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La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (1/3)

Publié le vendredi 24 décembre 2010 à 16h06min

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La fête est finie. Pour Laurent Gbagbo, président « j’y suis, j’y reste ». A Dakar, je n’ai trouvé personne, au Fesman comme dans la rue et dans les taxis, pour lui donner raison. A Casablanca, au Maroc, où j’escale, même chose. Il est vrai que les relations entre Rabat et Abidjan ont souvent été difficiles.

On se souvient qu’en 2005, le Maroc avait rappelé son ambassadeur en Côte d’Ivoire après que la présidence ivoirienne ait démenti « formellement » avoir demandé au roi Mohammed VI du Maroc « de mener des efforts de médiation » dans la crise ivoiro-ivoirienne alors que, dans le même temps, le président sud-africain Thabo Mbeki était en charge du dossier (la République sud-africaine avait reconnu la République arabe sahraouie démocratique l’année précédente, ce qui avait créé des tensions entre Pretoria et Rabat). Et, en 2007, les responsables ivoiriens accuseront les troupes marocaines de l’ONUCI de « détournement de mineures ».

Par ailleurs, Rabat et Dakar (qui est en pole position dans le soutien à Alassane Ouattara) sont diplomatiquement très proches, notamment sur les questions africaines, tandis que le Premier ministre marocain, Abbas El Fassi, présent à la cérémonie d’investiture du président burkinabè Blaise Compaoré, a salué la transparence de la présidentielle organisée dans ce pays. Le Maroc a, à cette occasion, réaffirmé sa « volonté de continuer à développer la coopération bilatérale et la solidarité avec le continent ».

Dans la presse française, quotidiens et hebdomadaires, que je découvre dans le vol Air France entre Casablanca et Paris, la Côte d’Ivoire continue de faire la « une ». Et Gbagbo l’unanimité contre lui. Il n’y a que L’Humanité pour tergiverser dans ses commentaires : difficile de soutenir le « sortant » compte tenu des exactions auxquelles il se livre, mais impossible pour le quotidien ex-stalinien de laisser penser qu’il puisse soutenir, dans cette affaire, un ancien patron du FMI dont la victoire à la présidentielle est cautionnée par la « communauté internationale » et l’Afrique des présidents. La couverture médiatique de la crise ivoirienne est impressionnante et mais laisse penser que la France découvre aujourd’hui seulement la vraie nature de Gbagbo et que le scénario qui se déroule à Abidjan n’était pas annoncé.

Le Gbagbo 2010 est la copie conforme du Gbagbo 2000. Rien de changé. Ni dans le fond ni dans la forme. Ni dans la méthode (mercenaires, milices, escadrons de la mort…). Sauf que, cette fois, il est installé depuis dix ans au pouvoir et qu’il en maîtrise tous les leviers ; ce qui n’était pas le cas, en octobre 2000, quand il a évincé Robert Gueï du pouvoir à l’issue d’une présidentielle « calamiteuse ». Ajoutons à cela que Gbagbo s’est préparé à l’affrontement quand, en face, on a joué strictement le jeu de la « démocratie » électorale. Alors, bien sûr, ceux qui pensent qu’il suffit d’exercer des « pressions » sur Gbagbo et sa clique pour qu’il s’en aille sont dans l’erreur.

A Dakar, un banquier privé ivoirien et « pro-Gbagbo » expliquait, sans rire et sans état d’âme, qu’il ne s’agit pas de prendre en compte le résultat de la présidentielle. Peu importe que Ouattara l’ait emporté ; ce qui importe c’est que si Gbagbo veut des sous, les banquiers lui donneront des sous parce que le pouvoir, c’est lui et pas l’autre. D’autres concèdent que l’on va, avec Gbagbo, nécessairement à l’affrontement armé : « Il veut être, dans l’Histoire de la Côte d’Ivoire, considéré comme un martyr à l’instar de… Jeanne d’Arc ». Certains préconisent une opération commando pour régler définitivement la question considérant que « l’ultimatum » fixé au dimanche 19 décembre 2010 n’a aucun sens : Gbagbo ne pliera pas bagages. On ne manque pas d’évoquer non plus la difficulté qu’il y a, pour la France et les pays de la sous-région, à trop s’engager dans une confrontation armée : trop de ressortissants de ces pays sont installés en Côte d’Ivoire et deviennent, de facto, les otages de Gbagbo !

Imagine-t-on que Gbagbo et sa clique aient laissé leur argent sur des comptes européens ? Les connexions libanaises et les paradis fiscaux sont leurs meilleurs alliés. On pourra bien jouer, à l’infini, le jeu de la légalité et de la légitimité, ce n’est pas à ce jeu-là que Gbagbo participe. On peut bien donner la parole aux « gbagboïstes » (à l’instar de l’entretien de Arnaud Vaulerin avec Charles Blé Goudé dans Libération d’hier matin, lundi 20 décembre 2010), les réponses sont toutes formatées : « Il faut dire au monde que les pro-Ouattara incendient des individus, des immeubles, que les marcheurs de Monsieur Ouattara sont armés. C’est une guérilla urbaine. Monsieur Ouattara est en train de semer la terreur » (dixit Blé Goudé).

Gbagbo est au pouvoir depuis dix ans et à Dakar comme ailleurs personne n’a oublié la longue liste de ses exactions, de ses promesses non tenues, de ses engagements non respectés, de ses connexions mafieuses, de ses implications dans des meurtres politiques ou ethniques, du traitement inhumain des populations « étrangères », de ses coups de Jarnac diplomatiques, etc. En dix ans, Abidjan a fait le plein de l’ignominie et n’a jamais hésité à en rajouter. En fait, Gbagbo est un rat qui a besoin d’immondices pour régner au milieu d’eux ; il ne cesse de les accumuler !

Mais les Ivoiriens tout autant que l’Afrique et la communauté internationale n’ont jamais cessé de concéder du terrain aux « gbagboïstes » alors que leur mode de production politico-affairiste était connu de tous. Les socialistes français peuvent bien, pour l’essentiel, appeler le « camarade » Gbagbo à « accepter le verdict des citoyens » (Laurent Fabius), Gbagbo se moque pas mal du PS et de ses nomenklaturistes qui ont toujours accepté la compromission à ses côtés et, surtout, n’ont jamais dénoncé ses exactions. Il n’y a que François Hollande pour avoir dit ce qu’il fallait dire quand il fallait le dire : « Gbagbo est infréquentable ».

A droite, ce n’est pas mieux. Ce matin, dans Le Figaro (mardi 21 décembre 2010), un long papier signé Thierry Portes a été consacré à Simone Gbagbo ; il est titré « La Dame de sang d’Abidjan » ; mais Thierry Oberlé dans Le Figaro du 5 février 2003, au lendemain des « accords de Marcoussis » était bien moins virulent vis-à-vis de « l’influente épouse du chef de l’Etat ivoirien ». Il est vrai qu’alors Marcoussis avait été organisé par Dominique de Villepin qui, déjà, ne faisait pas l’unanimité au sein de la droite et dont il convenait de montrer qu’il n’était pas à la hauteur de la tâche ; reste à me démontrer que la « Simone » de 2010 (quelque peu sur la touche pendant la campagne pour la présidentielle) est plus dangereuse que celle de 2003 ! Sauf, bien sûr, pour sa rivale « Nadiana » ; mais c’est une autre histoire !

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique


Lire aussi : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (2/3)

La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (3/3)

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Vos commentaires

  • Le 24 décembre 2010 à 16:32 En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (1/3)

    Une volonté manifeste d’exterminer le peuple
    Tout le monde le sait déjà. Gbagbo et ses va-t-en guerre sont déterminés à exterminer tous ceux qui ne leur ressemblent pas. Dans leur dérive génocidaire, la principale cible reste les militants RHDP et les ressortissants des pays qui interviennent pour que la légalité soit respectée et que le pouvoir revienne au Docteur Alassane Ouattara, vainqueur (54,10%) du second tour de la présidentielle tenu le 28 novembre 2010. Pour assouvir leur macabre projet, Gbagbo et ses sans foi ni loi ont importé des machines à tuer recrutées en Angola et au Libéria voisin. Si en ce qui concerne le Libéria, la présidente Sirleaf Johnson a confirmé et dénoncé ouvertement les mouvements des mercenaires venant de son pays, l’Angola et Dos Santos envoient des soldats gouvernementaux à Laurent Gbagbo pour verser davantage le sang des Ivoiriens. Pendant le couvre-feu, ils se sont tristement illustrés en exécutant sommairement d’innocentes personnes à Abidjan. Quelle méchanceté de la part d’un homme qui n’a de cesse de clamer qu’il se bat pour son pays ! Aime-t-il vraiment la Côte d’Ivoire quand il s’évertue à faire massacrer les Ivoiriens par des mercenaires et des milices à sa solde ? Le comble dans tout ceci, c’est la passivité et donc la complicité agissante de l’armée régulière ivoirienne qui assiste aux tueries et se voit marginaliser sans lever le petit doigt. Peut-elle être fière demain, si le peuple qu’elle est censée protéger est anéanti par des forces du mal importées ? A y voir de près, Mangou et ses troupes ont choisi le camp du génocide et du crime contre l’humanité. Pour un individu qui ne représente plus rien aux yeux du monde entier. Mais, il n’est pas tard pour renverser les choses. Car demain, ce sera trop tard et aucune larme de crocodile ne pourra émouvoir qui que ce soit parce que chacun aura été averti. De plus, les instigateurs de cette sale aventure doivent savoir que nul n’a le monopole de la violence

    • Le 25 décembre 2010 à 21:16, par LA VERITE En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (1/3)

      Je viens de lire dans le journal de Lauant Koudou GBAGBO un article ridicule. Le fameux journal fait mention d’un envoi par les Presidents Obama et Sarkozy de mercenaires allemaands pour assaniner l’ancien president GBAGBO. Si le ridicue tuait, les auditeurs d’un tel article seraient deja intéressé. Le fameux auteur de l’article publie même des numeros de passeport des prestendus mercenaires.
      Si recruteurs de mercenaires il y a , c’est bien Laurant GBAGBO et son clan qui ont recruté des mercenaires libértiens pour tuer des citoyens libériens. Ce sont eux les vrais assassins et ils continuent d’assassiner des citoyens innoncents. Les Ble Goudé leur remettent des listes avec des adresses precises des victimes. La communauté internationale a confirmé ces crimes, le president Alassane Dramane OUATTARA a demandé une enquête de la CPI. Les forces de l’ONU ont été empêchées de se rendre à un endroit gardé par les forces de terreur de GBAGBO pour examiner in charnier ou des ivoiriens ont été ensevelis. OH Grand Dieu, libère la Cote d’Ivoire de cette situation monstre. GBAGBO et ses assassins le savent, leur fin est proche. Il leur appartient de choisir la manière dont cela va s’operer : pacifique ou tragique. Ils ont encore le choix. Notre armée dont je suis membre et bien placé, ne peut plus continuer à supporter ces tueries de nos freres par des étrangers pour sauver le pouvoir qu’un homme a perdu. Si toutefois, les forces de la CEDEAO devraient engager une epreuve de force, elle peut compter sur beaucoup d’entre nous au sein du palais de cocody et dans tous les quartiers d’Abidjan. GBAGBO saura alors qu’il n’est pas suivi. Tant pis pour les généraux pourris car ils sont complices et seront traités comme tels.

  • Le 24 décembre 2010 à 18:30 En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (1/3)

    C’est vrai. Mort ;lla bete, mort le venin.

  • Le 24 décembre 2010 à 19:10, par Palé En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (1/3)

    L’Onu,ainsi que beaucoup d’ONG,Human Rights Watch,Reporters sans Frontière,International Crisis Group etc,ont toujours dénoncé les exactions massives ou les crimes contre l’humanité du régime de Gbagbo. Ces faits graves n’ont jamais été suivi d’effets et Gbagbo s’est toujours tiré d’affaires ! Cependant,j’ai été très marqué par une attaque militaire. Le 2 janvier 2006,à,peine installé,le premier ministre Banny a subi son premier baptême de feu avec l’attaque "mystérieuse" du camp militaire d’Akuedo à Abidjan. Cette attaque avait été menée par des éléments non identifiés et qui ont fait plusieurs morts dans la population civile,surtout étrangère(burkinabé). Quelques jours après cet assaut,l’ambassadeur de Belgique a découvert une dizaine de corps devant sa résidence. La lagune ébriée a rejeté sur ses berges les corps de dix personnes criblées de balles. Ce jour là,alors qu’il se promenait dans le jardin de sa résidence,située en bordure de lagune,à Cocody ambassade,le diplomate alerte les autorités policières de Cocody. Très tôt le matin de ce 2 janvier,des personnes qui revenaient de leur travail ou qui s’y rendaient(gardiens,personnels de maison,jardiniers,chauffeurs)ont été arrêtées par les éléments des Forces de défense et de sécurité. Plusieurs personnes sont restées introuvables et les recherches menées par leurs familles sont restées vaines. Dans un autre quartier,on a également retrouvé trois cadavres au bord de la lagune de M’Badon Riviéra. Tous ces corps repêchés étaient des victimes des exécutions extra-judiciaires des éléments des Fanci. Comme d’habitude,on a présenté à a télévision ivoirienne(RTI),les assaillants présumés arrêtés après l’attaque et présentés commes des prisonniers,ils ont décliné un à un leur identité : Arouna Zabré,Ouédraogo Mamadou. Leurs noms et leur nationalité(burkinabé) suffisent à faire d’eux des parfaits assaillants venus de l’étranger ! Ces pauvres gens(des lève-tôt) n’avaient rien à voir avec les attaques,cependant,ils ont été les victimes de la machination des adeptes des montages grotesques du camp Gbagbo.

  • Le 26 décembre 2010 à 17:56, par Paix En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (1/3)

    Vous pouvez tout ce qu’il vous plaira mais sachez que Dieu emmenera chaque homme en jugement au sujet de ce qui est bien ou mal. Convertissez vous donc et vivez, abonnés à la désinformation. Que Dieu vous pardonne et vos benisse.

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