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GRAND ENTRETIEN AVEC MR ADAMA FOFANA

Publié le vendredi 24 décembre 2010 à 01h28min

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Adama FOFANA n’est plus un homme à présenter. Intellectuel de haut vol, il a déjà une empreinte indélébile dans les rouages de l’Administration et de la politique dans notre pays. Ministre dans le gouvernement de Blaise Compaoré, Président du Conseil supérieur de l’information, il a régalé les Burkinabé, les Africains, par des analyses et des propos sur la démocratie, les droits de l’homme, qui constituent d’ores et déjà des référents pour les générations à venir. Avec sa « Petite Académie », il continue à témoigner sur l’Histoire de notre pays avec courage et compétence. L’homme, qui a toujours bon pied, bon œil, a accepté de répondre à quelques questions de San Finna.

SAN FINNA : Vous semblez très actif sur le plan associatif et même à titre individuel dans le débat social actuel… Est-ce une mutation de comportement ?

FOFANA ADAMA : Merci de votre visite que je me flatte de comprendre comme un signe d’intérêt nourri à l’égard d’un porteur d’idées comme j’aimerai être accueilli tel quel par l’opinion publique ainsi que par votre rédaction. Libre de toute contrainte professionnelle depuis 3 ans, je me consacre passionnément à observer et à analyser la société dans laquelle je vis afin de mieux m’imprégner des valeurs morales et philosophiques qui nourrissent notre idéal de vie. Je dois dire que depuis mon plus jeune âge, j’ai vite perçu et compris combien chaque individu, disons, chaque citoyen, constituait un maillon déterminant dans la chaîne du destin collectif dans la république.

En chacun de nous, existe une disponibilité potentielle qui s’exprime dans nos capacités à œuvrer pour la collectivité.
C’est pourquoi, ayant évolué, je crois, avec un parcours sans encombres notables sur la scène nationale, Jai donné le meilleur de moi à l’administration postale et des Télécommunications, ainsi qu’à l’administration publique dans les fonctions politiques de membre du gouvernement. Je ressens après un tel parcours, combien restent grandement ouvertes les opportunités d’une poursuite de l’engagement à servir, soutenues et insufflées par une forte conviction d’être encore et encore utile !!

C’est tout cela qui motive ma contribution à l’animation du débat social à travers mes activités issues de la Petite Académie et aussi à travers mon implication dans les plates-formes d’échange et de discussions sur divers sujets relatifs aux préoccupations du moment.

Il n’y a donc aucune mutation comportementale à mon niveau, mais plutôt la poursuite d’un jeu de rôle sur un champ plus ouvert, plus large.

SAN FINA : Comment vous présentez vous de façons plus serrée ? Etes-vous dans l’action politique ? Agitateur d’idées ??

FOFANA ADAMA : Une présentation ‘‘serrée’’ comme vous dites pourrait tenir sur une carte de visite mentionnant mes anciennes fonctions ministérielles dans plusieurs gouvernements, et aussi celles de président d’institution de la république …
Mais, vous le savez, ces fonctions se sont éteintes en tant que charges pour moi…Elles ont quitté mon statut et me renvoient de ce fait à une position d’individu, de citoyen qui veut davantage s’investir dans l’observation, l’analyse de la société pour suggérer des pistes de solution dans la conduite des actions de développement. C’est pourquoi je voudrais cantonner ma présentation personnelle, dans l’image d’un citoyen ‘‘porteur d’idées’’ (que je préfère à celle ‘‘d’agitateur d’idées’’) qui construit son cheminement avec une force de propositions libre de toutes pesanteurs contraignantes.

SAN FINNA :Alors-justement, en observant notre société burkinabè en ces lendemains de scrutin pour les Présidentielles, on a le sentiment que l’attente des populations se tourne plutôt vers les réformes…Comment expliquer cela ?

FOFANA ADAMA : Il est effectivement notable que l’élection présidentielle n’a pas passionné les Burkinabé, à la hauteur de l’importance d’un tel évènement dans la vie d’une nation…En France, au Sénégal, au Mali, au Bénin, en Egypte, en Guinée ….bref, un peu partout dans le monde, quand s’annonce l’échéance d’un mandat présidentiel, la vie nationale connaît un an à l’avance une animation particulière, dans la diversité d’opinions et de projets de société.

Au Burkina, à 2 mois des élections, le dispositif électoral demandait à être renforcé, les électeurs traînaient le pied pour s’inscrire, les candidats semblaient peu déterminés quand leurs statures restaient à s’incruster plus résolument dans la conscience des citoyens.
L’élection elle-même et la campagne qui l’a précédée auront du mal à figurer dans les pages de gloire de notre histoire, tant la médiocrité du discours politique d’ensemble rivalisait avec l’indifférence quasi générale des citoyens libres.

Il y a effectivement lieu de s’interroger sur les causes ou les raisons de ce décalage constaté entre les populations et le pouvoir afin d’expliquer le manque d’empathie dans ce couple à un moment où se joue pour 5 ans au moins le sort de tous les Burkinabé dans la conduite de leur destin.
Certains observateurs ont analysé l’attitude des populations comme une bouderie, une réticence, ou même une résignation devant une perspective connue d’avance dans ses résultats .Toutes ces observations lient ces effets de comportement au phénomène de l’érosion exercée sur des administrés trop longuement assujettis à un pouvoir qu’ils jugent inamovible.

D’autre analyses, partant des bases ci-dessus évoquées ont compris que le Pouvoir et les principaux acteurs qui l’animent (qu’ils soient visibles ou cachés) ont atteint leur limite après 4 mandatures (deux septennats et deux quinquennats).Ces limites sont significatives d’une incapacité des Hommes et des Institutions actuelles à prendre efficacement ‘‘ en main’’ l’ensemble des problèmes du Burkina. Un réaménagement structurel était nécessaire pour certains, voire prioritaire sur des élections présidentielles. D’où une prise de distance déclarée ou parfois tacite de certaines composantes de la classe politique souhaitant tantôt une Refondation, tantôt une Renaissance, tantôt une Réforme, tantôt une Rénovation, tantôt une modernisation, etc…

SAN FINNA : A ce sujet, que vous inspire l’appel du chef de l’Etat à participer aux réflexions en vue des réformes ? Quelles dispositions nouvelles voyez-vous dans ces futures réformes qui signifieraient Refondation, Renaissance, Modernisation selon votre compréhension ?

FOFANA ADAMA : Ces questions sont difficiles à circonscrire dans une interview car elles demandent que soient connues d’abord certaines considérations liées aux opportunités motivant les projets de réformes afin d’étudier les dimensions et la portée de ces réformes.
Pour vider ce qui ressemble à une question préjudicielle, à savoir les opportunités qui président à l’élan réformateur, j’observe à travers l’histoire, que toutes les réformes prennent naissance dans l’esprit d’un mouvement politique qui, une fois légitimé par des votes, en traduit les articulations par des mesures légalisées, par des procédures juridiques appropriées. Je parle des réformes comprises dans les traditions démocratiques permettant à un nouvel élu de reformater les institutions publiques non pas en fonction de ses motivations subjectives, mais plutôt en relation avec ses objectifs programmatiques qu’il considère comme une donnée contractuelle vis-à-vis de son électorat.

Les exemples de réformes obéissant à cette logique me ramènent, en France à voir les actions de Valery Giscard d’Estaing, de François Mitterrand, de Jacques Chirac et enfin de Nicolas Sarkozy lorsque chacun d’eux, restant dans le corset des engagements avec l’électorat, a remodelé une partie des institutions de l’Etat, pour l’accommoder à sa vision des choses. Les reformes, même les plus profondes, viennent rarement en cours de mandats car, le respect dû à l’électorat est tacitement compris comme obligation à observer par l’élu.

C’est vrai, rien n’oblige à suivre cette règle non écrite, il s’agit d’un principe d’éthique en politique.
En résumé l’élan réformateur chez nous est fondé sur un appel à contribution du président du Faso adressé à la Nation entière, et comprend deux cibles essentielles : le mandat présidentiel et la création d’un sénat. La réforme ainsi envisagée vient après une poussée intense du mouvement de refondation piloté par Maître Herman Yaméogo de L’UNDD et soutenu dans l’essentiel de ses objectifs par le courant centrifuge du CDP illustré par des idées de l’ambassadeur Salif DIALLO qui, jouissant de ce qu’il considère comme sa liberté de parole au sein du CDP, a suggéré des modifications très profondes dans les modalités d’organisation des Pouvoirs Exécutif et Législatif ainsi que dans l’agencement des relations organiques et fonctionnels entre ces pouvoirs. L’effet conjugué de ces 2 sources réformatrices pourrait constituer historiquement la base et les raisons de l’appel du Président en vue de rassembler le maximum de propositions susceptibles de reconfigurer notre loi fondamentale pour rendre possible un autre Burkina sur le plan institutionnel.

Cependant, si les contributions ont un caractère de simples réponses participatives d’un effort général sans aucune légitimité, il est évident qu’elles auront une force de proposition très relative, ne dépendant finalement que du bon vouloir du Président du Faso. Dans de telles conditions, où est la Démocratie ? Ainsi se trouve posé le problème de la légitimité des retouches opérées sur les textes et les principes qui régissent notre entente tacite du ‘‘vouloir vivre ensemble’’.

SAN FINNA :Autrement dit, vous pensez qu’il ya une impasse ?

FOFANA ADAMA : A défaut d’impasse, disons qu’il se présente sur le chemin de la Démocratie un passage très étroit qui, pour être franchi nécessite que soit mise de côté toute vanité d’hégémonie du parti majoritaire pour envisager avec toute la classe politique Burkinabé, un consensus pour opérer une réforme sur les institutions de la république. Cela pourrait ressembler à un retour sur l’histoire, comme si on était en début de circuit avec une assemblée constituante mais le gain possible serait, je le crois, dans une entente pour accepter et valider encore l’élection Présidentielle qui garantirait la possession normale des charges par celui déclaré vainqueur.

SAN FINNA : Et jusqu’où pourrait-on, selon vous, réformer ou refonder l’Etat…

FOFANA ADAMA : A l’évidence, dès l’obtention d’un consensus des acteurs de la politique pour revoir la constitution, plus rien n’est tabou et l’Instance qui siègera pourrait être installée par l’assemblée Nationale, avec ‘‘une lettre de mission’’ contenue dans une résolution expresse qui, en même temps, définirait les conditions d’application des mesures élaborées. Le mandat des élus de l’actuelle législature arrivant à échéance en Mai 2012, offre un lit confortable à d’éventuelles dispositions transitoires.

Pour ma part, s’il m’était donné de formuler de façon détaillée des propositions sur les institutions et les pratiques, je m’exprimerais en profondeur sur :

• Le chef du Gouvernement et les membres (Fonctionnement du gouvernement, profils, du chef et des membres, responsabilité gouvernementale, évaluation, devoirs).

• Le Conseil Constitutionnel (Statut des membres, fonctionnement)

• Le Conseil supérieur de la Communication (Attributions, fonctionnement, missions).

• La Cour des comptes (Ses pouvoirs, ses modalités d’intervention la portée de ses avis, l’étendue de ses missions).

• La Chefferie traditionnelle (Sa destination, son rôle).

• L’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat.

• L’Armée (Ses missions républicaines, ses fonctions, son organisation).

• L’Administration Publique (Procédure de nomination aux emplois publics, neutralité de l’Administration, Sauvegarde du service Public).

• Le Protocole d’Etat (Sa relecture)

• L’Autorité de Régulation des communications électroniques
(Ses missions, ses attributions et son organisation)

• Les Marchés Publics (Procédures d’attribution des marchés, suivi et contrôle des agréments d’attributions).

SAN FINNA : Il y aura assurément du pain sur la planche mais, avez-vous pris connaissances de la publication de l’Eglise sur les « Cinquante ans de souveraineté du Burkina Faso : Quel avenir ? ». Qu’en pensez-vous ? Et vous-même, quel avenir pressentez-vous pour le Burkina dans 50 ans ?

FOFANA ADAMA : J’ai lu avec beaucoup d’intérêt cette publication qui hélas, à force de précautions liées au statut de l’Eglise, semble s’intéresser exclusivement au ‘‘Chrétien dans la cité’’ et de ce ,fait, circonscrit sa portée aux seuls destinataires catholiques qu’elle invite depuis 1957 à s’investir à s’engager dans la politique. Ces considérations, au regard des dispositions constitutionnelles sur la laïcité de l’Etat, peuvent affaiblir la charge critique des observations faites car on pourrait les juger indues pour raison de disqualification de l’auteur.

Il faut cependant reconnaître sur ce sujet que l’Etat lui-même a foulé au pied de la lettre ce principe de laïcité de Maurice Yaméogo à Blaise Compaoré en passant par Lamizana, Saye Zerbo et Jean Baptiste Ouédraogo par des attitudes trop permissives qui ont favorisé les confusions de genre avec l’islam et la chrétienté. Les exemples sont nombreux et illustrent suffisamment l’influence de l’histoire de France sur la nôtre quand dans nos constitutions, nous reproduisons les principes de laïcité de l’Etat sans effort d’adaptation. Bref, il se pourrait que d’autres confessions religieuses s’expriment sur ce sujet mais en attendant, je veux quand même ‘‘confesser’’ mon adhésion (non culturelle) au résultat de l’auscultation posée en diagnostic par les archevêques et évêques du Burkina. Pour terminer sur ce point, je recommande vivement à L’OCADES (Organisation Catholique pour le Développement Economique et Social) de s’approprier sans aucun souci, tous ces sujets pour un plus grand développement intellectuel. L’Eglise se contentera de s’adresser à ses diocésains chaque année pour la préparation des solennités de Pâques c’est-à-dire le Temps du Carême avec les Mandements de Pâques.

Si je devais tenter une esquisse de l’Etat de notre pays dans les Cinquante ans à venir, je crains de paraître un rabat-joie car je développe un afro-optimisme qui exige que les pays africains suppriment leurs frontières et adoptent plus résolument la politique de l’association, de l’intégration et de l’union ou de la Fédération. En effet, dans 50 ans et si rien n’infléchit les tendances au niveau démographique, le monde comptera 9 à 10 milliards d’individus avec, pour le continent Africain, 2 milliards de personnes. Le Burkina, s’il devait rester intact dans ses limites géographiques, comptera environ 35 à 40 millions d’habitants. Une organisation politique et économique assise sur nos micros-Etats face à un monde déjà organisé en blocs et ensembles bien solides. Je souhaite donc que dans 50 ans au plus, le Burkina soit un Etat membre d’une Fédération et que ce pays soit dirigé par un gouverneur qui, avec les autres gouverneurs d’Etats, épaulent un Président de la Fédération qui ne connaîtra ni clan, ni tribu, ni ethnie. Il n’est que de raison d’amorcer le tracé du chemin qui nous conduit à cette destination.

SAN FINNA : Le Cinquantenaire est critiqué par certains qui le jugent dispendieux. Votre avis ?

ADAMA FOFANA : Les fêtes de l’indépendance, telles qu’elles sont organisées, concentrent sur une ville donnée un effort d’investissement de l’Etat en réalisations immobilières et autres équipements collectifs en infrastructures diverses. Les budgets ainsi concoctés sont une conjonction des apports respectifs de l’Etat central et des collectivités locales. Cette lecture est nécessaire pour mieux apprécier l’utilité et la pertinence des dépenses dont l’essentiel est tout de même affecté, non à la ‘‘bamboula’’ mais plutôt à des réalisations palpables et durables. On peut choisir de changer la formule des fêtes et leur calibrage mais pour moi l’essentiel est ailleurs. Il s’agit de saisir l’occasion de ces fêtes pour donner un contenu à l’idée et à la notion d’indépendance par l’éducation, la formation, le travail.

SAN FINNA : Un Haut-Conseil de la Mémoire vous semble-t-il Opportun dans la vie de la Nation ?

FOFANA ADAMA : Sans hésiter, je considère comme une donnée de première importance, le rôle de la Mémoire dans la conduite du destin national. Je loue la perspicacité d’Hermann Yaméogo dans la promotion qu’il entreprend au profit d’un Haut-Conseil de la Mémoire.

J’ignore cependant la vocation en détail des missions qu’il veut consacrer à une telle structure. Moi, je vois à travers une société Savante comme l’Académie des sciences morales et sociales Burkinabé, l’idéal d’une culture et d’une conservation de la Mémoire pour servir à la fois le présent et l’avenir. Vous savez, le passé ressemble à la distance sur le chemin. Plus l’on s’éloigne, plus la vue perd la réalité du terrain. C’est pourquoi, il faut baliser le chemin par des dates, des événements, des faits d’hommes et de femmes qui instruisent les personnes, de génération en génération.

SAN FINNA : Le mot de la Fin ?

Oui, merci encore une fois de cet entretien qui me permet de formuler, au-delà des débats dans les conférences, des propositions et des réflexions sur notre vie commune. Je sais que le discours social est fort agrémenté par de nombreux acteurs sociaux et qu’il est difficile d’être entendu. Mais l’essentiel est de participer…démocratiquement.

San Finna

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Vos commentaires

  • Le 24 décembre 2010 à 07:22 En réponse à : GRAND ENTRETIEN AVEC MR ADAMA FOFANA

    Vous comprendrez pourquoi on peut difficilement se fier a un burkinabe. Koro Adama, tu ne pouvais pas dire ne sserait-ce que le dixieme de ce ue tu as dis lorsque tu mangeais toujours avec Blaise ? Es-tu passe a l’ opposition ? Je croyais que la Korokratie ne rimait pas avec fauxtypisme. Suis tres decu.

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