-François Probst, Philippe Evanno, Yannick Urrien… Gbagbo savait qu’il avait quelques amis chez les vieux compagnons de Jacques Chirac. Il a dû boire du petit-lait en entendant la charge de Dominique de Villepin contre Sarkozy. « Je ne crois pas à la logique de l’ultimatum », a lâché l’ancien Premier ministre. Mais il a dû être plus étonné en entendant les Le Pen – père et fille – prendre sa défense. « Je juge avec assez de sévérité la précipitation avec laquelle le président français a pris position [pour Ouattara] », a lancé Marine Le Pen, le 19 décembre. Bien entendu, la Côte d’Ivoire n’est qu’un prétexte. La cible est Nicolas Sarkozy. Mais Gbagbo le socialiste se serait sans doute bien passé d’un tel soutien…


« J’y suis, j’y reste ! »

Avec le recul, cette petite phrase extraite de la dernière interview accordée par Laurent Gbagbo avant l’élection présidentielle – c’était dans J.A. (voir n° 2597), à la veille du premier tour, il y a deux mois – semble prémonitoire. D’autant qu’elle fut prononcée par le chef de l’État en réponse à la question : « Que ferez-vous si vous êtes battu ? » Au-delà de sa certitude de remporter le scrutin, elle disait aussi sa détermination à se maintenir au pouvoir quel qu’en soit le résultat. À l’époque, ce sens caché avait échappé à tout le monde. Sauf, sans doute, à l’intéressé…

Par Christophe Boisbouvier

Jeune Afrique

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 4 janvier 2011 à 15:47, par Amkoullel En réponse à : Côte d’ivoire : Qui croit encore en Laurent Gbagbo ?

    Monsieur Boisbouvier,je suis avec envie vos différentes interventions dans les médias. Hélas aujourd’hui je ne puis m’aligner derrière votre opinion. La liste n’est pas si restreinte sinon il (Gbagbo ne serait pas toujours en place),ne croyez vous pas ?ou mettez vous le peuple ivoirien ?
    Je demande juste à chacun de réfléchir avant d’écrire quelque chose qu’il publie car l’Histoire nous voit tous.
    Ceci étant on verra qui a raison, mais en passant j’espère que les uns reconnaîtrons leurs erreurs d’aujourd’hui, d’hier si l’on se situe dans le futur

    • Le 4 janvier 2011 à 17:09, par tilado En réponse à : Côte d’ivoire : Qui croit encore en Laurent Gbagbo ?

      Tu parles de quel peuple ivoirien ? Gbagbo n’a pas la majorité, il est battu dans les urnes. Le peuple est avec Allassane.
      Et puis quand Gbagbo parle de guerre civile, il n’y aura pas de guerre civil, on va juste l’enlever in extremis du palais et fermer la gueule des gueulard qui n’ont rien dans le crane si non que de la boue !

    • Le 4 janvier 2011 à 17:29, par Tony En réponse à : Côte d’ivoire : Qui croit encore en Laurent Gbagbo ?

      Le peuple ivoirien est la, mais c’est le même peuple ivoirien qui a voté a 54% pour Alassane. Il faut donc reconnaitre que les soutiens de Gbagbo s’il y en a encore se comptent sur les bouts des doigts.

  • Le 4 janvier 2011 à 16:58 En réponse à : Côte d’ivoire : Qui croit encore en Laurent Gbagbo ?

    Le psychopathe : Certains utilisent le mot sociopathe mais c’est la meme chose. J’ emploierai les deux termes dans la meme acception. Les psychopathes savent la difference entre le bien et le mal. Ils ne sont pas des attardes mentaux. Cependant, quand il font le mal, ils ne ressentent aucune honte ni aucun remord. Ils peuvent donc tout justifier en accusant leur victime ou la geopolitique ou l’ etranger. ou le diable ou simplement les circonstances comme le temps qu’ il fait.
    Les Sociopathes font parfois "ce qu’ il faut— si cela leur apporte quelque chose a eux. Cela peut etre l’approbation du public ou une image rehaussee car ils sont laids moralement donc, physiquement pas beaux. Mais la raison pour laquelle ils le font est toujours basee sur ce qu’ ils pensent, pas sur ce qu’ ils ressentent. Faire du mal ne rend pas mal a l’aise un psychopathe. Faire le bien ne le rend guere plus heureux. Pourquoi ? Pour un sociopathe, la vie se reduit a gagner. Les autres sont justes la pour etre utilises ou pour servir de points dans leur jeu. La relation, ca n’ a pas de sens avec ces personnes-objects. Sauf si la relation les amene a gagner.
    Les sociopathes n’ ont aucune envie de changer, de s’ ameliorer. C’est d’ailleurs rarement qu’ ils s’ y essaient. Sauf quand on les contraint parce qu’ ils pensent qu’ il n’ a rien a reprocher a leur etat actuel. C’est le reste du monde qui est mauvais.
    Gbagbo est un sociopathe, come beaucoup de dirigeants africains malheureusement. Mais c’est un sociopathe des plus crus. Tous les sociopathes ne sont pas des dangers reels et effectifs pour les autres. Mais Gbagbo, lui, l’ est. Autant que tous ces illumines qui veulent nous faire la lecon de la resistance anti- colonialiste. En plus de leur manque de discernement.O l’ ignardise qui se masque dans le lettrisme !

    LOP

  • Le 4 janvier 2011 à 21:35 En réponse à : Côte d’ivoire : Qui croit encore en Laurent Gbagbo ?

    "Selon les premiers éléments de l’enquête, il se pourrait que les auteurs de l’attentat d’Alexandrie ne soient pas membres de la mouvance salafiste égyptienne, mais plutôt de groupuscules marginaux encore plus extrémistes.

    Quels qu’en soient les auteurs, une chose est sûre, c’est que ce genre de crime ne peut qu’être le fait d’obscurantistes qui, ne croyant ni à Dieu ni à diable, se cachent derrière le paravent de la religion pour perpétrer leurs forfaits."
    De meme, la situation de la CI a produit une floppee de soit- disant progressistes qui ne croient ni a Dieu ni a diable mais qui usent du masque de l’ ideologie pour se sortir d’ affaires. Mais nous sommes vigilants.

  • Le 5 janvier 2011 à 02:16 En réponse à : Côte d’ivoire : Qui croit encore en Laurent Gbagbo ?

    Au fait l’angola c’est la mechancete. parce que leur pays est detruit par la guere, ils sont a la recherche d’un autre qui sera comme le leur. comme pr dire :``ca ne sera pas chez nous seulement``
    Quand au Benin, la maman de Simone Gbagbo est originaire de ce pays. Voila prquoi Simone se trouve labas presentement.Chez ses oncles quoi !

  • Le 5 janvier 2011 à 18:56, par traohass En réponse à : Côte d’ivoire : Qui croit encore en Laurent Gbagbo ?

    C’est ça la politique, l’art de contourner la vérité ?
    Ceux qui parlent d’ingérence, eux aussi font une ingérence quand ils demandent aux autres de ne pas le faire. Parce qu’ils contribuent à occulter la vérité et donc à contredire la volonté du peuple ivoirien. La côte d’ivoire fait partie d’une communauté et il est du devoir de cette communauté de travailler à la manifestation de la vérité dans ce pays. Alors ceux qui sont incapables d’avoir l’honnêteté de dire à Gbagbo qu’il a perdu les élections et qu’il doit partir, il faut qu’ils se taisent et qu’ils laissent les autres assumer leur devoir humanitaire.

  • Le 11 janvier 2011 à 11:20, par Cotedivoire En réponse à : Côte d’ivoire : Qui croit encore en Laurent Gbagbo ?

    Bonne année à tous et à toutes.
    La paix soit avec l’Afrique.
    Je voudrais donner mon avis en disant ceci :
    Dans sa volonté farouche d’en découdre avec LG, les dirigeants africains ouvrent sans le savoir la voie royale aux organismes internationaux et grandes puissances d’intervenir en Afrique.
    Ainsi, c’est la cote d’ivoire maintenant mais à qui le tour demain ?
    Attention ! Attention ! Attention ! Jurisprudence oblige.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique