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Du pouvoir à l’opposition : Le choix courageux de Kamerhe

Publié le jeudi 16 décembre 2010 à 01h50min

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A un an de la présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), les potentiels candidats sont en train de battre leurs cartes pour cette joute électorale de novembre 2011. Ainsi, dans ce pays-continent, l’heure est aux grandes manœuvres politiques voire politiciennes.

Après le président Joseph Kabila, qui a fait au congrès le bilan à mi-parcours de son action à la tête de l’Etat, après le retour triomphal de Belgique de l’opposant historique, Etienne Tshisekedi, c’est au tour de Vital Kamerhe, l’ancien président de l’Assemblée nationale, en rupture de banc avec le parti au pouvoir, de se lancer corps et âme dans la bataille électorale qui se profile.

L’ancien ami de Joseph Kabila a en effet démissionné du Parlement et du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD). Mettant en place sa propre machine électorale, Kamerhe a créé son parti politique, l’Union pour la nation congolaise (UNC). Et au cours d’une conférence de presse qu’il a animée le 14 décembre dernier à Kinshasa, l’homme a martelé que sa formation politique s’ancrait résolument dans l’opposition et il a clairement laissé entendre qu’il serait candidat à la présidentielle.

Comme pour montrer qu’il n’a plus de lien avec le PPRD, Kamerhe avait personnellement répondu présent au cérémonial du congrès de l’UDPS, le parti d’Etienne Tshisekedi. Mais déjà bien avant, on se souvient qu’il avait été rendre visite aux Pays-Bas à l’opposant Jean Pierre Bemba, qui est présentement poursuivi par la Cour pénale internationale.

Une alliance entre ces trois contradicteurs politiques du président Joseph Kabila est fortement plausible. Du reste, Vital Kamerhe n’avait-il pas déclaré que son parti était prêt à conclure des alliances avec d’autres forces de changement pour obtenir l’alternance en 2011 en RDC ?

Une perspective qui fera certainement grincer des dents du côté du PPRD, dont le candidat se voyait déjà sur un boulevard pour succéder à lui-même surtout qu’il vient de s’assurer le soutien du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), l’ex-faction rebelle (du général Laurent Nkounda), qui s’est muée en un parti politique membre de l’Alliance de la majorité présidentielle. En effet, si l’alliance triangulaire entre Etienne Tshisekedi, Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe devait fonctionner à merveille, elle donnerait du fil à retordre au fils du tombeur de Mobutou.

En prenant son indépendance et en se lançant ainsi dans les eaux tumultueuses de la politique, nul doute que Kamerhe a fait un choix courageux voire téméraire vu que, sous nos tropiques, militer dans l’opposition est un sacerdoce suicidaire sur le plan socio-financier. Quand on est opposant en effet, aucun cadeau ne vous est fait.

Mais si l’ancien président de l’Assemblée nationale congolaise a pu prendre son indépendance vis-à-vis des tenants du pouvoir, c’est qu’il n’a véritablement pas grand-chose à se reprocher dans la gestion des biens publics mis à sa disposition lorsqu’il était aux affaires. Si bien qu’il nage dans les eaux politiques comme un poisson dans l’eau puisqu’aucun dossier compromettant ne lui trouble le sommeil. Sinon s’il traînait des casseroles, le pouvoir aurait vite fait de les lui exhiber et de faire planer sur lui le spectre d’un procès afin qu’il se tienne tranquille et souffre en silence dans les rangs du PPRD.

Sur notre continent, ils sont nombreux, ces hommes politiques qui aimeraient tout plaquer et quitter le parti au pouvoir. Mais hélas, ils sont poings et mains liés, puisque compromis par la gestion peu catholique qu’ils ont faite des deniers publics mis à leur disposition à un moment donné de leur carrière politique ou de fonctionnaire. Ainsi, souvent, des gens, bien qu’ils aient fortement envie de vomir le boss, sont obligés de rester cois dans leurs coins.

Le geste de Vital Kamerhe est d’autant plus à saluer qu’il aurait pu se comporter en lèche-bottes comme beaucoup d’hommes politiques qui, pour rien au monde, ne quitteront jamais le parti au pouvoir pour militer dans l’opposition au nom d’une quelconque conviction. Ces hommes sont prêts à accepter toutes sortes d’humiliations pourvu qu’ils soient du bon côté de la soupière. En effet, pas question pour eux de vivre les affres d’un leader de l’opposition.

Comme dans un jeu d’échecs, les différents candidats s’observent, se jaugent et se préparent chacun à frapper un grand coup. A l’évidence, si tous ces poids lourds se jettent dans la bataille, nul doute que ce scrutin présidentiel en RD Congo ne manquera pas de piquant. Et c’est la démocratie qui en sortira grandi.

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga

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