Alpha Condé : Le plus dur reste à venir
Sans doute aujourd’hui, à l’instant où le Conseil constitutionnel va recevoir son serment ou même peut-être avant, Alpha Condé, le premier président guinéen démocratiquement élu depuis 52 ans, va ressasser les aspects saillants de ses 40 ans de lutte dans l’opposition : sa condamnation par contumance par Sékou Touré, sa fuite de ce goulag sous tropique qu’était la Guinée, son embastillement sous Lansana Conté, jusqu’à cette longue et éreintante présidentielle de 2010, bref, le film de tous ces événements doit défiler dans sa tête.
Ce jour 21 décembre 2010, il est aussi un homme heureux, car il sera investi comme président de la République de Guinée devant un aréopage de chefs d’Etat et de gouvernement, la Communauté internationale et surtout devant son mandant : le peuple de Guinée ; un bonheur qui ne saurait éclipser les tâches titanesques qui l’attendent.
"Alpha Condé est plus à plaindre même si on aimerait être à sa place pour se faire plaindre", écrivions-nous dans l’un de nos précédents éditoriaux. En effet, sitôt les flons-flons de cette prestation achevés, le leader du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) doit ôter ses vêtements d’opposant, souvent faciles à porter, même si ce ne fut pas son cas, pour endosser ceux de premier magistrat de ce pays, martyrisé depuis plusieurs décennies.
Premier chantier incontournable, la réconciliation des cœurs. Au-delà de la Commission Vérité et Réconciliation que le nouveau président veut installer, il lui faudra rassembler large, car, au vu du verdict des urnes, un Guinéen sur deux ne se reconnaît pas en lui ; sans occulter le fait que, depuis des années, des familles meurtries et endeuillées attendent des réparations auxquelles l’avènement d’une justice impartiale devra s’atteler tout en évitant la chasse aux sorcières. Autrement dit, l’impunité doit cesser en Guinée.
Depuis la disparition du "Silly" en 1984, l’armée guinéenne n’a d’armée que le nom et est plus putschiste que républicaine ; une réforme de fond en comble de la Grande Muette s’avère donc urgente pour le nouveau locataire du palais de Sékoutoureya.
Toutes les sanctions étant pratiquement levées à l’encontre de ce pays, "l’équipe de combat" que devra mettre en place Alpha Condé doit immédiatement se mettre à labour. Ce gouvernement "d’union nationale" et "non d’union de partis politiques", selon la nuance relevée par le nouvel élu, doit poser rapidement des actes à même de remettre en marche ce pays sur cale depuis des lustres.
On l’aura remarqué, Alpha Condé doit oublier ses 40 ans de parcours du combattant, car il est "au pied du chateau" de l’Afrique, qui "peut nourrir et la Guinée et l’Afrique de l’Ouest". Plus que les discours et les incantations de campagne électorale, le président guinéen doit combler la kyrielle d’attentes des populations.
A l’évidence, les 40 ans dans l’opposition apparaîtront à côté de ce quinquennat comme une promenade de santé ; le plus dur reste donc à venir pour le professeur.
Z. Dieudonné Zoungrana
L’Observateur Paalga