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Enlèvement d’enfants : Un mal silencieux

Publié le mardi 28 décembre 2010 à 01h26min

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Le phénomène d’enlèvement d’enfants inquiète, dans plusieurs provinces du Burkina Faso, surtout celles qui côtoient la capitale, Ouagadougou. Il s’agit de rapts d’enfants vers des destinations indéterminées pour des besoins inconnus. Sur les traces des "prédateurs" d’enfants, pour comprendre ce phénomène des temps modernes.

Boussé, localité située à une cinquantaine de kilomètres de la capitale, Ouagadougou. Après une fine pluie au matin de ce mercredi 7 juillet 2010, et n’ayant pas cours à l’école medersa, Arouna Ilboudo décide de rejoindre les siens au champ, situé à la périphérie de la ville. Juste à la sortie, plus précisément à « Pousandb kongo », un véhicule est stationné.

Les occupants interpellent le gamin pour des renseignements. « Lorsque je me suis approché, un des messieurs a fait semblant de me saluer, puis m’a saisit par la main et m’a propulsé dans le véhicule, puis l’a recouvert de bâche et m’a attaché. L’autre a embarqué mon vélo », raconte le petit Arouna Ilboudo, tout triste. Enfermé dans le véhicule comme un oiseau dans une cage, il a pris la direction de la capitale, Ouagadougou, dans une cour unique. « Là, ils m’ont installé dans la cour et lorsque je soulevais mon visage pour les regarder, j’étais frappé d’un coup de bâton à la tête. Ils étaient deux individus, mais un seul parlait le mooré (la langue locale) », raconte le petit garçon.

Arouna Ilboudo aura la baraka quand, autour de 17 heures, ses deux ravisseurs, manquent de vigilance sur leur otage. « L’un est rentré pour prendre sa douche et l’autre s’est rendu dans la maison. J’ai profité de leur absence pour prendre mon vélo et passer par la petite porte pour m’enfuir. J’ai été me réfugier dans une mosquée au secteur n°20 de Ouagadougou, auprès de l’imam de la mosquée ».

Là, il sera récupéré par l’intermédiaire de son oncle. La thèse du petit Ilboudo est soutenue par l’imam de la mosquée du vendredi de Toecin yaar, de la capitale burkinabè. Le Mouvement burkinabè des droits de l`homme et des peuples (MBDHP), section du Kourwéogo, qualifie cette pratique d’atteinte grave à la vie de la personne.

Ouagadougou, le 6 septembre 2010. Il est environ 8 heures. Nous sommes au domicile de l’imam de la mosquée en question. A première vue, le nombre important de talibés et surtout, des ardoises en bois étalées au soleil, rappelle un sanctuaire de l’islam. Nous expliquons les motivations de notre visite et le jeune guide spirituel campe rapidement le décor. « Après la prière de 19h, un enfant a manifesté le désir de me rencontrer.

Il m’a raconté sa mésaventure qui paraissait incroyable, inhumaine et touchante. J’ai réuni les responsables de la mosquée, pour qu’on puisse trouver une solution à son problème. Nous avons décidé, de commun accord, de joindre son père depuis Boussé, pour comprendre si effectivement , son enfant avait disparu depuis le matin », confie El Hadj Ablassé Sanfo, l’imam de la mosquée. Les services de sécurité seront saisis bien des jours plus tard. Les recherches entamées seront vaines. Le jeune enfant n’a pu situer le lieu réel de la cour, encore moins la description de ses ravisseurs. « Je me rappelle qu’un deux portait des dreadlocks. C’est lui qui parlait le mooré. Le second ne semblait pas parler la langue locale ».

Selon des sources vérifiées, une mission de police a été effectuée avec le petit garçon sur Ouagadougou, pour repérer la cachette des enfants enlevés et dénicher les présumés kidnappeurs, mais elle fut infructueuse, au regard des indications vagues du garçonnet.

Le cas de Arouna, un exemple parmi tant d’autres

Selon des sources concordantes, plusieurs tentatives de rapts, ont eu lieu dans la province de l’Oubritenga, une autre province voisine de la capitale et chef-lieu de la région du Plateau central. La peur de voir son enfant enlevé par ces prédateurs d`une nouvelle race, a d’abord envahi toute la commune de Dapélogo, puis celles de Ourgou Manega et même de Pabré. Par moments, les forces de police ont été appelées à contribution.

Gademtenga, localité située à une dizaine de kilomètres de Dapélogo, dans la province de l’Oubritenga, en cette matinée de juin 2010. Deux individus à bord d’un véhicule tout terrain, interceptent des écoliers de retour des classes et les invitent à les accompagner à Ouagadougou.

Leur salut est venu de la vigilance de l’infirmier, chef de poste et du conseiller municipal de ce village qui ont mis en échec le plan de ces deux individus. « Nous avons été alerté par un cri d’un monsieur qui poursuivait à moto les occupants du véhicule avec une arme blanche (machette) », indique une source, sous le couvert de l’anonymat. Alerté par la population, le commissaire de district et un élément se lancent à la poursuite des ravisseurs. Peine perdue. Ils ont pris la poudre d’escampette en direction de Kongoussi, ville située plus au Nord. Soumis au devoir de réserve, le commissaire de police du district n’a pas voulu se prononcer.

Boussé, 24 septembre 2010. Il est environ 10 heures. Un attroupement inhabituel est constaté devant le commissariat central de police. Renseignement pris, la population en colère veut en découdre avec des présumés kidnappeurs d’enfants. Le commandant du corps urbain tente de calmer les ardeurs. Plus loin, un véhicule de marque Toyota Corola, immatriculé M 1897, est stationné sous des arbres. Le bruit de la population se fait de plus en plus fort.

A l’intérieur du commissariat, deux messieurs sont assis sur un banc. Ils ont l’air inquiets et murmurent des mots qu’eux seuls peuvent comprendre. Plus loin sous les arbres, Moussa Ouédraogo, géniteur des gamins qui ont failli être emportés est plus qu’en courroux. Il gesticule. Et pour cause ? Autour de 8 heures en cette matinée de 24 septembre, à la sortie de la ville de Boussé en direction de Ouahigouya (la même zone où avait été kidnappé Arouna Ilboudo), des enfants dont Emile et Edmond Ouédraogo s’amusent non loin de la voie en surveillant leurs animaux.

Soudain, un véhicule de couleur noire ralentit, quitte la chaussée à plus de 200 mètres et stationne. Les deux occupants du véhicule descendent, selon les explications des gamins et les invitent à venir prendre des bonbons. Avisés, certains enfants prennent la brousse, laissant deux de leurs camarades sur place. Constatant la méfiance des enfants, l’autre occupant sort un billet de 1000 Fcfa, le tend, tout en avançant vers eux, nous dit Moussa Ouédraogo. Ils les invitent à venir pour qu’ils aillent à Ouagadougou. Prévenu, le père alerte la foule qui intime les occupants du véhicule à décliner leur motivation. Sur place, les deux passagers ont du mal à expliquer les mobiles de leur stationnement.

Ils balbutient et disent se rendre dans le village de Yacktenga, puis de Napalgué. Interrogés sur les situations géographiques de ces deux villages, ils indiquent le contraire. Par la suite, ils affirment être en panne, parce que le véhicule chauffe et ils ont stationné pour attendre un mécanicien.

Rapidement, un attroupement se forme et la police alertée vient mettre les présumés kidnappeurs à l’abri de la vindicte populaire. Ils ont été par la suite, déférés à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou et leur dossier transmis à la justice. Quelques jours plus tard, nous sommes informé de la disparition d’un enfant de trois (3) ans dans le village de Tamsé, dans la commune de Niou. Sur le lieu, le désarroi est total. La maman est sous le choc. L’enfant aurait-il disparu dans les hautes herbes ou est-il tombé dans les filets de ces individus ? Mystère et boule de gomme.

La vigilance doit être de mise

Tout le monde s’interroge sur la motivation réelle des ravisseurs. En réalité, la deuxième tentative d’enlèvement a fait couler beaucoup d’encre et de salive sur les motivations réelles de ceux qui agissent de la sorte. Les cibles favorites sont les enfants de moins de 16 ans. Certains vont jusqu’à pointer du doigt la course à l’enrichissement, probable cause du comportement de ces kidnappeurs. « Il ne faut pas se cacher les choses. Ces gens veulent devenir riches, coûte que coûte et tout de suite », signifie l’imam de la mosquée de Toecé Yaar, au secteur n°20 de Ouagadougou.

Les autorités coutumières ne s’entourent pas de diplomatie pour dire que ces enfants, une fois enlevés, seront soit vendus, soit tués pour des besoins occultes. « Vous entendez par moments, que l’on a retrouvé des corps sans vie avec des organes qui manquent .Ces gens ont leurs raisons et il faut les combattre", insiste pour sa part, le géniteur de Arouna Ilboudo. En tous les cas, une source judiciaire, qui a gardé l’anonymat, indique que de tels actes sont répréhensibles par la loi burkinabè, notamment par le code pénal en ses articles 398 à 405. Les auteurs peuvent écoper des années d’emprisonnement et cet article est tout aussi illustratif : "est puni d’une peine de 5 à 10 ans d’emprisonnement, quiconque par violence, menace ou fraude, enlève ou fait enlever un mineur ou l’entraîne ou le fait entraîner, détourner ou déplacer des lieux (...)".

Les "kidnappeurs" étant comme des serpents de mer, de nouveaux comportements doivent être inculqués aux enfants, pour mettre fin aux intentions malveillantes de ces individus. Aussi, la population doit avoir la culture de la dénonciation auprès des services de sécurité. « Par moment lorsque vous êtes dans le désarroi total, l’idée d’informer les services de sécurité n’est pas toujours évidente. Nous devons corriger rapidement cette donne, pour donner un coup de pouce aux services de sécurité », a reconnu un responsable coutumier.

Moussa CONGO (congosidwaya@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 28 décembre 2010 à 03:28, par Yanis En réponse à : Enlèvement d’enfants : Un mal silencieux

    Bravo petit, encore un bel article ! Tu fais d’énormes progrès !

    Courage

    Un ami

  • Le 28 décembre 2010 à 13:43, par forguirawa En réponse à : Enlèvement d’enfants : Un mal silencieux

    Enfin quelqu’un en parle ! J’ai failli être victime de ces criminels, ou du moins, mon enfant qui fréquente une école privée dont je tais le nom, en fin 2009 lorsque j’étais en mission à Bobo Dioulasso.
    En effet, au soir du 3ème jour de ma mission, pendant que j’étais en train de bien manger mon poisson à la braise avec mes co missionnaires ; ma femme me fait, au téléphone, la situation aux environs de 20h juste après leur rapt manqué.Je rends grâce à Dieu !
    Au moment où madame va dans la ruelle d’à côté voir une voisine, un petit bus presque identique à celle qui ramène mon enfant à son école se gare à la devanture de notre porte et veut l’amener soi-disant à son école. La fille de ménage s’y oppose après une discussion avec l’individu descendu la réclamer. Ce dernier remarquant que le voisinage prêtait attention à leur scène ; a préféré rejoindre le véhicule et le chauffeur a démarré pour prendre la poudre d’escampette. Madame est revenue juste après et elle a très rapidement compris ce qui se passe. Elle a alerté les voisins, mais personne n’a pu rattraper le véhicule.L’école ne reconnaîtra pas avoir envoyé à cette heure un de leurs véhicules et le chauffeur dira ne pas être de service à pareille heure.Curieusement, ces messieurs connaissaient mon nom, celui de l’enfant parfaitement. J’ai cherché à rejoindre Ouaga le même soir mais mes compagnons m’ont convaincu que du moment ou la tentative d’enlèvement n’a pas aboutie, je pouvais rester et finir ma mission. J’avoue avoir passé une nuit blanche et j’étais pressé pour la fin de cette mission. J’ai beaucoup remercié le Seigneur. J’ai alerté le bureau de l’APE de l’école afin que chaque parent prenne les dispositions nécessaires et désormais nous vérifions tout véhicule venant cherché mon enfant pour s’assurer qu’il s’agit bien de celui que nous attendons.
    Deux jours après mon retour de Bobo, j’ai déposé une plainte contre X à la Brigade de recherches de la Gendarmerie de la cité du secteur 15 face à l’échangeur de Ouaga 2000 route de Pô. Je me suis dit que si d’autres plaintes du genre sont faites, les forces de sécurité seront amenées à faire des enquêtes recherches et débusquer certainement ces malfrats. Je suis également convaincu que la Gendarmerie travaille ainsi que la Police sur ces affaires et dans le silence comme c’est de règle chez eux. Et j’ai espoir qu’un jour, ils nous présenterons des trophées. J’encourage les victimes à déposer plainte et la population à collaborer. Rappelez-vous le numéro vert de la sécurité que j’ai toujours sur mon portable : 80 00 11 45
    Il y a un autre phénomène qui encourage l’insécurité à Ouaga, c’est la méconnaissance entre voisins de quartier et surtout de cour commune si vous ne fréquentez pas le même service, maquis, mosquée, église,et autres lieux publics de contacts ou bien vous n’avez pas les mêmes loisirs(cartes, pétanque, club PMU’B), etc. Les bailleurs ne gérant pas toujours directement leurs immeubles en location.

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