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SENEGAL- IRAN : Les armes de la discorde

Publié le vendredi 17 décembre 2010 à 03h42min

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Entre Dakar et Téhéran, ça va mal. Dans un récent communiqué, les autorités sénégalaises ont annoncé avoir rappelé pour consultation leur ambassadeur à Téhéran. Un rappel qui fait suite à l’arraisonnement d’un navire chargé d’armes, en provenance d’Iran et à destination de la Gambie. Le 31 octobre dernier, ce navire avait été intercepté à Lagos, au Nigeria. A son bord, les enquêteurs avaient trouvé treize conteneurs remplis d’armes de différentes catégories et des munitions pour armes lourdes. Une vraie nébuleuse qui suscite des interrogations.

Qui est donc le véritable destinataire de ce bateau chargé d’armes, dans une Afrique à l’abandon, et devenue par conséquent un paradis pour toutes sortes de mafieux et de trafiquants de la pire espèce ?

La piste des rebelles casamançais vient vite à l’esprit. Les autorités sénégalaises craignent en effet de voir de tels équipements passer directement de la Gambie aux maquis du MFDC, le Mouvement des forces démocratiques de Casamance. Mais surtout, Dakar digère mal l’implication de l’Iran dans une telle livraison d’armes. Ce pays avait été considéré jusque-là comme un pays ami avec lequel le Sénégal avait commencé à tisser de solides liens. Cette année, les deux chefs d’Etats sénégalais et iranien s’étaient même rendu mutuellement visite dans le cadre du renforcement de la coopération bilatérale.

L’Iran apporte son soutien financier au Sénégal qui le soutient dans ses démêlées avec l’Occident à propos du nucléaire. Reste qu’à la faveur de cette crise, le chef de la diplomatie iranienne a dû se rendre au Sénégal dimanche et lundi derniers. Il était porteur d’un message d’explication sur la fameuse cargaison d’armes. Le fait de rappeler leur ambassadeur à Téhéran pour consultations, montre bien que les autorités sénégalaises n’ont pas été convaincues par les explications fournies par Téhéran. Mais la seule affaire des armes justifie-t-elle des décisions aussi radicales ? Le Sénégal traverse en ce moment une zone de turbulence liée au débat sur la constitutionnalité de la candidature de Wade qui voudrait rempiler en 2012. A Dakar, on peut donc chercher à faire diversion.

La décision de Me Wade pourrait aussi traduire le rejet d’une ingérence du fondamentalisme religieux iranien dans les affaires politico-religieuses du Sénégal. Téhéran n’aurait-il pas franchi le rubicond et mis le nez quelque part dans la cuisine sénégalaise si attrayante ? Musulman à plus de 90% et traversé par divers courants, le Sénégal de Wade ne voudrait-il pas profiter d’une telle occasion pour donner un avertissement aux activistes islamistes ?

Ce qui est sûr, cette mini-crise fait l’affaire des Occidentaux dont l’Iran est la « bête noire ». Et il est fort probable qu’ils exerceront des pressions sur le chef de l’Etat sénégalais, pour l’amener à revoir sa coopération avec Téhéran. Toutefois, il ne faut pas oublier qu’en Afrique et dans les pays arabes, la rue constitue une force non négligeable, et les partisans de Téhéran savent bien l’exploiter. Une solidarité face aux puissants de ce monde.

Sauf que dans ce cas-ci, ce pourrait être un coup dur pour l’Iran qui avait commencé à faire de réelles percées sur le continent et dont le Sénégal constituait un solide point d’appui. Une des leçons à tirer de cette affaire, c’est que l’Afrique reste une destination privilégiée pour les vendeurs d’armes et de déchets de toutes sortes. Les dirigeants du continent, plutôt que de se consacrer au développement, sont devenus pour un bon nombre d’entre eux, de vrais trafiquants qui ne répugnent nullement à sacrifier leurs populations qui croupissent dans la misère.

Etant donné le peu de sérieux de certains dirigeants qui ne respectent ni les règles élémentaires des droits humains ni les principes démocratiques, comment s’étonner de voir des individus sans foi ni loi prendre d’assaut le continent ? En tout cas, cet autre dossier constitue à coup sûr une autre aubaine pour l’opposition sénégalaise à l’affût. Même s’il permet aussi de faire diversion, il faut reconnaître que l’affaire est de mauvais goût pour le président Wade qui a intérêt à aller aux élections de 2012 dans des conditions plus sereines.

Devant un tel imbroglio, toutes les spéculations sont permises. Pourquoi de telles armes n’auraient pas pour destination finale la Côte d’Ivoire, un pays sous embargo, au profit de Laurent Gbagbo le président autoproclamé ? L’hypothèse d’une implication du régime Gbagbo dans cette histoire de trafic d’armes par la Gambie interposée, n’est pas idiote d’autant que la Gambie de Yayah Jammeh est l’un des rares pays du continent à avoir ouvertement apporté son soutien à Gbagbo, en dépit de l’isolement dont il est l’objet sur la place internationale. En attendant, c’est un voile opaque qui continue d’entourer ce dossier.

"Le Pays"

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